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Un lutteur infatigable s’est éteint

7 octobre 2019 | Edition N°2596

Yerdon-les-Bains - Ancien syndic de Sainte-Croix, député, et président de l’ADNV, René Marguet est décédé dans sa 93e année. Hommage.

«Je ne laisserai jamais tomber!», avait-il déclaré, sur le ton de la profession de foi, à son ami et successeur à la tête de l’Association pour le développement du Nord vaudois (ADNV), Philippe Mamie. Sainte-Croix vivait alors la pire période de son histoire, avec l’agonie sans fin d’Hermes Precisa International (HPI), une société née au dix-neuvième siècle sous le nom de Paillard. Alors syndic du lieu, René Marguet, qui était aussi directeur financier de HPI, a tout fait pour ralentir l’inéluctable processus de fermeture.

Cette double casquette le plaçait dans une situation inconfortable, mais il était convaincu qu’il pourrait ainsi limiter les dégâts. «C’était un homme de vision», explique l’ancien conseiller national, député et syndic de Vallorbe Philippe Mamie.

Ainsi, lorsque René Marguet a réalisé qu’une page de l’ère industrielle du Balcon du Jura allait se tourner, il a œuvré pour ouvrir la région au tourisme. Il a favorisé la création du lotissement de la Combe aux Guerraz et, surtout, celle du CIMA (Centre international de la mécanique d’art).

«Il m’a fait confiance»

Aujourd’hui conseiller de la Municipalité de Lausanne, Denis Décosterd, ancien secrétaire général de l’ADNV, se souvient de cette période: «C’était mon président. C’est lui qui m’a engagé. Il m’a simplement fait confiance. Je n’avais même pas une expérience professionnelle. Mais le courant est passé.»

À l’époque, l’ADVN était plongée dans la crise: «La Ville d’Yverdon venait de quitter l’organisation, explique Denis Décoster. Et une bonne partie du budget est partie avec. J’ai eu une belle collaboration avec René Marguet durant six ans. Il m’a laissé de la marge de manœuvre. Il m’a initié à tout le processus de la LIM (loi sur les investissements en zone de montagne).»

Denis Décoster garde un souvenir vivant de la création du CIMA: «René Marguet en a été le moteur. C’est lui de A à Z. Et cela n’a pourtant pas été facile. Il fallait sortir Sainte-Croix d’une culture mono-industrielle et poser les jalons du développement touristique. Il a véritablement porté ce projet en présidant le comité du CIMA.»

Durant toute cette période, René Marguet a géré les difficultés de HPI. Malgré les attaques, souvent injustifiées, il n’en laissait rien paraître, témoigne le conseiller de la Municipalité de Lausanne: «C’était un homme pudique, qui ne manifestait pas ses états d’âme. Il ne parlait pas de sa vie personnelle. Sauf une fois, lorsqu’il m’a annoncé qu’il se remariait et qu’il attendait un enfant. Il en était fier.»

Il s’est démené

Alors qu’il fallait redonner le moral aux Sainte-Crix et sortir de la crise, René Marguet, député au Grand Conseil, a convaincu Jean-Pascal Delamuraz, alors conseiller d’état en charge de l’économie, de l’appuyer pour l’octroi d’un permis à Alain Prost. Le pilote automobile a débarqué de Saint-Chamond (France) alors qu’il n’avait pas encore conquis de titre mondial.

Mais Sainte-Croix l’a accueilli en grande pompe. Au terme de l’assemblée générale de l’Union des communes vaudoises (UCV), un grand cortège, ouvert par Alain Prost, et son épouse, au volant d’une MG de collection, a parcouru les principales rues de la localité. «Il s’est démené de tous les côtés pour le faire venir. Il voulait développer les résidences hôtelières. Il a eu une vision portée par la nécessité», ajoute Denis Décosterd.

René Marguet était indiscutablement un homme d’ouverture. Denis Décosterd avoue avoir été frappé par son engagement en faveur de l’entrée de la Suisse à l’ONU lors de la première votation sur ce sujet, qui allait à l’encontre de l’avis d’une majorité des membres de son parti: «C’était un homme courageux et respectable».

Un syndic collégial

Ancien membre de l’Exécutif sainte-crix, Jean-Daniel Fattebert a siégé durant 16 ans avec René Marguet. Ce dernier a été syndic durant un peu plus de dix ans. « Il s’est beaucoup engagé en faveur de notre commune. C’est grâce à lui que le CIMA existe», explique l’ancien vice-syndic socialiste.

Jean-Daniel Fattebert est reconnaissant à René Marguet d’avoir tenu les rênes de la Commune à «une période épouvantable pour Sainte-Croix. Lador et le magasin Gonset avaient fermé. Et HPI disparaissait à petit feu. C’est un peu le désert qui se présentait».

«Il a fait preuve d’un esprit de collégialité remarquable, tout le contraire d’un dictateur. C’était un homme très ouvert. Lui attribuer les déboires de HPI était absolument injuste. Il en souffrait beaucoup. On en parlait lorsqu’on faisait les trajets ensemble pour aller aux réunions de l’ADNV.» Et l’ancien vice-syndic de relever: «Il a eu la satisfaction de voir Yverdon-les-Bains réintégrer l’organisation régionale avant qu’il ne mette fin à son mandat.»

La fibre sociale de René Marguet, homme de la finance, est apparue au grand jour plus tard, lorsqu’il présidait la fondation de prévoyance HPI. Les bénéficiaires lui savent gré des nombreuses paies supplémentaires qui sont venues garnir leur compte.

Un autre homme

Passé la porte de la maison, René Marguet était un autre homme, un père et un grand-père attentionné. Son fils cadet, l’humoriste Yann Marguet, se souvient du temps qu’il lui consacrait pour faire ses devoirs, mais aussi de cet homme farceur qui aimait monter des canulars: «On faisait du vélo sur les chemins de remaniement. On a aussi beaucoup voyagé. Il aimait rire de mes imitations. Professionnellement, il m’a un peu échappé. C’était mon papa!»

Son épouse Jacqueline relève son esprit d’ouverture au monde: «C’était important qu’on parle les langues. Il a eu beaucoup d’activités dans le cadre du Rotary.» Elle ajoute qu’il a toujours su préserver une vie de famille harmonieuse, laissant ses soucis professionnel sur le palier de la porte. Ses petites-filles gardent le souvenir d’un grand-père aimant et de repas merveilleux à la Lagune, le restaurant où il aimait se retrouver avec les siens pour fêter son anniversaire.

Un dernier hommage lui sera rendu demain, à 13h30, au Centre funéraire d’Yverdon-les-Bains.

Isidore Raposo