Logo

Quand la passion paie

8 octobre 2021

Ancien apprenti du centre de formation professionnelle spécialisée Le Repuis, Joni Coutinho Carvalho, 26 ans, a récemment été embauché au garage Bouby-Rolls en tant qu’assistant vernisseur AFP. Récit d’un parcours difficile, où la passion l’a emporté sur les circonstances.

Joni Coutinho Carvalho a 17 ans lorsqu’il se met à travailler dans la mécanique. En situation d’échec scolaire dans une école privée, la direction décide de le faire oeuvrer dans un garage en parallèle de ses cours, qu’il suit deux fois par semaine. Arrivé à la fin de sa scolarité, il lui est expliqué qu’il ne lui sera pas possible d’entreprendre une formation à travers le système classique, et il est donc envoyé au Centre de formation professionnelle spécialisée Le Repuis, situé à Grandson. Mal à l’aise en raison des histoires sur le centre racontées par les gens de son âge, il y arrive avec appréhension; mais sur place, il y trouve un endroit accueillant, rempli de gens partageant les mêmes difficultés, mais également aux parcours extrêmement variés.

«Il y avait des gens comme moi, plus mauvais que moi, meilleurs que moi, et puis au final, je me suis rendu compte que c’était un centre de formation qui était simplement là pour m’aider», raconte-t-il. Il y trouve donc un soutien pratique mais également moral, et y travaille à faire de sa passion un métier. «Il faut savoir que tout ce qui a quatre roues et un moteur ça me passionne», affirme-t-il tout de suite. Sensibilisé par un peintre de la famille, il décide donc de poursuivre une formation de peintre en carrosserie, et il y trouve son bonheur: avant même la fin de sa période d’orientation, lors d’un entretien, à la question «pourquoi carrossier-peintre», il répond: «Pour moi ça n’est pas simplement un métier, c’est de l’art.»

Cependant, la passion n’empêche pas la suite du parcours d’être ardu. Il est ainsi constaté que l’apprenti ne remplit pas les critères pour suivre une formation conduisant à un Certificat fédéral de capacité (CFC) ou à l’Attestation de formation professionnelle (AFP), et il entame donc deux ans de formation pratique, qui met l’accent sur la technique tout en l’appuyant avec la théorie, mais qui n’exige pas d’examens théoriques. Moins valorisée qu’un CFC ou même qu’un AFP, cette formation ne possède pas de reconnaissance fédérale, mais permet cependant d’insérer les jeunes dans le monde du travail grâce à des stages, qui permettent aux entreprises d’éprouver elles-mêmes la valeur des connaissances pratiques de l’apprenti. Cependant, dans le cas de Joni, la formation ne débouche pas sur une embauche, et il finit donc en recherche d’emploi, puis au chômage, et enfin au social, tout en enchaînant les petits jobs dans le monde de l’automobile.

Au bout de quatre ans, un assistant social le met face à deux options: rester dépendant des aides et des petits travaux qu’il trouve, ou reprendre une formation. Après en avoir discuté avec ses proches, il décide de sauter le pas et retourne au Repuis. «J’avais gagné en maturité, et je me disais que si les autres pouvaient y arriver, moi aussi, et je me suis battu», dit-il. Entreprenant un pré-apprentissage d’un an, puis une formation d’assistant vernisseur AFP en entreprise au garage Bouby-Rolls à Yverdon-les-Bains, il obtient finalement son diplôme en 2021. À nouveau mis face au suspens d’une décision d’embauche et, au vu du nombre de places limité, un contrat n’est pas certain; jusqu’à ce que la direction, confrontée à une hausse de la charge de travail dans le milieu provoquée par la grêle, mais également séduite par la passion de l’apprenti, lui propose finalement un CDI.

Un parcours haletant, aux rebondissements nombreux, qui finit donc bien pour l’ancien apprenti et qui permet de nous pencher sur le grand travail de formation fourni par le Repuis depuis des années. «C’est un centre dans lequel on soutient les élèves du début à la fin de la formation, peu importe le cas… J’ai eu une assistance psychologique, des cours d’appui qui permettent de soutenir l’élève et le driller dans sa formation, pour qu’il ne se perde pas et canaliser ses efforts…, explique Joni. Une personne en particulier au Repuis a cru en moi et m’a poussé vers le haut, et j’ai réussi.» Un soutien qui s’est notamment révélé critique pendant la pandémie:

«Arrive le COVID, je commence à patauger, je suis en larmes. Les enseignants n’utilisent pas le même système pour les cours en ligne, eux-mêmes ne comprennent pas tout, et c’est très difficile de se motiver. Certains se sont perdus à cause de ça. Mais au Repuis on m’a drillé, on m’a dit de me concentrer, que j’allais réussir, et j’ai finalement brillamment passé mes examens. Le Repuis m’a boosté et su trouver les trucs qu’il faut pour motiver les jeunes, me remonter le moral pour me donner à 100% dans ma formation.»

Ainsi, le centre a su convaincre non seulement son apprenti, mais également un nouveau partenaire dans la personne de l’employeur de Joni. L’entreprise Bouby-Rolls a en effet décidé de garder contact avec le centre après l’embauche de ce dernier afin de prendre un nouvel apprenti. «Nous avons été contents d’avoir trouvé un apprenti très motivé, sérieux, ponctuel, digne de confiance, qui a montré une volonté de fer et démontré ses capacités, et de pouvoir le garder», conclut Christian Rime, directeur du garage Bouby-Rolls.

 

Au Repuis, un appui individualisé

 

«Au Repuis, on pleure deux fois: quand on arrive et quand on part.» C’est par ces mots que Martial Jacot, formateur dans la section carrosserie et ancien mentor de Joni, décrit l’impact du centre de formation professionnelle spécialisée sur les jeunes qu’il encadre. Malgré un grand travail de communication, il est parfois difficile, comme dans le cas de son ancien apprenti, de passer outre la stigmatisation sociale et les à-priori vis-à-vis d’une structure sortant du système «classique» – d’où une arrivée potentiellement marquée de larmes.

Cependant, il suffit de se rendre sur place pour comprendre que certains n’ont plus envie d’en partir: l’atmosphère de campus et l’ambiance chaleureuse sont définitivement au rendez-vous. «Parfois, des années plus tard, certains élèves reviennent avec leur famille. Ça nous touche en tant que formateurs. Certains jeunes ont eu des carrières dans la police, ont ouvert leur propre carrosserie… Quand on voit d’où ils sont partis et où ils en sont aujourd’hui, je dis chapeau…», rajoute M. Jacot.

Le Repuis, qui compte 390 apprentis sur toute la Suisse romande et 800 entreprises partenaires, est actuellement le seul centre de son genre en Suisse Romande à posséder une carrosserie, qui comprend 19 apprentis et 4 moniteurs. Une fois la voiture arrivée, les compétences de chacun sont étudiées et le travail réparti.

«Chaque jeune fera des voitures; ils feront le travail à un rythme différent, en fonction de leurs capacités et de leur formation, mais qu’ils soient en CFC ou en formation pratique, le but reste le même: livrer une voiture parfaite à un client», explique le formateur. Parallèlement, le centre donne également des cours d’appuis, individualisés en fonction des difficultés des élèves. Ils sont organisés par petits groupes pour un soutien plus approfondi.

Carline Estermann