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Parler et pédaler pour ne pas oublier

13 juin 2016 | Edition N°1762

Yverdon-les-Bains – Visage romand de la lutte pour la reconnaissance des victimes de placements forcés, Clément Wieilly effectue un tour de Suisse de la dignité. Il a fait halte dans la Cité thermale.

Clément Wieilly a été reçu par le secrétaire municipal adjoint Yves Martin et Cécile Ehrensperger, cheffe adjointe du Service jeunesse et cohésion sociale. © Simon Gabioud

Clément Wieilly a été reçu par le secrétaire municipal adjoint Yves Martin et Cécile Ehrensperger, cheffe adjointe du Service jeunesse et cohésion sociale.

Une carrure imposante, ainsi que des mains épaisses et usées témoignent d’une enfance passée à travailler dans les champs. Une enfance volée, aussi. L’expression fait référence à cette période sombre de l’histoire suisse au cours de laquelle des milliers d’enfants ont étés retirés de force à leurs parents et placés arbitrairement dans des orphelinats et des familles d’accueil. Clément Wieilly en a fait sa cause. Son combat, aussi. Celui d’une vie. Jamais avare d’idées, ce militant s’est lancé un nouveau défi: un tour de Suisse de la dignité, à pied et à vélo, sur les traces des victimes. Après plus d’un milliers de kilomètres au compteur, il a fait halte à Yverdon-les-Bains, vendredi dernier.

«Aller directement à la rencontre des autorités et de la population, c’est le meilleur moyen de sensibiliser les gens et de les rendre attentifs au fait que, tous les jours, des victimes meurent dans l’indifférence», souligne Clément Wieilly. Fondateur de l’association «Agir pour la dignité», ce Gruyérien de 60 ans est devenu l’un des visages romands de la cause de l’enfance volée. Roués de coups, exploités, volés et violés, ils sont des centaines de milliers à avoir subi ces sévices, entre 1920 et 1980. Aujourd’hui, 20 000 de ces victimes sont encore en vie. Clément Wieilly en fait partie. Derrière le discours rodé, des bribes de vie apparaissent. «A trois ans, j’ai été abandonné par ma mère, que mon salopard de père battait. Maltraité, j’ai passé mon enfance chez une famille de paysans.»

Depuis quelques années, la Suisse affronte son passé douloureux: un travail de reconnaissance et de réparation est en cours. Tables rondes, rapport, fonds financiers: les choses bougent, mais pas assez vite, pas assez bien: «Nous ne voulons pas seulement des excuses, nous voulons des actes. Nous avons passé notre enfance sans éducation, ni argent. L’Etat a une dette.»

Si, aujourd’hui, Clément Wieilly se démène et multiplie les initiatives en mémoire des victimes -il a notamment composé une musique en leur mémoire-, cela n’a pas toujours été le cas dans un combat qui s’aparente à un chemin de croix. «Jusqu’à tout récemment, je pleurais beaucoup, j’étais abattu. Puis, j’ai eu la patience de la persévérance, et je me suis relevé. Les gens doivent sortir de l’ombre et de leur silence. Il faut se battre pour faire, avant tout, un travail de mémoire», conclut le militant.

Prochaines étapes: Vallorbe et Le Brassus

Parmi la cinquantaine d’étapes que compte son tour de Suisse, Clément Wieilly posera pied à terre à quatre reprises sur sol nord-vaudois. Outre sa venue à Yverdon-les-Bains et Sainte-Croix, où il s’est entretenu avec le syndic Franklin Thévenaz la semaine dernière, le Gruyérien se rend à Vallorbe, aujourd’hui, avant une ultime halte au Brassus, demain.

Hôte de Sommaruga

Le 23 juin prochain coïncidera avec l’ultime étape de ce périple à travers la Suisse. Comme un symbole, Clément Wieilly a choisi Berne. Il y rencontrera la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, pour ce qui sera le point d’orgue de l’épopée. «Je lui remettrai un livre d’or paraphé par les autorités des quatre coins du pays. Ce sera également l’occasion de lui présenter d’autres projets de sensibilisation.»

Simon Gabioud