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Sursis requis pour le conducteur de train

25 octobre 2017 | Edition N°2109

Yverdon-les-Bains – Accusé d’homicide par négligence lors de l’accident ferroviaire de 2013 à Granges-Marnand, le mécanicien de la locomotive a sollicité, hier, la clémence du tribunal.

Le procès du mécanicien de locomotive impliqué dans l’accident ferroviaire de la Broye s’est déroulé hier, soit près de quatre ans après les faits. ©Emmanuelle Nater

Le procès du mécanicien de locomotive impliqué dans l’accident ferroviaire de la Broye s’est déroulé hier, soit près de quatre ans après les faits.

«J’ai regardé devant moi et j’ai vu la lentille verte allumée, alors (…) j’ai fermé les portes et démarré», a justifié, hier, le mécanicien de locomotive accusé de lésions corporelles et d‘homicide par négligence. Pourtant, d’après une expertise du Service d’enquête suisse sur les accidents (SESA), le feu de circulation en question était bel et bien rouge au moment de son arrêt à la gare de Granges-Marnand, le 29 juillet 2013 (lire La Région Nord vaudois du 31 mai dernier). Son départ inopiné a, ainsi, provoqué, une trentaine de seconde plus tard, une collision frontale entre son train, provenant de Payerne, et celui roulant en sens inverse. Un tragique accident ferroviaire qui a causé la mort du mécanicien de la locomotive venant de Moudon, âgé de 24 ans, blessé 26 passagers et causé plus de huit millions de dégâts.

Pour expliquer l’origine du drame, le Ministère public parle d’une inattention du prévenu, alors que ce dernier, lui, reporte la faute sur un «bug de signalisation»: «Je sais ce que j’ai vu, je n’ai pas rêvé, a-t-il martelé devant le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, à Yverdon-les-Bains. J’ai vu du vert, si ce n’était pas le feu, alors c’était un reflet, un flash ou un rayon laser.» Un problème technique qui n’a pas été décelé par les enquêteurs. «On sait que vous n’êtes pas daltonien et que le signal était fermé. La faute que vous avez commise aurait pu arriver à tout le monde, je ne vous jette pas la pierre, mais si vous n’acceptez pas le fait d’avoir eu trente secondes d’inattention, vous aurez toujours cette colère en vous», rétorque Eric Eckert, premier président du tribunal.

 

Seul sur le banc des accusés

 

Malgré un casier judiciaire vierge, aucun antécédent noté au registre fédéral des mesures administratives ADMAS et un parcours exemplaire de plus de trente ans auprès des CFF, le mécanicien de locomotive, originaire de Lausanne, était bien seul, sur le banc des accusés. Une situation que lui et son avocate, Maître Tiphanie Chappuis, déplorent. «Il n’y avait rien pour attirer son attention et pire, il y avait plusieurs éléments qui l’ont même poussé à aller droit devant, explique cette dernière, dont deux qui sont à souligner, selon elle : l’absence d’indication de croisement de trains sur l’horaire des mécaniciens de locomotive, ce qui aurait permis à mon client d’anticiper l’arrivée d’un autre train (ndlr : donner cette information n’est plus une obligation, pourtant elle était indiquée pour le train précédent). Et l’horaire de mon client disait qu’il devait partir à 18h42, mais, en fait, le croisement devait se faire à la gare de Granges-Marnand à 18h45.»

Pourtant, le Ministère public précise que les CFF n’ont pas été inquiétés, car ils respectaient les prescriptions légales édictées par l’Office fédéral des transports. «C’est comme si l’on parle d’un conducteur qui a grillé un feu rouge, schématise le procureur Stephan Johner. Et personne n’a jamais poursuivi l’Etat parce qu’il manquait des sécurités.»

Le Parquet a requis une sanction de nonante jours-amende -avec montant du jour-amende fixé à environ 80 francs- avec un sursis de deux ans. L’avocate de la défense a sollicité plus de clémence de la part du tribunal, en soulignant le fait que les victimes (seules trois personnes ont maintenu leur plainte), y compris les parents du défunt, ont abandonné les poursuites contre le conducteur de train.

Le jugement sera rendu mardi prochain.

Christelle Maillard