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Quarante mille francs pour changer de couleur

21 août 2009

La couleur de la ferme de la famille Agassis, située entre Chavornay et Essert-Pittet, ne plaît pas au Canton et à son Service du développement territorial, lequel a intimé l’ordre aux agriculteurs de changer les tôles. Coût de l’opération pour la famille Agassis: plus de 40 000 francs.

La couleur de l’habitation s’harmonise bien avec la grange, mais n’est pas du goût du Service du développement du territoire du Canton de Vaud.

La couleur de l’habitation s’harmonise bien avec la grange, mais n’est pas du goût du Service du développement du territoire du Canton de Vaud.

«En quoi la couleur de ma ferme gêne le paysage? Franchement, je n’en ai aucune idée!» Roland Agassis, agriculteur à Chavornay, plus précisément au lieu-dit Le Chêne, exactement à mi-chemin entre Essert-Pittet, Suchy et Chavornay, trouve la décision cantonale plutôt sévère. Une décision? Celle prise par le Service du développement du territoire (SDT) d’intimer l’ordre à cette famille d’agriculteurs de changer la couleur des parois de leur nouvelle grange, ainsi que de l’étable attenante. L’ancien bâtiment, situé entre les deux nouveaux et l’habitation des Agassis, était en effet un peu trop exigü pour accueillir les 48 vaches montbéliardes de l’exploitation agricole, et une nouvelle écurie s’imposait, tout comme une nouvelle grange pouvant servir de fourragère. Le Canton a bien évidemment donné son aval pour le permis de construire. Le début des travaux et e commencement des ennuis pour cette famille d’agriculteurs.

L’Etat mis devant le fait accompli

La première enquête parlait uniquement d’un bardage en bois, une information vite complétée par la mention d’un revêtement en tôle, «sans mention de couleur», comme l’a relevé l’hebdomadaire Agri. La famille Agassis opte donc pour un beige clair, «afin de s’harmoniser avec l’habitation. Je ne vois pas en quoi ce seraient des gens dans des bureaux qui décideraient à leur bon vouloir quelle doit être la teinte de ma grange». Il est vrai que le résultat final a une certaine allure et s’intègre mieux dans le paysage que, disons, le pont de l’autoroute passant à quelques dizaines de mètres de la ferme. Pierre-André Leuenberger, syndic de Chavornay, se plie lui aux décisions cantonales: «J’estime qu’il aurait été bon de réagir plus vite. Nous connaissons les critères cantonaux et même s’ils peuvent paraître inadéquats aux yeux de ces citoyens, force reste à la loi… L’Etat a été mis devant le fait accompli et, si je comprends la position de cette famille, j’estime qu’une solution aurait pu être trouvée plus vite». Les Agassis reconnaissent une partie de leur erreur, mais plaident la bonne foi et, surtout, le bon sens, ayant effectué passablement de travaux eux-mêmes depuis la fin de l’année dernière et se montrant extrêmement découragés par les menaces étatiques: «Sans parler du temps perdu, nous avons effectué un devis, il nous en coûterait environ 40 000 francs pour tout changer. Pour rien. Ou plutôt juste parce que la couleur ne plaît pas à un groupe de personnes situées à des dizaines de kilomètres. Il n’y aucun voisin à proximité et personne, je dis bien personne, ne s’est plaint de la couleur de ma ferme». Les temps sont durs pour tout le monde, y compris pour les agriculteurs, et 40 000 francs ne représentent pas une paille.

Multiples exemples dans la région

Le problème n’est pas nouveau et concerne passablement de bâtiments dans la région, tous situés en zone agricole, et donc sous la responsabilité du Canton. Si les municipalités soutiennent souvent leurs agriculteurs, la décision finale revient finalement au Canton, lequel ne se montre pas toujours très conciliant. Alain Marfurt, aménagiste au SDT, précise que les règles sont bien évidemment les mêmes pour tout le monde: «Nous ne pouvons pas faire d’exception! Sans parler de ce cas particulier, nous intervenons lorsqu’une teinte est jugée non conforme. Nous demandons des teints gris ou foncés, pour une question évidente d’impact sur le paysage.» Si certaines constructions sont tolérées, car proches de zones habitables, d’autres sont purement et simplement interdites, l’Etat menaçant d’envoyer purement et simplement une entreprise afin de procéder au changement des tôles incriminées, en cas d’immobilisme de la part des agriculteurs. Regrettable d’en arriver là? Sans doute. Les Agassis ont eux perdu le sourire, et sans doute 40 000 francs.

Timothée Guillemin