Tim Hug et puis c’est tout
10 janvier 2014Combiné nordique – Les exploits du Soleurois mis à part, la discipline est au plus mal en Suisse, alors qu’une épreuve de Coupe du monde aura lieu à Chaux-Neuve ce week-end.
Tim Hug a fait sensation, samedi dernier, en remportant la première victoire de sa carrière en Coupe du monde de combiné nordique, à Chaikovskiy, en Russie. Demain et dimanche, c’est à Chaux-Neuve, en France voisine, à deux pas de la région, que le Soleurois tentera de réitérer son coup d’éclat. Vingt ans après les actes de bravoure d’Hippolyt Kempf et consorts, la discipline retrouve- t-elle enfin des couleurs dans un pays qui a souvent produit des champions.
Il n’en est rien. Tim Hug a signé un exploit aussi magnifique qu’inattendu de la part d’un athlète qui n’avait jamais accroché un podium, mais le combiné nordique est néanmoins au plus mal dans nos contrées. Les spécialistes, à l’échelle nationale, toutes classes d’âge confondues, se comptent sur les doigts d’une seule main. En Romandie, la situation n’est pas plus réjouissante. «C’est simple : à l’heure actuelle, nous n’avons pas d’athlète qui se consacre au combiné», déplore Ueli Anken, chef du saut de Ski-Romand. Le dernier, Sven Fawer, a jeté l’éponge l’hiver dernier, faute d’avoir réussi à vraiment percer, malgré de bons résultats.
Pourtant, les structures existent pour accompagner les jeunes qui décideraient de se spécialiser. «Nous avons monté l’Equipe West, en collaboration avec l’Oberland bernois, pour encadrer nos sauteurs à ski et l’organisation commence à porter ses fruits, se réjouit Ueli Anken. Nous pourrions tout à fait accueillir des spécialistes de combiné et les entraîner. Mais on ne peut pas inventer les athlètes.»
Alors, la faute à qui, à quoi, si la relève n’est pas plus importante ? Le Combier Jean-Yves Cuendet, médaillé de bronze par équipes aux Jeux olympiques de Lillehammer en 1994, pointe du doigt les caractéristiques propres de la discipline. «On pourrait l’appeler le compliqué nordique, plaisante-t-il. Il s’agit de travailler dans deux directions opposées : l’endurance pour le fond et l’explosivité pour le saut. C’est extrêmement difficile, car les progrès que l’on fait d’un côté peuvent se répercuter de manière négative de l’autre.»
Déficit d’image
En plus, selon lui, le combiné nordique souffre d’un déficit d’image. D’une part faute d’événement majeur captant, le temps d’une épreuve, l’attention du grand public, à l’instar de la Tournée des quatre tremplins (saut) ou du Tour de ski (fond), d’autre part parce que «celui qui fait du combiné est considéré comme un moins bon sauteur et un moins bon fondeur» que les spécialistes, relève Jean- Yves Cuendet. Ce qui n’est pas fondamentalement faux, mais, surtout, qui occulte la valeur du champion de combiné, capable de faire le grand écart entre deux disciplines antagonistes.
Au SC Vallée de Joux, un des deux clubs romands qui forment des sauteurs à ski avec le SC Les Diablerets, le Combier donne un coup de main à l’entraîneur Sylvain Freiholz. N’a-t-il pas l’opportunité d’orienter des jeunes vers le sport qui lui a valu le bronze olympique ? «Travaillant en Suisse allemande, je ne suis pas assez présent pour le faire. Et, même en saut, il y a actuellement peu d’athlètes.»
Un constat qu’Ueli Anken ne remet pas en cause : «Du plus jeune à Simon Ammann, il y a environ 120 sauteurs en Suisse, c’est un petit milieu.» Qui n’a pourtant jamais cessé de produire des champions, comme le combiné nordique entre les années huitantes et nonantes, d’Andreas Schaad à Hippolyt Kempf en passant par Ivan Rieder. Aujourd’hui, il reste donc Tim Hug et puis c’est (presque) tout. Mais ce pourrait être suffisant pour vibrer. «Sa victoire de la semaine dernière doit encore être confirmée en présence des ténors, mais il peut faire une médaille à Sotchi», ose Jean- Yves Cuendet. L’exploit que le combiné suisse attend pour remonter la pente ? Lionel Pittet n Plus d’infos sur l’épreuve de Coupe du monde de Chaux-Neuve sur : www.worldcup-chauxneuve.fr
«En France, le combiné nordique est un réflexe»
En France, il existe un certain engouement autour du combiné nordique. Pour le Combier Jean- Yves Cuendet, ce n’est pas dû au hasard : grâce aux succès des stars jurassiennes de la disciplines, Jayson Lamy-Chappuis en tête, la discipline profite d’une meilleure image. Mais si des athlètes français tiennent le haut du pavé, c’est grâce à des jalons bien précis qui sont placés très tôt dans le parcours des sportifs. «Dans le Jura français, tous les sauteurs à ski pratiquent le fond. Cela fait partie de la base de leur entraînement, ils grandissent avec ça et, naturellement, le combiné devient un réflexe», explique-t-il.