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«Il n’y a plus d’histoire politique, plus d’ancrage»

17 août 2017
Edition N°2061

Yverdon-les-Bains – Après plus de 30 ans au Grand Conseil, le socialiste Olivier Kernen, ancien syndic de la Cité thermale, a quitté le législatif cantonal. L’occasion de jeter un regard sur une carrière bien remplie et d’évoquer le monde politique d’aujourd’hui.

Olivier Kernen ne sera plus actif, mais sa passion pour la chose publique ne s’est pas éteinte. ©Carole Alkabes

Olivier Kernen ne sera plus actif, mais sa passion pour la chose publique ne s’est pas éteinte.

Olivier Kernen a été député socialiste au Grand Conseil de 1986 à 2017. Durant cette période, il a également passé douze ans à la Municipalité d’Yverdon-les-Bains, dont huit dans le fauteuil de syndic. Cet été, il a mis un terme à son mandat de député au Grand Conseil. Une page s’est donc tournée. Interview.

 

Olivier Kernen, lorsque vous jetez un coup d’œil dans le rétroviseur, que vous inspire votre parcours ?

Les années défilent, les gens passent. Certains restent, d’autres partent. J’ai notamment vu défiler un bon nombre de conseillers d’Etat, mais je n’ai pas senti les années passer. Si je l’avais ressenti, j’aurais arrêté bien plus vite. J’ai toujours eu du plaisir à siéger. J’ai tout de même effectué une pause de quatre ans au Grand Conseil entre 1989 et 1993. J’étais alors municipal et je cumulais un emploi à 100% aux PTT de l’époque.

 

Est-ce que votre élection au poste de syndic a changé la donne pour vous au Grand Conseil ?

Oui, on a, alors, une autre fonction en tant que député. Il faut effectuer le lien entre l’Exécutif de la Ville et les instances cantonales, construire un réseau. J’ai d’ailleurs toujours eu d’excellents liens avec le Canton. Aussi bien avec les chefs de département qu’avec les chefs de service et l’administration. Je suis, somme toute, quelqu’un de centriste, de gauche, rassembleur dans la mesure du possible.

 

Quel genre de député avez-vous été ?

J’ai surtout été un député de commission, où beaucoup de travail a été entrepris. Par contre, je n’ai jamais été un député de motions ou de postulats. J’ai toujours trouvé qu’il y avait assez de gens qui s’exprimaient par ce biais, pour des raisons plus ou moins bonnes. On ne pourra en tout cas pas me taxer de motionnaire électoraliste, c’est certain.

J’ai beaucoup travaillé en direct avec les chefs de département et les chefs de service. On obtient des réponses bien plus rapidement qu’en passant par le Grand Conseil, pour autant que ce soient de bonnes questions. J’ai aussi fait partie de commissions importantes, comme celle d’enquête parlementaire de la BCV. On avait siégé durant une année.

 

Sur la durée de votre carrière politique, avez-vous un regret ?

Non, si ce n’est, peut-être, le fait de n’avoir pas réussi à me faire réélire à la syndicature en 2001. On avait un sacré dynamisme avec cette équipe et on avait encore pas mal de projets à réaliser.

 

Surtout avec l’Exposition nationale qui pointait…

Oui, bon, je l’ai finalement vécue de l’intérieur puisque j’ai été un des directeurs adjoints d’exploitation d’Expo 02. Ce qui m’a gêné par la suite, c’est qu’on n’ait pas su profiter de cet élan, offert par l’événement. La nouvelle équipe n’avait pas les chromosomes de l’Expo 02. On n’a ainsi pas eu l’occasion de surfer sur la vague de cette manifestation. Actuellement, Yverdon-les-Bains est redevenue la périphérie de l’Arc lémanique. Nous ne sommes pas une destination. Les efforts continuent à être énormes pour attirer des entreprises, par exemple à Y-Parc. A Yverdon-les-Bains, pour réussir, il faut se battre deux fois plus qu’ailleurs.

 

Vous évoquiez votre réseau, que représente- t-il ?

C’est un peu le résumé de ma vie. Ce sont 700 ou 800 personnes que je peux, dans la mesure du possible, facilement appeler. J’ai toujours gardé de bons contacts. C’est surtout ça qui m’a permis de passer d’un sujet à l’autre, professionnellement. Car, mine de rien, quelque soit la matière que vous traitez, il y a la façon de traiter cette matière. Et la clé reste de conserver l’être humain au centre des préoccupations. Si vous vous écartez de cette ligne, les gens vous mettent de côté. Il faut respecter le boulot des autres. C’est toujours sympa de discuter avec quelqu’un à qui vous pouvez dire : «Je connais quelqu’un qui pourrait nous aider.» Un coup de fil, un rendez-vous et peut-être que la solution est déjà en vue.

 

Quel regard portez-vous sur la politique yverdonnoise d’aujourd’hui ?

Il n’y a plus d’histoire politique. La politique locale n’est plus basée que sur des mouvements. Des mouvements d’idéologie, d’humeur, et ce n’est plus ancré sur une histoire politique liée à une vision commune de la ville. Beaucoup de partis se sont formés récemment. On a des partis très jeunes à Yverdon-les-Bains, à part le PS et le PLR, que ce soit l’UDC, l’UDF à l’époque, les Verts, Solidarités et les Vert’libéraux. Il n’y a plus d’ancrage politique de fond. Ces mouvements sont sujets à des envolées par rapport à des dossiers d’actualité brûlante. Mais on ne fait pas de la politique avec ça sur le long terme. Ça crispe tout le monde. Et on se retrouve dans des systématiques gauche-droite floues qui nous empêchent parfois de véritablement situer la gauche et la droite sur certains sujets.

Par ailleurs, les gens ont moins de recul politique qu’auparavant. Mais ils ne s’en rendent pas vraiment compte. Ils entrent au Conseil communal par cooptation ou par amitié.

 

On remarque également que les fronts s’écartent, que tout se polarise. Il y a de moins en moins de personnes prêtes à faire des compromis. Comment est-ce que le centriste que vous êtes vit le glissement à gauche du PS ?

Ce n’est pas vraiment une nouveauté, on a toujours eu des courants différents. Ce n’est pas un besoin, mais chacun veut marquer son territoire. Ces années de consensus ont eu pour conséquence que, le citoyen qui va voter, ne sait plus trop où se situent les partis. Dans les années nonante il a fallu faire front commun PS et PLR pour passer de gros projets – y compris le budget cantonal. Le positionnement des partis s’en était retrouvé un peu flou pour la population. Du coup, également sous l’impulsion de l’UDC, cette polarisation s’est mise en place. Le PLR s’est d’ailleurs plus libéralisé que radicalisé, par exemple.

 

Et à quoi va ressembler votre vie maintenant ?

Je suis responsable du développement dans une entreprise qui s’occupe de gestion des déchets. Il y a aussi une nouvelle profession que j’exerce avec le plus grand plaisir, c’est celle de «Papou», de grand-père depuis un peu plus de deux ans. Prendre le 20% du Grand conseil pour le consacrer à sa famille, je trouve ça assez exceptionnel. Durant toute ma carrière politique, et mes deux filles en ont certainement souffert, j’étais très peu à la maison. Ces années ont été exceptionnelles pour moi, peut-être un peu moins pour elles, car je n’ai pas pu m’en occuper comme je l’aurais voulu. Alors, maintenant, j’ai plus de temps à consacrer à ma famille et je trouve ça génial. Je redécouvre ce que c’est.

Je n’ai jamais quitté mon réseau d’amis non plus. Toujours autour de la cuisine, j’y passe des heures. Cela a toujours été mon exutoire lorsque je faisais de la politique, ce qui m’a aussi permis de conserver mon réseau. Au front six jours sur sept pendant un certain nombre d’années, vous ne voyez plus les gens si vous n’êtes pas le moteur de la rencontre.

 

Vers un retrait complet du monde politique vaudois

 

Tévenon – Le Parti socialiste a également vu la députée Ginette Duvoisin quitter le Grand Conseil cet été

 

La Tévenole Ginette Duvoisin a siégé durant 14 ans au Grand Conseil. ©Carole Alkabes

La Tévenole Ginette Duvoisin a siégé durant 14 ans au Grand Conseil.

Grandement appréciée par son collègue de parti Olivier Kernen, Ginette Duvoisin a également quitté le Législatif cantonal après y avoir siégé quatorze ans (ndlr : de 1994 à 1998 et de 2007 à 2017). Le changement ne se fera pas sans un poil de nostalgie. «J’aurai évidemment un petit pincement au coeur, mardi, en pensant à mes anciens collègues réélus, explique l’habitante et ancienne syndique de Tévenon. Mais il s’agit d’une décision personnelle, mûrement réfléchie. J’ai décidé, il y a quelques temps de cela déjà, qu’arrivée à la retraite, je mettrai un terme à mon engagement politique. Je me tiens donc à ma décision, même si c’est une page qui se tourne.»

 

Et sur la scène locale ?

 

Ce choix a notamment été dicté par le caractère chronophage des mandats politiques. L’ancienne députée socialiste veut aujourd’hui consacrer son temps à sa famille et à ses petits-enfants. «Avec tous ces rendez-vous et les représentations, j’en avais un peu assez de jongler», image encore celle qui n’exclut toutefois pas de faire son retour au Conseil général de sa commune dans un avenir pas trop lointain.

Durant sa carrière politique, Ginette Duvoisin a non seulement représenté le Nord vaudois au Grand Conseil, mais elle s’est également investie au niveau de la direction de la section cantonale du Parti socialiste (PS). Aujourd’hui, elle occupe encore le poste de vice-présidente du PS Vaud. «Mais plus pour longtemps, assure-t-elle. J’ai déjà annoncé que, lors du prochain renouvellement des instances directrices, en avril 2018, je ne me représenterai pas.» Plus active, mais toujours passionnée, Ginette Duvoisin continuera à s’intéresser de près à la chose politique.

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