Triste décor que cette banlieue commerciale de Schaffhouse dans laquelle surgit, au milieu de rien, un stade sans âme, tout gris, qui prend le nom d’une assurance quand ce n’est pas celui d’une enseigne d’ameublement et d’outillage, et qui voit une équipe sans public, et sans ultras, gagner quelques matches et en perdre d’autres, sans que ces résultats ne fassent réellement battre le cœur d’une ville qui se désintéresse gentiment, mais fermement, de son club de football, même lorsqu’il est à deux mois de, peut-être, monter en première division. A quelques kilomètres de là, tout près du magnifique centre-ville de Schaffhouse, se meurt le mythique Breite, là même ou Yverdon Sport, porté par un Bekim Uka en feu, était monté pour la première fois de son histoire en LNA, en juin 1993. Le FC Schaffhouse a pris la décision de construire un nouveau stade en périphérie de la ville, comme d’autres l’ont fait, et il a eu tort, comme les autres. Comme si Yverdon Sport, demain, décidait que le meilleur endroit pour jouer au football était En Chamard, quelque part entre Boissons Center et Jumbo. On ne l’écrira jamais assez : déménager son stade en banlieue, coincé entre deux sorties d’autoroute, n’est que rarement une bonne idée et l’on ne peut qu’ici pleurer sur les Charmilles, par exemple.
Ce désastre architectural et social a tout de même été le théâtre d’un match de football, sur une pelouse synthétique, comme si les malheurs volaient en escadrille, et il a été perdu par un Yverdon Sport presque aussi triste que le décor. Il faut ici malheureusement accepter de voir la réalité en face : en 2022, Yverdon a gagné deux matches, contre le dernier de Challenge League, Kriens, et contre le dernier de Super League, Lausanne.
Huit matches, sept points : le bilan de ce début d’année en Challenge League est insuffisant, même si, là aussi il faut le souligner et le répéter autant de fois que nécessaire, le seul objectif de la saison, à savoir le maintien en Challenge League a été atteint, avec la manière et sans trembler. Une fois cela étant posé, il a fallu constater une fois de plus en ce début d’année qu’YS peine non seulement à attaquer, mais désormais aussi à défendre, ce qui est nouveau, et embêtant. Certes, Schaffhouse est une équipe redoutable, mais de là à craquer pareillement, il y a un gouffre. Même le toujours si fiable Sead Hajrovic s’est fait l’auteur d’hésitations étonnantes et coupables, comme sur le 3-0 de Nikola Gjorgjev (56e).
YS, qui se présentait sans William Le Pogam, touché à la cuisse, n’a rien mérité d’autre que cette défaite, malgré quelques séquences intéressantes. Ainsi, Yverdon a notamment réagi dans les instants suivants l’ouverture du score de Robin Kalem (20e), avec une percée rageuse plein axe de Brian Beyer, lequel a pu servir un ballon intelligent pour Hugo Fargues, qui s’emmenait juste un peu trop mal la balle pour tromper Francesco Ruberto. Dommage, l’action individuelle de l’Alsacien avait de l’allure, tout comme la magnifique volée d’Anthony Sauthier en début de match, laquelle avait le poids d’un but (et aurait mérité de finir au fond pour la beauté du geste).
Les Yverdonnois ont également réagi après le 2-0 de Raul Bobadilla (une bicyclette épatante dans les seize mètres), s’offrant une occasion à la 34e par Koro Koné, à la réception d’une bonne balle en retrait d’Anthony Sauthier. Hélas, comme souvent en 2022, l’Ivoirien manquait de réalisme. Et, à la 48e, dès le retour des vestiaires, Brian Beyer armait une bonne frappe, bien sauvée par Francesco Ruberto.
YS n’a donc pas rien montré offensivement, mais n’a pas su marquer, jusqu’à la 65e, sur… un autogoal schaffhousois. Uli Forte, contrairement au match précédent face à Wil, n’a pas attendu pour effectuer des changements, faisant entrer Jessé Hautier et Néhémie Lusuena à la pause, ainsi qu’Ali Kabacalman et Allan Eleouet à la 64e. YS a d’ailleurs marqué dans la foulée de ce double changement grâce à un corner de Hugo Fargues dévié par Guillermo Padula dans son propre but. YS se remettait alors à y croire, logiquement, misant autant sur un regain d’énergie positive que sur une certaine nervosité de la part d’une équipe schaffhousoise visant légitimement la place de barragiste, voire mieux.
Surtout, bonne nouvelle pour YS, que Raul Bobadilla était appelé sur la touche par le duo d’entraîneurs composé de Martin Andermatt (un peu) et d’Hakan Yakin (beaucoup). Le Paraguayen de 34 ans, ancien goleador du Borussia Mönchengladbach, entre autres, a été le meilleur joueur sur le terrain jusqu’à sa sortie. Pour son retour dans le football suisse, après avoir passé quelques années en Amérique du Sud, le bomber a été épatant, faisant parler son physique très particulier (1m80 et 89 kilos de puissance) et posant énormément de problèmes à la défense yverdonnoise par son intelligence dans les remises et sa science du jeu dos au but… tout en étant particulièrement adroit face à celui-ci, comme lors de ses plus belles années. Et dire qu’en titularisant Raul Bobadilla, Schaffhouse a pu se payer le luxe de laisser sur le banc au coup d’envoi Joaquin Ardaiz, meilleur buteur de Challenge League et auteur d’un quadruplé la semaine dernière à Aarau!
Mais ce regain d’espoir n’a été que virtuel, malgré une ou deux belles incursions d’Allan Eleouet, qui a à nouveau été effectué une entrée dynamique. L’Yverdonnois le plus en vue de la fin de match a cependant été Kevin Martin, une nouvelle fois très bon, et auteur en fin de match de quatre parades, au moins, décisives. Au final, YS ne peut pas se plaindre de cette défaite, la deuxième de la saison à Schaffhouse, même si tout n’a pas été à jeter.
Prochaine échéance, samedi à Aarau face à un autre prétendant sérieux à la Super League. Ce sera au moins aussi dur Brügglifeld qu’à la wefox Arena, mais au moins, cette fois, YS visitera un stade avec une âme, une histoire, un public et des utlras.
Schaffhouse – Yverdon 3-1 (2-0)
Buts 20e Kalem 1-0; 28e Bobadilla 2-0; 56e Gjorgjev 3-0; 65e Padula, autogoal, 3-1.
Schaffhouse Ruberto; Lika, Müller, Padula, Mujcic (87e Krasniqi); Bislimi (87e Kastrati), Gonzalez, Stevic (90e Soldo); Kalem (90e Sahitaj), Bobadilla (66e Ardaiz), Gjorgjev. Entraîneur: Martin Andermatt
Yverdon Martin; Rodrigues, Hajrovic, Gétaz (64e Eleouet); Sauthier (64e Kabacalman), Eberhard (46e Hautier), Silva (46e Lusuena), Fargues, Ninte; Beyer (80e Zock), Koné.
Entraîneur: Uli Forte
Notes wefox-Arena, 764 spectateurs. Arbitrage de David Huwiler, qui avertit Fargues (22e, jeu dur), Lika (45e, jeu dur) et Lusuena (83e, jeu dur). 60e, tir de Raul Bobadilla sur la barre transversale.