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Nadine Mabille et la cyberdépendance

21 mai 2012

La Nord-vaudoise Nadine Mabille a publié son quatrième roman, «(H)Eden, conversation avec Elise». Elle y met en scène un enfant-roi qui se réfugie dans les jeux vidéos, au point de ne plus distinguer le virtuel de la réalité.

Nadine Mabille a dédicacé son dernier roman à la librairie Le Cerf Livres à Orbe.

«Pour écrire, je pars toujours d’interrogations et de faits de société. Nous sommes dans une période où arrivent de toute part des signaux rouges concernant les jeunes connectés et la cyberdépendance. Ces sujets, de plus en plus abordés dans la presse ou à la télévision, n’apparaissent pas tellement dans la littérature romande.» Marquée par la fusillade de Columbine et la polémique autour des jeux vidéos qui s’en est suivie, la Nord-Vaudoise Nadine Mabille a éprouvé le besoin de remédier à ce manquement. A la suite de ce massacre perpétré dans une école du Colorado, certains spécialistes ont affirmé que les deux adolescents qui ont abattu treize personnes dans leur campus et blessé vingt-quatre autres, étaient devenus insensibles à la souffrance d’autrui, la faute à une importante exposition aux images violentes, voire que les deux jeunes tueurs avaient agi comme s’il se trouvait dans un monde virtuel.

Nadine Mabille, dans son dernier roman «(H)Eden, conversation avec Elise», traite de cette confusion entre fiction et réalité. Sauf que son personnage principal, Eden, lui n’a tué personne, même si au départ il est persuadé du contraire. «Est-ce que Lara existe vraiment? Est-elle vraiment morte?», se demande-t-il. Eden devait être «l’enfant du paradis», une position trop difficile à tenir: il ajoute un «h» à son prénom, pour devenir «Heden», un patronyme plus facile à porter. En grandissant, il arrive peu à peu à répondre aux espoirs de sa mère: il ne fait pas de bêtises, et ramène de bonnes notes! Mais Eden est aussi un grand solitaire. Ses parents le considèrent comme étant bien trop «précieux» pour être laissé sans surveillance. Son ordinateur devient le seul moyen pour lui de s’évader. Très jeune, ce «gamer» s’éprend de Lara dans un jeu vidéo. Il la suit partout, même si son héroïne, elle, reste très distante avec tous les hommes. Jusqu’au jour où la belle tombe sous le charme du Garçon à la Flûte. Jaloux, il abat son rival. Il est alors persuadé d’être un vrai meurtrier et s’enferme dans des jeux de plus en plus violents, allant jusqu’à permette au clan aux mâchoires d’acier de déchiqueter sa bien-aimée.

La cyberdépendance, mais pas que

Nadine Mabille aborde dans ce roman de manière poétique et parfois caustique des travers de notre société: la cyberdépendance, mais aussi l’éducation de l’enfant roi ainsi que la perte des liens avec la nature et les plaisirs simples de la vie. Le chemin vers la maturité et l’indépendance, Eden va le parcourir aux côtés de sa grand-mère, Elise qui va lui transmettre son amour de la nature, des mots et de la liberté. Le jeune homme, au départ effrayé par le moindre bruissement d’arbres, «conquiert» peu à peu le réel et apprend à éprouver des émotions, mais sans pour autant renier le pouvoir de l’imaginaire.

«Je ne suis pas passéiste. Je désire simplement susciter la réflexion autour de sujets qui me touchent», souligne Nadine Mabille. D’ailleurs, avant de se mettre devant sa machine, la Nord-Vaudoise a rassemblé quantité d’informations sur la dépendance au virtuel, s’est procuré un lexique de mots propres à ce monde-là; pour s’amuser par la suite à en parsemer son ouvrage, et s’est même initiée à quelques jeux vidéo.

 

Nadine Mabille a notamment créé d’importantes productions littéraires pour la Radio Suisse Romande

Un parcours professionnel éclectique de la radio à la plume

Dès son plus jeune âge, la Nord-vaudoise Nadine Mabille a toujours privilégié l’écriture comme moyen d’expression. Et elle a eu la chance de pouvoir vivre de sa passion. De nature vagabonde et curieuse, elle n’a cessé d’explorer des univers différents. Auteure professionnelle, Nadine Mabille a régulièrement rédigé des nouvelles et des billets d’humeur pour différentes revues féminines et elle a créé d’importantes productions littéraires pour la Radio Suisse romande.

«La vie professionnelle d’un écrivain est très solitaire. Plus jeune, je préférais le travail en équipe et habitais à Lausanne. Depuis quelques années, j’ai emménagé dans ma maison familiale à Rances, un lieu idéal pour écrire», relève-t-elle. Ce n’est donc que sur le tard qu’elle s’est attelée à son premier roman, «Le Tramway bleu», l’histoire d’une époque, celle si particulière des Sixties, où tout paraissait possible, où tout semblait facile.

Un roman pour lequel elle a reçu le Prix des Alpes-Jura décerné à Paris par l’Association des écrivains de langue française. S’en sont suivis «Le Cerf-Volant» et «Les Roses de Décembre».

Ces trois ouvrages forment une sorte de trilogie qui illustre le cheminement intérieur de tout être humain. Nadine Mabille a ensuite changé de style avec un recueil de nouvelles poétiques, «De l’autre côté du Jardin», dans lequel elle explore ses thèmes de prédilection, la quête de liberté, la révolte, la séparation, le deuil et la réconciliation. Cette année, elle publie «(H)Eden, conversation avec Elise».

Sonia Délèze