Grand spécialiste du domaine, Alain Corbellari propose, à travers La Suisse romande au miroir de la littérature médiévale, un ouvrage traitant de ce thème au plan romand avec un intérêt particulier pour certaines figures, comme Othon III de Grandson.
«Ce livre est le premier qui essaie de prendre en compte tous les phénomènes qui lient la littérature, le Moyen Âge et la Suisse romande», résume Alain Corbellari. Pour ce professeur de littérature médiévale aux universités de Neuchâtel et de Lausanne, si la période médiévale suscite un grand intérêt depuis une vingtaine d’années et qu’elle est sans conteste constitutive de notre identité, l’imaginaire qu’il y a derrière cette époque est mal connu.
«Le Moyen Age est riche d’une littérature dont de larges pans restent négligés», note en particulier le professeur. C’est pourquoi Alain Corbellari propose, à travers cet ouvrage vulgarisé, une lecture tout à fait accessible des auteurs, textes, figures et légendes attachés à la partie française de la Suisse à travers de courts chapitres illustrés.
L’auteur s’intéresse notamment à la figure d’Othon III de Grandson, arrière-petit-neveu d’Othon 1er, qui participa aux croisades, devint gouverneur du pays de Galles et lança la construction du château de Grandson, tout de même le deuxième plus grand édifice de ce type en Suisse. Si Othon III est reconnu pour sa bravoure, ayant participé à plusieurs batailles comme la guerre de Cent Ans (ce qui lui valut le grade de capitaine à la cour d’Angleterre), sa renommée comme chevalier-poète doit également à la découverte, au XIXe siècle, de ses nombreux poèmes.
Yverdon, patrie d’un chevalier légendaire?
« On peut dire qu’Othon III de Grandson est le plus grand poète lyrique d’amour français de la fin du XIVe siècle, reprend Alain Corbellari, précisant que l’éducation littéraire était courante pour les chevaliers depuis le XIIe siècle. Il est entre autres le promoteur d’un type de poèmes qui évoque la Saint-Valentin et il est très probable que l’initiateur de la coutume culturelle et littérarisée de la Saint-Valentin soit Othon III de Grandson.»
A travers une vingtaine de chapitres, le spécialiste de la littérature médiévale survole la quasi-totalité de la Suisse romande, abordant de fameux personnages historiques comme Charles le Téméraire, l’évêque de Lausanne Aymon de Montfalcon ou encore la reine Berthe.
Une partie de l’ouvrage revient également sur un personnage qui apparaît dans La Chanson de Roland: Olivier, le compagnon sage et pondéré de Roland. Si l’origine de ce héros des chansons de gestes du Cycle carolingien reste mystérieuse, celui-ci étant tantôt nommé Olivier «de Vienne», «de Genève» ou «de Lausanne», il est parfois dit «de Verdun». Le professeur exclut plusieurs Verdun connus en France par leur localisation éloignée, mais émet l’hypothèse que ce soit une référence à Yverdon, sachant que la Cité thermale a été nommée ainsi au Moyen Age, avant d’être plus couramment nommée «Iverdun» jusqu’au XIXe siècle.
Paru en juin 2024, éditions Livreo-Alphil, Neuchâtel.