L’ensemble vocal Horizons s’investit corps et âme depuis près d’un an pour remettre au goût du jour Nabucco, de Verdi. Un spectacle musical inédit à plus d’un titre.
Postés à quelques mètres l’un de l’autre, une femme et son partenaire se regardent droit dans les yeux, comme si la vie les avait séparés il y a de nombreuses années, pour finalement les réunir à nouveau. A côté d’eux, une quarantaine de personnes sont alignées, le regard rivé sur leur vis-à-vis.
Cette rencontre touchante a eu lieu au cœur de la salle polyvalente de Valeyres-sous-Montagny, fin septembre. Les participants – les choristes de l’ensemble vocal Horizons d’Yverdon-les-Bains – essayaient, tant bien que mal, de se glisser dans la peau d’un migrant le temps d’un week-end. Cette expérience avait été imaginée par le metteur en scène Gérard Demierre pour qu’ils s’imprègnent des personnages qu’ils interpréteront lors de leurs prochaines représentations de l’opéra Nabucco, à découvrir dès samedi à Lausanne.
Chanter, c’est du sport
L’histoire de cette pièce musicale de Verdi évoque les péripéties d’un peuple pris sous le joug d’un tyran. Mais pas question pour le metteur en scène, épaulé par Jean-Philippe Guillois, d’offrir un énième concert statique. Il a donc cherché à dynamiser le récit et à l’adapter à un thème actuel: l’immigration.
A genoux ou en train de marcher ou de courir: les choristes seront dynamiques. «J’avais toujours rêvé d’être au cœur d’un opéra et là, je suis comblée, témoigne Anouk Farine-Hitz, venue renforcer les rangs de l’ensemble vocal yverdonnois. Je ne pensais pas que ce serait si prenant et si exigeant physiquement. Je me suis même remise à la course à pied pour entraîner mon souffle.»
Pour permettre aux 66 choristes de bouger, tout en mettant en valeur la soixantaine de musiciens de l’orchestre lausannois Amabilis et plusieurs solistes professionnels, il fallait un endroit de taille. Un lieu comme la cathédrale de Lausanne qui abritera, pour l’occasion, des estrades et une spirale en bois pour les artistes, conçues par l’EPFL.
Scénographie hors norme
Dans la mesure où le concert se déroulera dans un grand édifice, sans écran géant ni sonorisation, les choristes amateurs ne pourront pas transporter le public dans leur univers simplement en faisant la moue ou en affichant un sourire. Ils ont donc dû apprendre toute une gestuelle de groupe. «Dans un spectacle, il faut de l’émotion et du vécu», relève Gérard Demierre. Pour aider les chanteurs à s’exprimer sur scène, il s’est rendu dans le Nord-Pas-de-Calais (F) durant une semaine, afin de s’immerger dans le monde des migrants. «J’étais avec eux, le regard tourné vers l’Angleterre et je me demandais comment j’allais traverser la Manche.»
Un état d’esprit qu’il a essayé de transmettre aux choristes. «Il ne voulait pas qu’on théâtralise les émotions mais qu’on les vive, alors il nous a fait chercher, ressentir et extérioriser beaucoup de sentiments. Il nous a fait sortir nos tripes, confie Anouk Farine-Hitz. Le plus dur à jouer, ce sont les angoisses.» Et la présidente du chœur, Nelly Jeanmonod, d’ajouter: «Instinctivement, je faisais souvent faux en voulant surjouer. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’on interprète un opéra, mais on n’avait jamais vécu un tel entraînement.»
Gérard Demierre ne s’en cache pas, il sait qu’il a poussé les participants dans leurs retranchements: «Je les ai fait plonger au plus profond d’eux-mêmes pour aller gratter des émotions, relève-t-il. Il y a eu des moments difficiles, j’ai même fait pleurer un grand-père car il a repensé à sa maman.» Mais cela en valait la peine: «Certains se sont dévoilés sous un nouveau jour», confie Nelly Jeanmonod. «Après deux week-ends avec le metteur en scène, le chant a pris une tout autre couleur, assure Michel Cavin. Il y a une bien meilleure cohésion dans le choeur, avec un engagement vocal qui prend une dimension tout autre.»
Une application développée par des seniors
Pour se préparer au mieux à investir la grande scène de la cathédrale de Lausanne, les chanteurs de l’ensemble vocal Horizons d’Yverdon-les-Bains ont pu s’entraîner avec un outil sur-mesure conçu par deux de leurs membres. Ne pouvant pas prendre part à l’opéra, Marianne et Arnold Vonnez ont voulu participer à leur manière en mettant à disposition pas moins de 168 fichiers audio. «Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils ont créé des enregistrements pour chaque registre (ndlr: alto, soprano, ténor et basse) et même pour certains sous-registres», explique Anouk Farine-Hitz. L’opéra Nabucco a donc été découpé en plusieurs séquences et adapté à chaque registre, en augmentant le volume des instruments lorsque la voix en question doit chanter. «Ce qui est bien, c’est que l’on entend l’introduction de l’orchestre avant la partie chantée par les trois autres voix», précise Nelly Jeanmonod.
Mais ce n’est pas tout. Le couple yverdonnois a également consulté une Italienne pure souche pour enregistrer tous les textes chantés de l’opéra. «Cela a aidé de nombreux choristes pour la prononciation», témoigne Anouk Farine-Hitz.
Nabucco, à la cathédrale de Lausanne, samedi 17 (20h), dimanche 18 (15h), mardi 20 (20h), mercredi 21 (20h) et vendredi 23 novembre (20h). Dès 30 francs.
Réservation: 024 543 00 74 ou https://monbillet.ch