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«Si la première crise était celle du matériel, la seconde est celle du personnel»
Matthieu Reymond © Michel Duperrex

«Si la première crise était celle du matériel, la seconde est celle du personnel»

22 novembre 2020

Ils jouent les tampons depuis des mois en épaulant les gens pour éviter un séjour à l’hôpital ou les accompagner dans leur retour à la maison. Les collaborateurs de l’Aspmad se battent au quotidien et ils en sont fatigués. Le directeur Matthieu Reymond est préoccupé.

L’effet de surprise de la première vague du Covid est passé et les beaux jours sont derrière. Aujourd’hui, il semblerait qu’il ne reste que le brouillard et la fatigue. Pourtant, au vu de l’important nombre de cas positifs, les autorités encouragent, dans la mesure du possible, le maintien des patients à domicile pour éviter une surcharge des hôpitaux. Le directeur de l’Association pour la santé, la prévention et le maintien à domicile (Aspmad) témoigne de la situation qui touche le Nord vaudois.

Matthieu Reymond, vous disiez en début d’année avoir plutôt bien vécu la pandémie. Est-ce toujours le cas aujourd’hui?

La configuration des deux vagues est bien différente. Lors de la première vague, on ne connaissait pas cette situation. On a tous été impressionnés et on a dû user de beaucoup d’ingéniosité et de créativité. Avec la deuxième vague, c’est différent. Si la première crise était du matériel, la seconde est celle du personnel.

Qu’est-ce qu’il se passe?

Cette deuxième vague est plus forte que la précédente et met davantage de pression sur les collaborateurs de la santé, quand bien même notre relation vis-à-vis du virus est meilleure puisqu’on est mieux préparés. Ils sont fatigués du travail et accumulent les heures supplémentaires. Avec les mesures de sécurité, leur quotidien est particulièrement compliqué. Aussi, il faut gérer une variation constante des consignes et l’anxiété ambiante.

Pourtant la situation semble se calmer?

Oui, il y a depuis quelques jours un replat, mais on n’a pas assez de recul pour pouvoir dire que cela se calme.

Lors de la première vague, l’Aspmad avait réduit ses activités, est-ce toujours le cas?

C’est vrai qu’au printemps, on avait tiré le frein à main, si je puis dire. On avait mis de côté environ 20% de nos activités. Aujourd’hui, la situation est différente car on doit maintenir tous nos services.

Pourquoi?

La première fois, on avait pu s’appuyer sur les proches aidants et sur des mouvements civiques parce qu’il y avait un confinement. Là, le message de l’état est différent: on attend des soins à domicile et des médecins traitants qu’ils assurent la première ligne. On est le bassin de rétention et de récupération des hôpitaux. Donc notre défi actuel est de continuer nos activités avec un personnel épuisé, qui a déjà énormément donné.

Avez-vous recruté de nouvelles forces?

Oui, on a engagé l’équivalent de 50 intérimaires à plein temps.

Est-ce que cela suffit?

Non, surtout que tous les acteurs de la santé piochent dans le même panier. Pour l’instant, on a demandé à tous nos collaborateurs de prodiguer des soins. Par exemple, ceux qui allaient aider au nettoyage ont été formés pour les soins simples. On se concentre vraiment sur la production de soins, mais ce qui est difficile, c’est qu’on n’a aucune activité subsidiaire. Donc si on affecte les ergothérapeutes à d’autres tâches, notamment, cela pourrait à terme impacter le maintien à domicile de nos clients.

Vous redoutez d’importants effets à long terme?

Oui, il y aura un prix à payer pour l’abandon de nos activités régulières. Ceci s’observe pour tout le système de santé. Ce n’est pas parce qu’on recense moins d’AVC en 2020, par exemple, que la maladie recule. C’est simplement qu’on ne met plus la même attention sur les maladies chroniques.

La situation est-elle critique?

Oui, pour toutes les institutions de santé. On a prévu un plan de continuité et, à l’heure actuelle, on est au niveau 3 sur 4.

Quelle est la prochaine étape?

Le dernier stade consiste à demander des ressources extérieures. C’est le Réseau de santé qui coordonne cette répartition qui a aussi ses limites. Si la situation évolue défavorablement, on pourrait à nouveau ralentir nos activités et réactiver la société civile.

 

En chiffres

 

3% des collaborateurs de l’Aspmad, soit 32 personnes, sont actuellement absentes pour des raisons de Covid ou de quarantaine. Pourtant il y a une hausse de 5% de la demande d’activités.

25% des employés sont des frontaliers.

35 cas de Covid confirmés ou suspectés parmi les clients de l’Aspmad, contre près de 80 lors de la première vague. «Va-t-il y avoir un effet de retardement sur notre population ou a-t-elle bien respecté les mesures sanitaires?», s’interroge Matthieu Reymond.

Christelle Maillard