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Objectif Kilimandjaro: 5895 mètres de bienfaisance
Christian Willi. © Michel Duperrex

Objectif Kilimandjaro: 5895 mètres de bienfaisance

17 février 2022

Cinq Romands s’envoleront pour la Tanzanie vendredi avec pour objectif de gravir le Kilimandjaro. Mais surtout de soutenir un programme de survie pour les femmes dans le besoin. Interview du directeur de Compassion Suisse, Christian Willi, qui prendra lui-même part à l’aventure.

Dans une chemise bleu marine, dégustant un thé chaud à son bureau de Compassion Suisse à Yverdon, Christian Willi devra rapidement troquer ce confort contre une doudoune, des bâtons de marche, du froid et de la sueur. Car dans quelques heures, le directeur de l’ONG qui soutient les enfants victimes de précarité s’envolera avec son équipe pour la Tanzanie.
Cette expédition nommée Muskathlon a pour double objectif de récolter des fonds pour soutenir des mamans et leurs bébés démunis dans les pays du Sud (lire encadré), en réalisant l’ascension du Kilimandjaro, montagne au plus haut sommet d’Afrique.

Christian Willi, parlez-nous de ce projet de Muskathlon. De quoi s’agit-il?

Le Muskathlon a été créé par l’association 4M, lancée par un Hollandais. Un grand sportif également sensible à l’injustice et à la pauvreté. Il s’est rendu compte que les sportifs sont facilement prêts à se mobiliser et à mouiller le maillot pour une course. Il a donc créé le Muskathlon. Cela consiste à aller dans les pays du Sud faire un exploit sportif et récolter des fonds.

Ce sont généralement des courses, des marathons, des ultramarathons. Mais cette année votre objectif se trouve plus dans la hauteur que dans la vitesse…

Oui, c’est la première fois que le projet du Kilimandjaro aura lieu! En quelques semaines, toutes les places étaient prises. Nous sommes 26 Suisses, dont 5 Romands, à partir demain dans le but de récolter des fonds pour un programme de soutien envers les mamans et les bébés dans le besoin. Pour l’instant, nous avons déjà récolté plus de 250 000 francs, soit assez d’argent pour soutenir près de 300 femmes pour une année! Mais aussi des personnes qui se sont engagées à parrainer plus de 50 enfants.

Vous êtes le directeur de l’organisation Compassion. Pourquoi avoir décidé de relever personnellement ce défi?

La responsable de projet m’a demandé si je pouvais accompagner ce voyage. C’était un gros défi physique, mais aussi par rapport à la vaccination, au Covid, aux risques sur place. Je me suis donc décidé sur le tard, juste avant Noël. Mais c’est juste génial de vivre cette expérience.

Etes-vous un grand sportif ou l’entraînement a-t-il été rude?

Je fais du vélo de course et de la voile donc ce n’est pas très utile pour la montée du Kilimandjaro! Je me suis entraîné et j’y vais comme les autres! On a multiplié les sorties en équipe, on avalait 700 à 1400 mètres de dénivelé par week-end, donc c’était un entraînement assez intensif.

Avez-vous des craintes pour cette ascension?

Les questions liées à l’oxygène. On monte à 5895 mètres. La moitié des gens arrivent en haut, les autres n’y arrivent pas à cause du mal d’altitude. C’est ce qui nous stresse le plus.

Même si cette ascension est de plus en plus prisée par les randonneurs, cela reste un challenge de taille…

Quand j’ai dit oui, le lendemain j’ai contacté mes amis qui m’ont dit de regarder une émission. Ce sont des Vaudois qui font l’ascension du Kilimandjaro et qui rencontrent toutes sortes de misères. Je me suis quand même réveillé quelques nuits en me disant: mais Christian, est-ce que tu vas y arriver? Puis ça devient visible, les gens nous donnent plein de conseils et on réalise quand même que c’est un gros défi et qu’il faut s’entraîner physiquement et mouiller sa chemise.

Mais êtes-vous désormais serein?

C’est une des vertus de 4M. A la fois de mobiliser les gens pour qu’ils s’engagent pour un projet de pauvreté, mais aussi les pousser au-delà de leur zone de confort, comme dormir sous tente. Et ça c’est réussi! ça permet une réflexion intéressante sur la question du succès. En principe, un mec de mon âge fait des trucs qu’il sait qu’il va réussir! Pas un truc où la moitié arrive en haut. Ce sont des réflexions personnelles sur soi-même et ses limites. J’ai trouvé jusqu’ici passionnant de vivre cela car ça donne un coup d’adrénaline vraiment sympa.

En combien de temps pensez-vous gravir les quelque 5800 mètres?

Le voyage dure dix jours mais ce sera six jours de marche. Nous avons choisi une montée un peu plus longue. Samedi et dimanche nous irons voir des quartiers pauvres de la région et un centre de Compassion. Lundi nous partons pour l’ascension jusqu’au samedi. Et le dernier lundi nous rendrons visite aux filleuls de l’organisation.

Avez-vous vous-même récolté des fonds pour votre expédition?

Dans notre tissu de contacts personnels on arrive à récolter des fonds. Avec ce que j’ai pu récolter comme argent, il y a 320 femmes qui vont être soutenues pendant un mois! Je suis très touché de voir que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Cela vaut la peine de mouiller sa chemise.

Donc l’argent des donateurs va directement au projet?

Oui puisque le participant doit payer son voyage à hauteur de 3900 francs. L’argent va uniquement pour le programme de survie.

Qui est éligible pour s’inscrire à ce projet?

Tout le monde, mais plutôt des gens sportifs. Quelqu’un qui aime le sport et qui a à cœur de lutter contre la pauvreté peut s’inscrire. D’ailleurs, on a deux Tanzaniens qui montent avec nous, dont une femme qui était l’une des enfants parrainées par notre programme! C’est génial quand on y pense. C’est une plus-value pour les participants.

 

INFOS PRATIQUES

 

Pour suivre Christian Willi au Kilimandjaro: www.christian11875.wixsite.com/website

Pour soutenir le Muskathlon ou s’inscrire à la prochaine édition en juin: www.muskathlon-kilimanjaro.ch

Pour parrainer un enfant: www.compassion.ch

 

Compassion: pour les enfants du monde dans le besoin

 

L’organisation Compassion existe depuis maintenant septante ans, et depuis 2002 en Suisse. Son but: Soutenir les enfants par le biais du parrainage individuel pour qu’ils puissent être scolarisés, avoir une alimentation saine, un suivi médical et qu’ils puissent développer leurs talents. «Les gens s’engagent pour un enfant sur la durée, pour des résultats plus prometteurs», explique le directeur de Compassion Suisse Christian Willi. Compassion se focalise sur les enfants du monde qui vivent avec moins de deux francs par jour. En partenariat avec les églises locales des quartiers pauvres (structures plus fiables et moins corruptibles que l’Etat), l’organisation dont, le système a fait ses preuves, agit aussi sur le terrain.

A l’heure actuelle, Compassion soutient 2,2 millions d’enfants dans 25 pays. Malheureusement, c’est généralement le début de vie de l’enfant qui est déficient. De nombreuses femmes n’ont d’ailleurs pas accès à une structure médicalisée pour accoucher. «Beaucoup d’enfants n’atteignent pas 28 jours de vie. D’ailleurs les parents ne donnent parfois pas de prénom avant la 1re année de l’enfant…», explique Christian Willi. C’est pourquoi le programme de survie pour la mère et l’enfant a été créé, parrainé par l’action du Muskathlon. Il permet d’assister la mère durant la grossesse, d’accoucher dans une structure médicalisée, d’avoir un soutien matériel ou encore un suivi durant la première année de l’enfant. «C’est bien de soutenir un enfant mais si son début de vie est déficient, son développement va être altéré. C’est un programme qui sauve des vies.»

Léa Perrin