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Un concours érige la Vallée en capitale

26 septembre 2016 | Edition N°1835

Le Sentier – La dixième édition des «Swiss Cheese Awards» s’est déroulée en terre combière, parallèlement à la Fête du Vacherin Mont-d’Or et à la septième Journée des alpages du Jura vaudois. Reportage dans les coulisses de l’événement.

Les participants ont pris leur rôle très à coeur. ©Michel Duperrex

Les participants ont pris leur rôle très à coeur.

Une odeur digne d’une cave d’affinage se répand dès que l’on pénètre dans la salle omnisports du Centre sportif de la vallée de Joux, au Sentier. Des élèves combiers assistent aux derniers préparatifs liés à la mise en place des «Swiss Cheese Awards», dont le lancement est imminent en cette matinée de vendredi. «Le jury va goûter tous les fromages. Il a fallu amener ici toutes les tables de la Vallée», commente leur accompagnant. Responsable du concours, Andréas Leibundgut, donne quelques indications, majoritairement en suisse-allemand, aux autres membres de l’organisation de l’événement. «Nous sommes déjà venus jeudi et vendredi passés pour réceptionner les fromages et trier les catégories», explique le directeur de projet de Fromarte, qui enchaîne les journées de 7h à 22h depuis lundi.

«Pas que du gruyère»

Les produits ont été examinés sous toutes les coutures. ©Michel Duperrex

Les produits ont été examinés sous toutes les coutures.

Les 777 produits de toutes formes, couleurs et consistances répartis dans les assiettes de dégustation attestent d’une grande diversité. Le jury -plus de 140 personnes convoquées- est lui aussi des plus hétéroclites. «Onze nations sont représentées, dont, pour la première fois, la Russie et la Turquie. Le but est de promouvoir les fromages suisses. De montrer que nous ne produisons pas que du gruyère», déclare Andréas Leibundgut.

Cette cohorte de professionnels de la branche, mais aussi de journalistes et de consommateurs lambda, fait son entrée dans la salle, en tenue de circonstance -charlotte, gilet et tablier. Les experts se répartissent en petits groupes de quatre ou cinq en fonction de la catégorie qui leur a été attribuée -il y en a 28 au total. L’Yverdonnois Anthony Margot va s’occuper des Appenzeller, qu’il notera en compagnie d’acheteuses de grands magasins russes, d’un cuisinier lausannois et d’un ancien fromager tessinois. Une belle opportunité pour l’exportateur de fromages suisses de soigner ses relations d’affaires avec le pays des tsars. «Ce concours intéresse mes clientes. Elles se sentent impliquées. Les paysages suisses offrent, en plus, une magnifique carte de visite. Cela fait deux jours que nous nous baladons dans les alpages», relève le représentant de l’entreprise régionale.

Aspect, goût et texture

La salle omnisports du Sentier a fait office de carrefour des goûts et des cultures. ©Michel Duperrex

La salle omnisports du Sentier a fait office de carrefour des goûts et des cultures.

Place à l’évaluation. Anthony Margot identifie une constellation de petits trous probablement liée à un problème technique sur le morceau auquel il s’attaque. Un défaut esthétique susceptible, à terme, d’avoir une influence sur la valeur gustative. Le léger goût de farine que laisse le produit dans le palais du spécialiste est aussi synonyme de déduction de points. Quant à la texture de la pâte, elle est jugée «bonne, mais pas parfaite». Sur une autre table, une troisième cliente russe de Margot Fromages indique qu’il ne lui est pas facile d’établir son jugement à partir de petites nuances. «Les produits ont plus d’arôme ici que lorsqu’ils nous parviennent en Russie. La population de mon pays montre un intérêt grandissant pour les fromages suisses, car nous n’avons pas de bon lait de qualité suffisante pour fabriquer ce type de denrée chez nous», explique-t-elle.

Anthony Margot a mis son expertise au service des Appenzeller. ©Michel Duperrex

Anthony Margot a mis son expertise au service des Appenzeller.

Le municipal du Lieu, Lionel Baruchet se penche, quant à lui, sur trente-cinq fromages à pâte mi-dure de différentes provenances avec l’aide, entre autres, d’un journaliste allemand et d’une écrivaine néo-zélandaise. Le critère gustatif est, selon lui, le plus difficile à évaluer, tant les participants ont «des goûts et des couleurs» qui leur sont propres.

Un maître fromager de Villars-sur-Glâne, collaborateur d’Agroscope, explique que les discussions sont nourries au sein de son groupe chargé d’examiner les «brebis». «C’est une catégorie mixte, avec différents types de pâtes. Il y a donc un effort de calibrage à effectuer entre nous», souligne-t-il.

Approches variées

Le municipal du Lieu Lionel Baruchet faisait partie des consommateurs invités. ©Michel Duperrex

Le municipal du Lieu Lionel Baruchet faisait partie des consommateurs invités.

Chaque table semble avoir sa propre organisation. Tandis que certains ont opté pour une progression individuelle dans le concours, d’autres soupèsent, observent et dégustent les fromages ensemble, puis échangent leurs points de vue, en anglais, en allemand ou en espagnol. Certains chefs de groupe collectent au fur et à mesure les notes de leurs pairs sur le formulaire à rendre à la fin de l’exercice.

Une journaliste de Barcelone fait part, avec enthousiasme, d’une partie de ses conclusions : «Ce fromage est incroyable. Il est doux, crémeux et aromatique à la fois. Celui-ci a, en revanche, trop le goût de truffe et cet autre est vieux et amer. Je ne l’aime pas». Plus loin, la directrice d’une association japonaise de promotion de l’art fromager apprécie de déguster des mets d’alpage non importés dans son pays.

Alors que les apprentis cuisiniers de l’Ecole professionnelle de Lausanne s’apprêtent à débuter leur propre concours, Anthony Margot constate avec satisfaction que tous les membres de sa catégorie ont jeté leur dévolu sur le même Appenzeller. Mais c’est bien à un Guyère d’alpage AOP du cru (lire encadré) que sourira cette dixième édition des Swiss Cheese Awards.

Un fromager du Brassus à l’honneur

Un «super-jury» s’est réuni samedi pour désigner le «Swiss Champion» -c’est-à-dire le champion toutes catégories- de cette dixième édition des «Swiss Cheese Awards». Il s’agit du Gruyère d’alpage AOP de Jean-Claude Pittet, de l’alpage des Amburnex, au Brassus. Le Gruyère AOP de Fromages Bovay S.A., de Vaulion, termine troisième de sa catégorie et la Fromagerie du Brassus monte sur la deuxième marche du podium des Vacherins Mont d’Or AOP. L’alpage de La Grandsonnaz, sur la commune de Bullet, hisse, quant à lui, son produit à la troisième position de la catégorie du Gruyère d’alpage AOP, remportée par Jean-Claude Pittet.

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Ludovic Pillonel