Logo

Prolait cède son marché de l’«or blanc»

16 octobre 2017 | Edition N°2102

Yverdon-les-Bains – La fédération laitière a annoncé qu’elle souhaitait déléguer la commercialisation du lait industriel, afin de se concentrer sur ses activités fédératives. Explications.

La fédération Prolait, basée à Yverdon-les-Bains, a été créé en 2008 avec pour mission de réunir les producteurs de lait des cantons de Vaud, de Fribourg et de Neuchâtel, afin de tenir tête aux transformateurs. ©C.Md

La fédération Prolait, basée à Yverdon-les-Bains, a été créé en 2008 avec pour mission de réunir les producteurs de lait des cantons de Vaud, de Fribourg et de Neuchâtel, afin de tenir tête aux transformateurs.

Un petit rayon de soleil pourrait bien transpercer le ciel nuageux qui règne au-dessus des agriculteurs de la région. La fédération laitière Prolait , basée à Yverdon-les-Bains, a annoncé, vendredi dernier, son souhait de transmettre les rênes du commerce de lait industriel à la société coopérative Mooh, active dans 17 cantons du nord-est et du nord-ouest de la Suisse. Dès le 1er janvier 2018, il reviendra donc à cette dernière d’acheter cet «or blanc» aux membres de la fédération -pour autant qu’ils acceptent la proposition- et de le revendre aux transformateurs.

Concrètement, les producteurs devront toujours passer par Prolait pour écouler leur lait industriel, mais le prix et la gestion du marché seront coordonnés par Mooh, depuis la Suisse allemande.

«On pourrait croire qu’on arrête la plus grosse partie de notre travail, mais ce n’est pas le cas, précise Marc Benoît, président du conseil d’administration de Prolait. Notre tâche principale consiste à soutenir nos producteurs, que ce soit pour le lait transformé en Gruyère AOP, qui représente 65% de notre volume, mais aussi pour le 45% qui est valorisé dans les centrales laitières. Et c’est ce que nous allons continuer à faire en représentant nos membres auprès de Mooh.»

 

Une réponse à un besoin urgent

 

Cette collaboration avec Mooh fait suite à la demande formulée, en février 2016, par les agriculteurs d’améliorer le prix du lait. En effet, la fédération n’achetait pas «l’or blanc» au prix recommandé par l’interprofession du lait (IP du lait). Et aujourd’hui encore, les tarifs ne correspondent toujours pas : «Prolait propose le tarif le plus bas de Suisse, peste Philippe Gruet, qui exploite, avec son fils, un domaine situé dans le hameau de Sermuz, près d’Yverdon-les-Bains. 35% de notre lait est acheté au prix de 32 centimes, au lieu de 45. Cela ne peut plus durer.»

« Si on obtient deux centimes de plus pour notre lait, on sera contents, mais on ne va pas non plus accueillir la nouvelle avec un grand sourire.» Philippe Gruet, producteur de lait.

« Si on obtient deux centimes de plus pour notre lait, on sera contents, mais on ne va pas non plus accueillir la nouvelle avec un grand sourire.» Philippe Gruet, producteur de lait.

Cette urgence, Prolait en avait conscience. C’est pourquoi son conseil d’administration a étudié différentes options, afin d’améliorer la situation des producteurs de lait. «Nous avions deux objectifs, qui seront réalisés grâce à notre collaboration avec Mooh : pérenniser le financement de l’entreprise pour assurer et renforcer ses activités de défense professionnelle du secteur laitier, et valoriser le lait de centrale, dévoile, dans cet ordre, Marc Benoît. Nous sommes persuadés que c’est la meilleure voie, et nous nous investirons à convaincre nos membres.»

Bénéficier de synergies

 

Quels sont les bénéfices de cette restructuration pour les agriculteurs ? «En intégrant nos activités à celles de Mooh, elles seront conformes aux règles de l’IP lait, répond le président du conseil d’administration. Cela permettra également d’optimiser les transports et la logistique et, donc, de diminuer ces coûts pour les producteurs.» Un point sur lequel Philippe Gruet n’est pas tout à fait d’accord. «Selon les conditions d’achat de Mooh, il n’y a pas de suppléments à la quantité chargée, c’est-à-dire que c’est un forfait par arrêt de camion, explique-t-il. Ainsi, cela reviendra plus cher pour un petit producteur, mais ce sera plus économique pour celui qui livre de gros volumes.»

Quant à Prolait, le rapprochement avec la société Mooh lui permettra de renforcer ses activités fédératrices et ses différentes prestations -gestion de bâtiments et de projets, comptabilité, etc. «Nous pourrons nous engager dans de nouveaux projets», ajoute Marc Benoît.

 

La conséquence sur le prix du lait

 

«On nous a dit qu’on aurait une augmentation de deux centimes par kilo, ce qui n’est pas rien», affirme Philippe Gruet, qui était présent lors de la première séance d’information organisée par Prolait, la semaine dernière.

Du côté de la fédération yverdonnoise, la prudence est de mise : «Cette intégration permettra d’assurer un prix plus élevé, mais il est difficile de dire combien, car cela dépend du marché», avance Marc Benoît. «C’est connu que Prolait fixait des prix très bas, avoue Eugen Luz, gérant et responsable de l’approvisionnement chez Mooh. On espère que le prix pour les producteurs de lait va augmenter, mais nous ne pouvons pas garantir un changement effectif et immédiat.»

« Nous avions deux objectifs, qui seront réalisés avec la collaboration de Mooh : pérenniser le financement de l’entreprise et valoriser le lait de centrale.» Marc Benoît, conseil d’administration de Prolait.

« Nous avions deux objectifs, qui seront réalisés avec la collaboration de Mooh : pérenniser le financement de l’entreprise et valoriser le lait de centrale.» Marc Benoît, conseil d’administration de Prolait.

Une réponse qui n’est certes pas plus précise, mais qui a le mérite de mettre en évidence un autre point : le gain ne serait pas immédiat. «Nous ne connaissons pas exactement les conditions de Mooh, mais apparemment, durant un an, nous aurons une retenue sur la somme versée, explique Philippe Gruet, qui atteste un avis mitigé quant à la collaboration avec Mooh. Nous serons mieux payés, mais pas autant que les autres producteurs de chez Mooh. Donc oui, si on obtient deux centimes de plus pour notre lait industriel, on sera contents, mais on ne va pas non plus accueillir la nouvelle avec un grand sourire et en applaudissant.» Face à cette vérité, Mooh précise que le prix du lait sera identique pour tous ses producteurs, mais qu’une «petite retenue, limitée dans le temps, n’est pas exclue».

Prolait organisera, ces prochains jours, des séances d’information pour ses membres, afin d’expliquer les enjeux et l’importance de cette collaboration avec Mooh. Il est encore tôt pour connaître les détails de ce partenariat. Affaire à suivre.

Enregistrer

Enregistrer

Christelle Maillard