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«On m’avait engagée pour l’inventaire des collections»

5 octobre 2017 | Edition N°2095

Yverdon-les-Bains – La directrice-conservatrice du Musée d’Yverdon et région, France Terrier, entame sa 25e année à la tête de l’institution. Au fil des décennies, celle-ci, qui réunit le patrimoine historique du Nord vaudois, s’est professionnalisée.

Depuis 25 ans, la conservatrice France Terrier mène la barque au Musée d’Yverdon et région. ©Carole Alkabes

Depuis 25 ans, la conservatrice France Terrier mène la barque au Musée d’Yverdon et région.

Cela fait un quart de siècle que France Terrier sillonne les vieux murs du château d’Yverdon-les-Bains. C’est en octobre 1992 que la férue d’histoire, alors sur le point d’achever ses études à l’Université de Lausanne, est engagée par le Musée d’Yverdon et région. Rencontre avec une femme passionnée par son métier.

 

 

France Terrier, après toutes ces années, quel souvenir gardez-vous de vos débuts ?

 

Lorsque j’ai été engagée comme conservatrice-adjointe, à la suite du départ à la retraite de Denise Cornamusaz, je n’imaginais pas l’ampleur du travail qu’il fallait accomplir. Des bénévoles occupaient alors les postes de conservateurs sans avoir suivi de formation en muséologie. Je terminais ma licence en archéologie et, à l’époque, on m’avait engagée pour réaliser l’inventaire des collections, qui n’avaient pas été répertoriées de manière complète depuis le début du XXe siècle. Au fil des années, mes tâches ont évolué.

 

De quelle manière se sont-elles développées ?

 

Je me suis rendue compte qu’il y avait un véritable travail de fond à entreprendre en matière de conservation, de documentation et de mise en valeur des collections qui sont d’un intérêt largement suprarégional. Mais pour pouvoir effectuer ces tâches, il fallait des moyens financiers. Afin d’augmenter la visibilité du musée, je me suis donc rapidement attelée à des activités de médiation culturelle.

 

Justement, comment rendre une institution comme la vôtre accessible au public ?

 

Notamment, en modernisant l’exposition permanente par étapes et en proposant des expositions temporaires aussi souvent que possible. Nous avons également mis sur pied des activités à but pédagogique, comme la fabrication de petits menhirs sur le site de Clendy, des jeux romains ou encore des ateliers de peinture romaine. Il y a six ans, nous avons créé un «P’tit Ciné du MY». Chaque année, ce sont plus de mille élèves qui assistent aux séances. C’est une petite victoire d’avoir lancé ce projet et de l’avoir maintenu au fil des ans.

 

Est-ce difficile de lancer de nouvelles propositions ?

 

Les projets mettent du temps à se mettre en place, car il faut trouver des moyens financiers puis les réaliser. Au fil des ans, le musée a pu être maintenu à flot, mais on a parfois connu des difficultés à faire aboutir certains projets.

 

Lesquels ?

 

Un des chantiers les plus lourds a consisté à trouver des dépôts adéquats pour les collections d’archéologie et d’histoire du musée. Depuis 2010, grâce à l’aide de la Commune d’Yverdon-les-Bains, nous disposons d’un dépôt répondant aux normes pour conserver les collections d’histoire.

 

La Maison d’Ailleurs et le Centre d’art contemporain attirent de nombreux visiteurs. Comment voyez-vous cette concurrence ?

 

Je ne crois pas qu’il s’agisse de concurrence. Notre mission est différente : en plus de communiquer avec le public, nous avons la responsabilité de sauvegarder un patrimoine historique exceptionnellement riche. En ce qui concerne les expositions temporaires, nous suivons une politique qui nous fait privilégier certains thèmes.

 

Comme quoi, par exemple ?

 

Dans le Nord vaudois, il y a plusieurs points forts et des thèmes récurrents qui font la spécificité de la région, comme la présence de l’eau et les forteresses, ainsi que le rôle d’Yverdon comme carrefour de voies de communication, par où transitaient beaucoup de marchandises. Ainsi, la Via Salina (ndlr : la route du sel franco-suisse) passait par la région.

 

Vous êtes passionnée par votre métier. Est-ce qu’il vous arrive de sortir de votre musée ?

 

Bien sûr (rires). J’ai toujours tenu à conserver des activités hors du musée, notamment pour enrichir ma pratique professionnelle. J’ai, notamment, été rédactrice pour la Suisse romande de la revue AS. (Archéologie Suisse), vice-présidente d’ICOM Suisse (Conseil international des musées) et présidente de sa commission de déontologie pendant de longues années. Je suis actuellement chargée d’enseignement à l’Université de Neuchâtel et préside la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie. Et puis, je suis mère de deux filles et passionnée de culture sous toutes ses formes : danse, musique, théâtre, littérature, etc.

 

Si vous deviez emporter un seul objet sur une île, lequel choisiriez-vous ?

 

J’ai toujours été fascinée par la barque qu’on a découverte, en 1984, à la rue du Valentin. Mes débuts au musée coïncident avec le lancement du projet d’aménagement des salles consacrées à la navigation antique. Mais je suis également très sensible à l’artisanat, notamment les céramiques sur lesquelles on peut encore voir les traces de doigts de celui qui les a façonnées.

 

Ça navigue !

 

Découverte majeure

 

La découverte de deux embarcations gallo-romaines au coeur de la Cité thermale, respectivement en 1971 et en 1984, marque un tournant décisif pour le Musée d’Yverdon et région. A la fin des années 1990, la conservatrice France Terrier est chargée de créer une section permanente sur le thème de la navigation antique. Pourtant, de nombreuses questions restent en suspens, car il faut alors rapidement trouver des solutions pour conserver et restaurer les deux objets gorgés d’eau.

Cette opération complexe est assurée par le Laboratoire du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne. «L’épave de 1984 mesure dix mètres de long. Il s’agit d’une pièce importante pour l’histoire de la batellerie qui a été magnifiquement conservée, explique la directrice du musée. Les détails de construction permettent de mieux comprendre comment les constructions navales ont évolué au fil des siècles.» En effet, jusqu’à l’époque romaine, les embarcations étaient érigées à partir d’un seul tronc d’arbre. «Avec l’évolution du commerce, les Romains ont voulu transporter plus de marchandises. Il a donc fallu trouver un moyen pour assembler deux demi-coques, poursuit France Terrier. Jusqu’au XXe siècle, dans notre région, les bateaux ont été construits selon ce principe.»

Plus d’informations sur : www.Musee-yverdon-region.ch.

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Valérie Beauverd