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Prudence citoyenne ou partage viral?

16 janvier 2020 | Edition N°2663

Technologie - Plusieurs groupes Facebook d’actualité régionale viennent de connaître ce problème: que faire des messages alarmistes postés sur leur page? Alors que les cas se multiplient, la responsabilité des administrateurs est amplifiée.

À Yverdon-les-Bains, à Yens dans le disitrict de Morges et plus récemment à Orbe, les cas de messages alarmistes publiés sur les réseaux sociaux semblent se multiplier ces derniers temps. Et lorsqu’une intervention sensible est postée sur un groupe, la même question se pose pour ses administrateurs: faut-il relayer ou censurer l’alerte?

Depuis plusieurs jours le bruit court à Orbe qu’un individu tenterait de s’approcher de jeunes filles avant de les faire monter dans son véhicule. Le message, d’abord publié sur le réseau social Snapchat, a été largement diffusé sur les pages Facebook des Urbigènes.

Certains ont souhaité partager l’information sur le groupe «T’es d’Orbe si…», qui réunit une bonne partie des habitants de la commune. Mais les contenus n’ont pas été publiés sur la page, les administrateurs ont annoncé vouloir vérifier l’exactitude de l’alarme avant de la relayer. «Nous avions reçu cinq messages similaires, relève Yves-Alain Golaz, aussi connu sous le nom de Yago. Mais ils se basaient tous sur la même capture d’écran Snapchat et nous n’avions pas les moyens de vérifier les faits. Nous avons donc décidé de contacter la police et d’attendre leur réponse avant de publier quoi que ce soit. L’objectif est d’éviter de provoquer la panique chez les membres du groupe tant qu’une source officielle n’a pas confirmé l’existence d’un problème.» Ainsi, les administrateurs de «T’es d’Orbe si…» ont déclaré sur leur groupe qu’ils ne partageraient pas le message, car celui-ci n’était «relié à rien» à ce moment-là.

Depuis, la Police cantonale vaudoise a répondu aux questions des administrateurs. «Un seul avis a été émis à ce sujet», assurait mardi Florence Frei, chargée de communication. Cette dernière notait également que les forces de l’ordre «faisaient le nécessaire pour les recherches concernant l’affaire d’Orbe». Le nombre de signalement n’a pas changé, comme confirmé hier par Jean-Christophe Sauterel, responsable de la communication de la Police cantonale. «Le comportement des administrateurs de la page Facebook urbigène a été exemplaire, se réjouit-il. Il est important de vérifier les informations avant de les publier.»

Un groupe sain

Une prudence qui coule dans les veines du groupe «T’es d’Orbe si…», les administrateurs vérifiant au préalable tous les contenus qui sont ensuite postés sur la page. «Nous souhaitons proposer un espace de discussion qui soit le plus sain possible, explique Yves-Alain Golaz. C’est pour cela que nous ne prenons pas le risque de publier une fausse information qui risquerait de nuire au bien de notre commune. Mais personnellement, c’est la première fois que je contacte la police afin de valider une publication.»

Dans le groupe «T’es d’Yverdon si…», on connaît bien ce type de messages sensibles. Qu’il s’agisse d’une voiture suivant des élèves à la sortie des cours ou d’un harceleur au guidon d’un vélo orange, la Cité thermale a vécu plusieurs cas similaires à celui d’Orbe. «On essaie de bloquer les messages trop alarmistes lorsqu’on les voit à temps, indique Barbara Rao, administratrice de la page yverdonnoise. D’autant plus que ces posts prennent rapidement une proportion énorme.» Une tâche qui n’est cependant pas aisée. «Le plus difficile, c’est de répondre au dilemme entre la propagation d’une psychose et la possibilité de prévenir et protéger les utilisateurs du groupe face à un danger réel.»

Le porte-parole de la Police cantonale ne voit pas forcément d’un mauvais œil ces messages: «On ne peut pas dire qu’ils soient globalement positifs, mais à Yverdon-les-Bains, par exemple, il n’y a plus eu de signalement de harcèlement par un homme en vélo après la large diffusion de publications préventives», note Jean-Christophe Sauterel. Qui cependant tient à relativiser le phénomène: «Il n’y a pas une augmentation du nombre de cas signalés. Mais ceux qui partent des réseaux sociaux ont plus de retentissement. C’est la façon dont fonctionne notre société.»

Massimo Greco