Logo

Sur les traces du dernier passeur du Risoud

11 septembre 2014

Bernard Bouveret a aidé de nombreuses personnes à traverser la frontière suisse lors de la Seconde Guerre mondiale. Témoignage.

Bernard Bouveret a reçu plusieurs distinctions pour sa mobilisation lors de la guerre, dont la Croix du combattant volontaire de la Résistance, la Légion d’honneur et la Médaille de la France libre.

Bernard Bouveret a reçu plusieurs distinctions pour sa mobilisation lors de la guerre, dont la Croix du combattant volontaire de la Résistance, la Légion d’honneur et la Médaille de la France libre.

Un personnage. Un militant. Un acteur. Voici quelques-unes des réponses qui auraient pu être donnée au groupe de marcheurs bretons rencontrés lors du reportage. Des gens curieux de savoir qui pouvait bien être le monsieur âgé posant dans l’encadrement de sa porte d’entrée pour la photo.

A bientôt nonante ans -il les fêtera le mois prochain-, Bernard Bouveret n’est pas, loin s’en faut, un retraité comme les autres. C’est un retraité de la guerre. La Grande, dans laquelle il a joué un rôle prépondérant, dont il est amené à parler abondamment, notamment depuis la sortie, en 2010, du livre «Le rendez-vous des sages». Un titre qui fait allusion au passage le plus emprunté, du côté de Chapelle-des-Bois, dans le Jura français, pour amener des personnes, des Juifs en majorité, de l’autre côté de la frontière. «C’est l’endroit du Risoud qui monte le moins. Il était facile d’arriver au Brassus depuis là», explique Bernard Bouveret.

Impossible pour lui de dire avec exactitude -il ne laissait aucune de trace écrite par crainte d’une fouille allemande- combien de personnes il a accompagnées, de nuit, vers une Suisse synonyme d’espoir. «Plus de cent, c’est sûr», assure-t-il toutefois.

Domicilié à Chapelledes-Bois, Bernard Bouveret vivait dans une localité dépourvue d’électricité et de nouvelles fraîches lorsque la guerre est venue frapper à sa porte. C’était en juin 1940, l’année de ses 16 ans. «Nous avons d’abord vu toute l’armée française défiler. Elle longeait la frontière en direction du sud. A l’arrivée des Allemands, un ou deux jours plus tard, de nombreuses maisons étaient vides au bord de la grande route», se souvient le passeur. Les habitants avaient déserté, craignant que la réputation de voleurs, violeurs et tueurs des envahisseurs ne s’avère exacte. «Ils se sont en fait servis de ce dont ils avaient besoin, sans rien demander à personne», rectifie Bernard Bouveret.

Choisir son camp

Pour autant, le jeune homme de l’époque a choisi son camp. Ne sachant pas qu’entreprendre pour venir en aide à son pays, il est abordé par Fred Reymond, mobilisé au Sentier pour les services de renseignement suisses. «Il m’a demandé si j’étais d’accord de travailler avec lui lors d’un pique-nique en Suisse avec des amis», précise celui qui est le dernier passeur encore en vie.

Son engagement se traduit d’abord par l’acheminement de courrier de part et d’autre de la frontière, ainsi que le repérage des déplacements des troupes allemandes. Son rôle s’élargit à l’accompagnement de personnes vers le pays voisin entre fin 1942 et fin 1943. En 1944, l’étau se resserre autour des membres du réseau. Démasqué suite aux indications d’un Français acquis à la cause allemande, Bernard Bouveret est fait prisonnier de la Gestapo à Dijon, au même titre que son père. «Il y a été arrêté avant moi, car il était sur place pour des affaires de famille», relève-t-il. Les deux hommes parviennent à trouver une astuce pour se rencontrer, dans le but d’accorder leur version lors de leur interrogatoire respectif.

«Les Allemands ne savaient pas grand-chose. Sinon, nous ne serions pas revenus», déclare Bernard Bouveret. Deux mois plus tard, ils sont conduits au tristement célèbre camp de concentration de Dachau. «Nous étions 110 par wagon à bestiaux. Le trajet depuis Compiègne a duré trois jours et deux nuits. Par chance, il a plu tout le temps. Nous n’avions ni à boire ni à manger. Je récoltais l’eau à travers les interstices de la paroi du wagon avec mon mouchoir», se souvient-il. Le «convoi de la mort» qui a suivi, sous la chaleur estivale, a fait 900 victimes sur 2000 passagers.

A Dachau, Bernard Bouveret travaille à raison de douze heures par jour dans une usine fabriquant des moteurs d’avion. L’avancée des Alliés déduite des informations transmises par la radio allemande est une source d’encouragement à laquelle s’agripper dans ce calvaire de près d’une année, où la soupe est le plat principal quotidien. Un hiver particulièrement meurtrier précède la délivrance, en mai 45.

L’épilogue d’un combat pour la vie sur lequel père et fils ne sont quasi jamais revenus entre eux. Mais auquel l’événement de ce week-end, au Pont, rendra hommage (ci-dessous).

 

Inauguration du monument pour les passeurs

Hommage rendu au Pont

Fondée il y a une année, l’Association «Les passeurs de mémoire » a été constituée dans le but de rendre hommage aux passeurs du Risoud par le biais de la réalisation d’un monument.

Finalisée avant-hier au Séchey, cette construction faite de plaques en laiton contiendra une déclaration traduite en six langues. Elle sera inaugurée samedi à 11h sur la rade du Pont. Une excursion affichant déjà complet aura ensuite lieu, à 14h30, à travers le Risoud, avec Bernard Bouveret. Le week-end des passeurs sera aussi marqué par deux conférences : l’une vendredi à 20h au Casino du Brassus, l’autre à la Ferme de Nondance, à Chapelle-des-Bois, samedi à la même heure. Toutes les info sur www.lespasseursdememoire.ch RED.