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Sur les traces du sel franco-suisse
20190119 Offisme du Tourisme à Yverdon Visite Guidée par l'Historien Christophe Schullé sur les Routes du Sel à travers YverdonCopirigt Champi

Sur les traces du sel franco-suisse

21 janvier 2019 | Edition N°2418

Yverdon-les-Bains –  Une vingtaine de curieux ont pris part samedi à une visite guidée consacrée à l’histoire de l’or blanc dans le massif jurassien.

Au Centre d’art contemporain (CACY), l’artiste Renate Buser présente actuellement trois images prises dans les salines de Schweizerhalle, près de Bâle. © Michel Duperrex

A la fois exhausteur de goût et agent de conservation pour les aliments, le sel a, durant des siècles, saupoudré les relations entre la Franche-Comté et les cantons suisses. Depuis les salines de Salins-les-Bains, de Lons-le-Saunier et d’Arc-et-Senans, l’or blanc a transité par le col des Etroits et celui de Jougne pour être acheminé en Suisse. Plaque tournante de ce commerce, la ville d’Yverdon-les-Bains a joué un rôle stratégique en raison de sa situation géographique. Ce fait historique, qui ne manque pas de sel, méritait bien qu’on lui accorde de l’intérêt. L’historien Christian Schülé a entraîné une vingtaine de curieux à travers les rues de la Cité thermale sur les traces de ce minéral, lors d’une visite guidée qui s’est déroulée samedi après-midi.

Véritable carrefour, la Cité thermale disposait d’un port situé sur les rives de la Thièle pour transporter, par voie fluviale, le sel des salines franc-comtoises jusqu’à Berne, qui administrait le Pays de Vaud, en passant par le lac de Neuchâtel et celui de Morat. «C’était un lieu où l’on réceptionnait la marchandise qui avait été charriée dans des bosses (ndlr: des tonneaux) à travers le Jura», a expliqué Christian Schülé. Entre Sainte-Croix et Vuitebœuf, on a d’ailleurs retrouvé des traces de cet itinéraire taillé dans le sol rocheux. Sur la voie à ornières, des bœufs et autres animaux de trait transportaient plusieurs tonnes de ce minéral précieux. Selon un relevé daté de 1715, l’une de ces expéditions a acheminé 300 récipients de grains de sel en une semaine. Un véritable exploit pour l’époque.

Entre Sainte-Croix et Vuitebœuf, on peut encore apercevoir la voie à ornières utilisée par les marchands de sel. Il en existe une autre à Ballaigues. © Christian Schülé

Sur ce tracé franco-suisse, la contrebande n’était pas exceptionnelle, car le sel était vendu moins cher en Suisse qu’en Franche-Comté; le transport du sel était étroitement encadré et il existait des entrepôts le long de la route. De nombreux traités diplomatiques avaient d’ailleurs été signés entre la France et Berne, qui manquait cruellement d’or blanc. Toutefois, «une perte de 9% était tolérée entre Salins et Yverdon, où le sel était livré», a précisé l’historien.

Le petit grain de sel des Bernois

Les autorités bernoises ont mis leur grain de sel dans les affaires des Vaudois et instauré un véritable monopole sur le commerce de l’or blanc. Le sel constituait un moyen de pression pour le roi de France afin d’obtenir des cantons suisses des contingents de soldats. Un contrat signé en 1765 prévoyait d’ailleurs la livraison de 120 000 tonneaux sur une période de vingt-quatre ans. Aux portes de la ville, les Bernois ont construit un bâtiment pour emmagasiner le sel, en 1776. L’édifice sera, un siècle plus tard, transformé en caserne avant de devenir l’actuel tribunal. Hormis ce lieu, il ne reste aujourd’hui que très peu de bâtisses qui rappellent le passé salin de la Cité thermale.

Les échanges franco-suisses dureront jusqu’au début du XIXe siècle. En 1836, l’exploitant minier allemand Carl Christian Friedrich Glenck a découvert un filon de sel à Schweizerhalle, à proximité de Bâle, après avoir creusé 17 forages dans huit cantons. Désormais autonome, la Suisse exploitera dès lors les salines de la région rhénane. Les Vaudois, quant à eux, s’approvisionneront en or blanc à la saline de Bex jusqu’en 2014, date à laquelle elle est intégrée au groupe Salines Suisses SA.

Plus d’informations auprès de l’Office de tourisme d’Yverdon-les-Bains et région.

Valérie Beauverd