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Quand la mouche pique les vignerons

1 octobre 2014

Dans la région comme ailleurs en Suisse romande, la drosophile suzukii a perturbé la préparation des vendanges, mais la situation semble s’être stabilisée.

A l’image de leurs collègues de Bonvillars et des Côtes de l’Orbe, les vignerons de Cheyres, représentés ici par Roland Pillonel, gérant de la Cave de l’Association des vignerons broyards, ont du lutter contre la mouche.

A l’image de leurs collègues de Bonvillars et des Côtes de l’Orbe, les vignerons de Cheyres, représentés ici par Roland Pillonel, gérant de la Cave de l’Association des vignerons broyards, ont du lutter contre la mouche.

La préparation des vendanges, millésime 2014 ne se sera pas, loin s’en faut, apparentée à un long fleuve tranquille pour les vignerons nords-vaudois et cheyrois. Sur le qui-vive en raison de l’humidité estivale favorable au développement de maladies, ces derniers ont, de surcroît, eu à combattre une invitée surprise : la drosophile suzukii.

A l’image des autres vignobles romands, cette mouche minuscule fait trembler les vignerons de la région. «Il y a environ deux semaines et demi, certaines parcelles ont subi une attaque virulente », déclare Sylvie Mayland. Générateur d’un «vent de panique», aux dires de la la directrice de la Cave des viticulteurs de Bonvillars, l’insecte venu d’Asie a été combattu dans l’urgence, de différentes manières. Une irruption synonyme de regain de travail pour les vignerons. «Le mot d’ordre a été de porter une attention très particulière à la vigne. Sur les parcelles touchées, il a fallu visualiser chaque grappe», souligne Roland Pillonel, administrateur de la Cave de l’Association des vignerons broyards.

Diverses parades testées

L’œnologue cantonal Philippe Meyer relève que, dans la majorité des cas, la réaction s’est traduite par la vendange précoce des cépages touchés. A Bonvillars comme aux Côtes de l’Orbe, la drosophile a principalement jeté son dévolu sur le Garanoir.

«On la trouve aussi sur le chasselas, mais elle semble attirée par les raisins rouges», déclare Benjamin Morel, porte-parole du Groupement de promotion des Côtes de l’Orbe. La parade utilisée par les vignerons ? Un traitement à l’argile pour blanchir la vigne et désorienter l’insecte. «On peut quasiment compter les cas d’attaque sur le raisin blanc sur les doigts d’une main.

Cette mouche apprécie particulièrement les cépages précoces, à partir du moment où ils ont atteint 80 degrés Oechsle, comme le Dunkelfelder ou le Mara», précise Philippe Meyer. L’œnologue mentionne également, au chapitre des mesures dissuasives, le recours à des techniques de piégeage, à l’effeuillage des vignes, pour réduire les cachettes de la mouche, qui supporte mal l’exposition au soleil, l’utilisation du talc et, dans certains cas extrêmes, l’emploi d’insecticides autorisés en agriculture biologique.

Une sérénité retrouvée

A l’aube des vendanges, la situation s’est stabilisée. Les dégâts restent peu importants dans la région. Roland Pillonel estime, par exemple, à 5% de la production la perte consécutive à l’attaque de cette mouche. Compte tenu de l’absence de recul, difficile de dire dans quelle mesure cette évolution est consécutive aux actions entreprises. A l’instar des représentants des vignerons régionaux, Philippe Meyer pense que la météo a été la meilleure alliée du raisin, les nuits sèches et froides ayant empêché la prolifération de la drosophile suzukii.

Vers un bon millésime

Les conditions favorables du mois de septembre ont d’ailleurs globalement contribué au bon développement des vignes après l’humidité persistante de l’été. «Il est vrai que l’on craignait un retard dans le processus de maturation. Finalement, les valeurs correspondent à un très bon millésime d’un point de vue qualitatif», commente l’œnologue cantonal. A Cheyres, comme du côté de Bonvillars et des Côtes de l’Orbe, les vendanges devraient véritablement battre leur plein dès la semaine prochaine.


En Suisse depuis plusieurs années, elle ouvre la voie à d’autres fléaux

La drosophile suzukii n’est pas une réplique contemporaine des plaies d’Égypte qui aurait débarqué d’Asie sur un coup de tête dans le but faire souffrir le martyr aux vignerons. «Elle est ici depuis quatre ans. Jusqu’à maintenant, elle s’attaquait principalement aux cerises», relève l’œnologue cantonal Philippe Meyer. Impossible, pour l’heure, de déterminer pourquoi l’insecte, jusqu’ici incapable de percer les baies mûres du raisin pour y pondre ses œufs, est arrivé à ses fins cette année. «La larve se nourrit du jus et s’en va», indique Philippe Meyer. Pas davantage capable de briser l’enveloppe du raisin, la drosophile commune, profite de cette porte d’entrée à un garde-manger providentiel. «En fait, les drosophiles suzukii représentent seulement le 10% de ces populations de mouches dans le vignoble», relève l’œnologue cantonal. Une fois «visité», le grain de raisin est également une proie facile pour la pourriture. Son goût vinaigré est incompatible avec sa transformation en nectar de Bacchus, au grand dam des vignerons.

Ludovic Pillonel