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Mobilisation contre une expulsion

1 avril 2016 | Edition N°1713

Orbe – Après avoir passé 17 ans en Suisse, Mohamed Bangoura a reçu son avis d’expulsion. Les habitants ont signé une pétition pour qu’il puisse rester.

Mohamed Bangoura peut compter sur le soutien de nombreuses personnes, comme (de g. à dr.) Martine Delafoge, le député Denis-Olivier Maillefer et Pierre Mercier, municipal de police à Orbe. © Carole Alkabes

Mohamed Bangoura peut compter sur le soutien de nombreuses personnes, comme (de g. à dr.) Martine Delafoge, le député Denis-Olivier Maillefer et Pierre Mercier, municipal de police à Orbe.

L’avis d’expulsion en Afrique de l’ouest de Mohamed Bangoura -que tout le monde appelle Momo à Orbe-, dans dix jours, a soulevé un véritable élan de solidarité dans la région. Suite à cette annonce, faite la semaine dernière, un comité de soutien a été formé et plus de 600 personnes ont signé, en trois jours, une pétition demandant que le quadragénaire célibataire puisse rester en Suisse. Une démarche soutenue par la Municipalité de la Cité aux deux poissons.

«Nous avons été surpris de la décision prise par le Canton sur le sort de Mohamed, lance, en tant que citoyen, le municipal Pierre Mercier. Il est en Suisse depuis 17 ans. Et, en plus du fait qu’il est expulsé du pays après autant de temps, nous ne comprenons pas pourquoi il est renvoyé en Guinée-Conakry, alors que son pays d’origine est officiellement la Sierra Leone.» Les amis de Mohamed Bangoura espèrent obtenir le renvoi de la décision, le temps qu’il puisse trouver un travail et obtenir un permis humanitaire.

Entré en 1999 en Suisse, Mohamed est arrivé il y a cinq ans dans l’abri de la protection civile d’Orbe. Bien qu’il est au bénéfice de l’aide d’urgence, il a tout de même pu travailler comme employé au Triage forestier du Suchet, comme bénévole au Café contact, un service créé par la Commission d’intégration Suisse-étrangers et prévention contre le racisme Orbe-Chavornay, ainsi que comme concierge. «Il a travaillé dans une confiance absolue pour la Commune, en collaboration avec l’EVAM», fait remarquer le secrétaire communal Xavier Duquaine, en précisant que son contrat de travail avait été prolongé de trois mois, mais qu’une seconde demande n’avait pas été possible. «J’ai envie de travailler. Je suis venu en Suisse, un pays humanitaire, pour faire ma vie. Je n’ai aucun avenir en Afrique», explique Mohamed Bangoura, qui n’a plus de famille ou d’ami dans son pays d’origine.

Vol prévu le 11 avril

Celui qui est décrit comme quelqu’un de sociable, à bon caractère et qui connaît beaucoup de monde, a déposé plusieurs demandes d’asile. Mais elles ont été rejetées et on lui a demandé de quitter la Suisse en octobre 2001. Depuis, il n’avait plus reçu de nouvelle de l’Etat. «C’est une période extrêmement longue durant laquelle il n’a pas été renvoyé. Nous voulions légaliser sa situation et les démarches ont été entreprises, mais une semaine plus tard, il a reçu sont plan de vol, s’étonne Pierre Mercier. Nous nous trouvons dorénavant dans l’urgence. Il doit prendre l’avion le 11 avril.»

«Plus la personne est présente dans un pays, plus elle s’intègre et plus le renvoi devient problématique, voire inhumain», lance Denis-Olivier Maillefer, député au Grand Conseil, qui fait partie du comité de soutien à Mohamed Bangoura. Le député de Valeyres-sous-Rances compte vérifier si une solution reste possible du côté des procédures administratives. «Nous sommes sûrement au bout du chemin, mais il reste une petite lueur d’espoir, ajoute-t-il. La politique est sensible aux actions civiques.»

Les personnes qui soutiennent Mohamed Bangoura espèrent qu’un permis B lui sera accordé. «Au niveau de son intégration, c’est possible, en revanche sa situation financière pourrait porter préjudice. Vu qu’il n’a pas le droit de travailler ce n’est pas facile. Et au niveau juridique, ça devrait aller», résume le député. «Son casier judiciaire devrait être vierge, il a toujours observé les règles, si ce n’est qu’il a été amendé une fois, note Pierre Mercier, en faisant référence à une bagarre qui a débuté à l’abri PC, suite au vol du natel de Mohamed Bangoura. Nous ne sommes pas sûrs qu’il réponde à toutes les conditions, c’est notre coeur qui parle.» De plus, Mohamed Bangoura se rendra encore à la Coordination Asile Migration Nord vaudois, à Yverdon-les-Bains, pour prendre connaissance des possibilités qui lui reste.

Son avenir, Mohamed Bangoura l’imaginait en Suisse, même s’il refuse, contrairement à d’autres requérants qu’il a rencontrés lors de son parcours, d’organiser un mariage blanc ou de disparaître dans la nature. Mais s’il ne parvient pas à repousser son avis d’expulsion et s’il ne se présente pas à l’aéroport dans dix jours, c’est la police qui viendra le chercher pour l’emmener au Centre de rétention de Frambois, avant de le renvoyer dans son pays, qu’il n’a pas vu depuis bientôt vingt ans.

https://www.youtube.com/watch?v=-ETUT2PmjzU

Muriel Aubert