Le Tribunal fédéral dénie le droit de recours à des voisins trop éloignés.
Le Tribunal fédéral (TF) vient de confirmer la décision de la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Canton de Vaud qui a dénié à des voisins situés à quelque 120 mètres d’une construction litigieuse la qualité pour recourir. A l’instar de la Cour cantonale, qui a déclaré leur recours irrecevable en juin dernier, la Haute Cour a estimé que les arguments soulevés par les deux recourants n’étaient pas pertinents. En délivrant l’autorisation de procéder à des modifications, respectivement à régulariser des travaux intérieurs, la Municipalité de Juriens n’a donc pas outrepassé ses droits.
Le litige a pour fond la révision du Plan d’affectation communal (PACom), dont on sait qu’il soulève quasiment partout des contestations, la plupart des communes devant réduire la zone constructible.
Peu d’importance
Dans le cas particulier pourtant, il ne s’agissait que de modifications à l’intérieur d’un bâtiment, à l’impact limité.
En effet, le propriétaire d’une parcelle supportant un bâtiment d’habitation avec affectation mixte – l’immeuble abrite plusieurs appartements – envisageait d’aménager un WC et un local de stockage au rez-de-chaussée, ainsi qu’une cuisine au premier étage, sur la partie nord de la maison.
Après avoir envisagé une dispense d’enquête publique, la Municipalité de Juriens a invité la propriétaire à déposer une demande de régularisation des travaux. Dans cette requête datant de juillet 2023, la propriétaire indiquait également avoir entrepris des travaux intérieurs dans un duplex situé au premier étage et dans les combles, la surface de plancher utile ayant du coup été augmentée de 5 m2 par rapport au projet initial.
La mise à l’enquête a suscité deux oppositions. Après les avoir levées, l’Exécutif a délivré l’autorisation nécessaire en mars de l’année dernière.
Les opposants ont alors saisi la CDAP. Cette dernière a déclaré leur recours irrecevable «au motif qu’ils ne disposaient pas d’un intérêt digne de protection à l’annulation de la décision de la Municipalité, leurs parcelles se situant à plus de 120 mètres de la construction litigieuse». Pas satisfaits, les recourants ont fait appel au Tribunal fédéral.
Les arguments balayés
Les recourants déploraient d’abord une violation du droit d’être entendus et une constatation incomplète et arbitraire des faits.
Dans une analyse détaillée, basée sur des arrêts rendus dans le passé, la Haute Cour relève que «la distance entre les bâtiments constitue un critère essentiel, la jurisprudence reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l’opposant est situé, au maximum, à une centaine de mètres du projet litigieux».
Le TF constate que les parcelles des recourants sont situées à plus de 120 mètres à vol d’oiseau, dans un autre quartier et en bordure du village. Et d’ajouter: «En outre, seuls des travaux intérieurs avaient été autorisés, de sorte que l’existence d’un intérêt digne de protection n’était pas établie.» Le deuxième propriétaire n’est pas non plus atteint dans ses droits.
Les opposants reprochaient aussi à la CDAP de ne pas s’être intéressée à la nature et à l’importance des travaux effectués. Or le TF constate que ceux-ci concernaient uniquement l’un des cinq appartements du bâtiment, la Cour cantonale ayant par ailleurs constaté qu’une modification des pièces et de l’escalier avait été entreprise au premier étage et dans les combles d’un duplex de 5 pièces, dans lequel se trouvait auparavant un atelier.
«Rien ne permet de retenir que des travaux auraient aussi été réalisés dans les autres appartements de l’immeuble, «respectivement dans une ferme rénovée dont on ne saisit pas le lien avec le bien litigieux, comme le prétendent les recourants», ajoute le TF.
La Haute Cour relève enfin que les motifs des recourants reposent sur de pures suppositions quant à une potentielle perte future de leur droit à bâtir basée sur la révision du PACom: «Rien n’indique que la régularisation de la construction litigieuse, qui se situe dans un milieu bâti du village de Juriens et qui n’augmente que de 5 m2 la surface de plancher utile, aura pour conséquence de conduire à une diminution des droits à bâtir des recourants ou des autres habitants de la commune.»
Crainte de déclassement
Après avoir constaté que les recourants ne fournissent aucune indication sur l’affectation de leur parcelle et l’existence d’un projet sur celle-ci, le TF relève: «On comprend cependant à la lecture de leur recours que le PACom révisé envisageait de déclasser leur parcelle, rendant une éventuelle construction d’autant plus théorique. Les recourants ne sont dès lors pas concrètement ni directement lésés par la décision de régularisation ne se prévalant que d’un intérêt hypothétique et futur à son annulation.»
Constatant en finalité que la position de la CDAP est conforme à la jurisprudence développée, sa décision n’est pas critiquable et doit être confirmée. Déboutés, les recourants devront s’acquitter de frais et dépens.