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Le Parlement condamne les paysans

20 juin 2017 | Edition N°2020

Nord vaudois – Le Conseil national a pris la décision de ne plus entrer en matière sur un éventuel retour en arrière concernant la fiscalité des entreprises agricoles. Les minces espoirs se tournent ainsi vers le Canton.

Le conseiller national Jean-Pierre Grin est monté au front, en vain. ©Dupperrex-a

Le conseiller national Jean-Pierre Grin est monté au front, en vain.

Durant sa dernière session à Berne, le Parlement a infligé une véritable gifle au monde paysan. En effet, la motion du Conseiller national PDC lucernois Leo Müller, qui proposait un retour en arrière sur la fiscalité agricole, a été balayée par le Conseil national après avoir été refusée par le Conseil des Etats. La réaction à l’annonce de cette décision a été vive dans les rangs des représentants du monde agricole, dont le conseiller national nord-vaudois Jean-Pierre Grin (lire le courrier des lecteurs ci-dessous).

 

Dans une impasse

 

Le problème principal de la nouvelle imposition réside dans le transfert de la fortune commerciale sur la fortune privée. Au moment de partir à la retraite, par exemple, l’estimation fiscale du logement passe d’une catégorie à l’autre, faisant ainsi exploser le revenu imposable. Le montant obtenu est taxé à 40% au niveau fédéral (Impôt fédéral direct), plus 10% d’AVS, puisque l’agriculteur est considéré comme un travailleur indépendant. S’ajoutent à ces ponctions les impôts cantonaux et communaux. S’il semble peu probable que la Confédération adoucisse à court terme la taxation, le dernier espoir pour tenter de réduire un tant soit peu la facture salée demeure entre les mains des parlements cantonaux. Mais le sentiment général s’oriente vers un pessimisme fataliste. «Je pense que nous sommes dans une impasse, se désole Yves Pellaux, ancien président de Prométerre, qui avait défendu la motion Müller à l’époque. Et le fait qu’il n’y ait aucune période moratoire ajoute à l’incompréhension générale.»

 

Le Grand Conseil bouge

 

Au parlement vaudois, on n’a pas attendu la décision de la Berne fédérale pour agir. «Une motion de Raphaël Mahaim, issue du groupe des Verts, a été déposée et traitée en commission», détaille Vassilis Venizelos, chef du groupe Les Verts au Grand Conseil. Dans son texte, qui s’inscrit dans la droite ligne du postulat que le syndic de Baulmes, Julien Cuérel, avait déposé, le député de Pampigny demande la révision de la loi vaudoise en laissant une grande marge de manoeuvre au Conseil d’Etat quant aux moyens. Le but étant «d’atténuer au maximum les effets de la nouvelle fiscalité agricole.» La balle est donc dans le camp de l’Exécutif cantonal.

 

Pascal Broulis : «une proposition en fin d’année»

 

«Le Conseil d’Etat fera une proposition en fin d’année ; un projet en collaboration avec Prométerre et les représentants des métiers de la terre, prévoit le Conseiller d’Etat PLR Pascal Broulis, en charge des finances. Mais il faut bien comprendre que le problème ne peut pas se régler sur l’espace du Canton de Vaud. Nous n’avons aucune compétence, ni sur l’Impôt fédéral direct ni sur l’AVS. De plus, il ne serait pas sage de prendre des engagements au nom des communes, ajoute le grand argentier du Canton de Vaud. Nous tenterons de trouver ensemble le meilleur chemin possible.» Dans le cadre des mesures qui seront proposées fin 2017, une cellule provisoire, spécialement dédiée aux agriculteurs, sera mise sur pied au sein de l’administration cantonale des impôts pour guider et soutenir au mieux ceux qui peinent à avancer dans la jungle administrative.

 

Courrier des lecteurs

 

Fiscalité agricole
Motion Müller: un enterrement de première classe !

 

Après cinq ans de négociations, le Parlement inflige un affront au monde agricole ! A la suite de l’arrêt du tribunal fédéral du 1er décembre 2011, modifiant la pratique fiscale lors du passage des biens immobiliers de la fortune commerciale à la fortune privée, le Parlement avait accepté une motion du conseiller national Léo Müller demandant de revenir au système de fiscalité équilibrée d’avant le 1er décembre 2011. Lors d’un premier débat, le Conseil national avait accepté de revenir à l’ancien système, mais le Conseil des Etats l’avait refusé. La commission de l’économie et des redevances, devant le refus obstiné du Conseil des Etats, a décidé, dans sa séance du 16 mai, à la surprise générale de proposer au Conseil national de ne plus entrer en matière sur cet objet.

Frustré par cette proposition, j’ai déposé en plénum une proposition individuelle demandant d’entrer en matière, mais j’ai été battu par 112 voix contre 63. Par ce vote, le Conseil national inflige une lourde défaite au monde agricole. Fait éloquent, le président de l’Union suisse des paysans et son directeur ont abandonné la cause paysanne. La décision prise par notre Parlement va engendrer des situations épouvantables et beaucoup d’injustices ; c’est un massacre économique pour certains paysans ou une spoliation fiscale pour d’autres. C’est aussi une grave atteinte à la sécurité du droit si chère à notre pays, ainsi qu’une entorse à notre fédéralisme.

Ce qui est très curieux dans cette affaire, c’est l’emprise du pouvoir judiciaire sur le politique et l’absence de réaction de notre Parlement pour reprendre la main. Pour les Vaudois, nous espérons que des solutions soient trouvées au niveau cantonal. Le Grand Conseil a déjà demandé au Conseil d’Etat de se servir de sa marge de manoeuvre pour atténuer cette fiscalité abusive et, au niveau fédéral, un postulat a été déposé pour uniformiser fiscalement tous les biens immobiliers.

Pour notre canton, c’est 200 exploitations qui sont touchées par ce changement de système fiscal, la balle est maintenant au Département des finances vaudois.

Jean-Pierre Grin, conseiller national, Pomy

Jean-Philippe Pressl-Wenger