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Provocateur attachant, Denis Lang fait résonner Bavois
© Michel Duperrex

Provocateur attachant, Denis Lang fait résonner Bavois

24 juillet 2019 | Edition N°2546

Le speaker des Peupliers manie le micro comme personne. Parfois impertinent, souvent drôle, il vit son rôle à fond, guidé par une intention: qu’on parle du FCB.

Aux Peupliers, deux nouveaux bancs ont fait leur apparition entre l’entrée et la pelouse. Peints aux couleurs du club local, ils sont amenés à remplacer les anciens, vétustes, dès le début de la saison. «Vous savez comment ils sont arrivés là? questionne Denis Lang. On a pris un tracteur. On lui a attaché une remorque. Et, un samedi matin, on est partis à six ou huit les chercher chez le carrossier. Ça fonctionne comme ça ici.» Et c’est pour ce côté familial et bon enfant, vestige d’une autre époque lorsqu’on est un club de troisième division, que le FC Bavois occupe une place aussi importante dans son cœur.

Alors, à chacune de ses prises de parole au micro, le speaker essaie de transmettre un peu de son attachement au FCB autour de lui. En somme, sa voix résonne pour les Bavoisans qui œuvrent dans l’ombre, depuis quinze, vingt voire parfois vingt-cinq ans. D’ailleurs, Denis Lang nous répète qu’il est un peu gêné, que d’autres mériteraient d’être dans le journal à sa place et que, plutôt que de parler de lui, il faut surtout qu’on dise du bien de Bavois.

Reste que cet ancien supporter d’Yverdon Sport – «il ne faut pas le dire trop fort»– est une personnalité trop à part dans le paysage du football régional pour passer à côté. D’ailleurs, au bord des terrains, personne ne le fait sans lui glisser un petit mot. Qu’il soit positif ou non. «On peut parler de Varujan Simonov, le manager général du Stade Nyonnais, par exemple. À chaque fois qu’on se croise, il me dit que je suis le pire speaker du pays. C’est de bonne guerre», sourit l’ancien secrétaire municipal de Crissier, très à l’aise lorsqu’il s’agit de prendre la parole.

Au micro, en off, et vice-versa

Car Denis Lang ne s’en cache pas: il joue de sa position. Celle d’un speaker, certes, mais d’un speaker qui cultive un côté partisan, provocateur à souhait, souvent impertinent et drôle, suivant de quel camp on voit les choses. «J’essaie de naviguer sur la ligne, de ne jamais dépasser les bornes. Ce n’est pas le but. Même si le supporter prend parfois le dessus, il y a un personnage que j’alimente là-derrière, parce que je sais que ça fait rire les gens. Mais je reste prudent. Il y a ce que je dis au micro et ce que je dis en off. Bon, d’accord, parfois j’inverse. Volontairement ou pas.»

Une fois installé sur son perchoir, tout en haut de la tribune qui surplombe les bancs des joueurs, personne ne peut échapper à ses commentaires. Avant chaque match à domicile, cet ancien informaticien de 62 ans, arrivé au FCB en 2006 en suivant son fils qui intégrait les juniors A, se renseigne sur l’identité de l’arbitre. Ce qui l’intéresse avant tout? Connaître son prénom, pour pouvoir le répéter à outrance au micro dès que l’homme en noir a tendance à un peu trop réprimander les joueurs bavoisans.

Peu importe le type de pub

«Je n’ai jamais eu d’ennuis par rapport à ça, assure celui dont la voix porte aux Peupliers depuis 2013. Tout juste une fois, lors d’un match à l’extérieur en Suisse alémanique, lorsqu’une femme âgée d’au moins 80 ans m’avait tout dit. Mais alors tout! Visiblement, elle n’appréciait pas mes commentaires et mes Allez Bavois! Je dois avouer m’être senti un peu mal. Je me suis dit que j’avais vraiment dû dépasser les bornes pour faire sortir de ses gonds une supportrice de cet âge-là. Heureusement, on s’est croisés à la buvette après la rencontre et on a pu régler cette histoire.»

Même si le FCB a gagné le respect des formations de Promotion League, il reste un point minuscule sur la carte de la Suisse comparé à la plupart de ses adversaires. «D’où mon rôle, quelque part. J’ai envie que les gens se souviennent de nous. Jouer les provocateurs, ça y contribue. Au fond, peu importe que la pub soit bonne ou mauvaise, tant qu’on parle de nous.» Que ça plaise ou non, Denis Lang, lui, n’a pas fini de parler.

 

Une fois installé en-haut de la tribune, il ose tout

Outre que par sa voix reconnaissable entre mille, Denis Lang a bâti son personnage sur des répliques cultes. Des gimmicks qui reviennent chaque week-end ou des punchlines bien trouvées qui font mouche. Dans la seconde catégorie, on peut notamment citer ce soir de match où l’originaire de Belmont-sur-Yverdon n’avait pas hésité à faire le lien entre le présumé Parkinson d’un spectateur assis en tribune de presse et l’incessant clignotement de la – très agaçante – lampe qui éclaire l’endroit. «Je n’aurais pas osé si je ne le connaissais pas vraiment bien. Entre nous, on ne manque jamais une occasion de se charrier», lance le speaker.

Au rayon de ses provocations favorites, on retrouve notamment le célèbre «chochotte», qu’il emploie à chaque fois qu’un adversaire goûte un peu trop longtemps au gazon des Peupliers. «Rien d’homophobe là-derrière, hein. Je suis un adepte du beau jeu, des équipes offensives. Voir des Neymar en puissance qui se roulent par terre, ça m’insupporte.»

Autre arme imparable, l’inusable «Avance encore, t’es bientôt à Orbe», utilisé lorsqu’un adversaire tente de gagner du terrain sur une remise en jeu et déclinable dans sa version «Avance encore, t’es bientôt à Échallens», quand l’ennemi attaque en direction de la buvette. Oh oui, Denis Lang a plus d’un tour dans sa manche!

Florian Vaney