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Un expert au royaume des champignons
©Pauline Montone

Un expert au royaume des champignons

28 octobre 2016 | Edition N°1859

Nord vaudois – Raymond Gumy est contrôleur de champignons diplômé depuis vingt ans. Il explique sa passion.

Quand il n’arpente pas les forêts en quête de champignons ou ne les étudie pas, Raymond Gumy, ferblantier appareilleur de métier, vend de vieux outils sur les brocantes. ©Pauline Montone

Quand il n’arpente pas les forêts en quête de champignons ou ne les étudie pas, Raymond Gumy, ferblantier appareilleur de métier, vend de vieux outils sur les brocantes.

La photo d’un champignon collée sur la porte ouverte empêche toute tergiversation. C’est bien ici que l’on rencontrera l’expert Raymond Gumy. Devant une paroi tapissée d’articles de presse, le septuagénaire entame avec prudence l’exercice d’introspection qu’on lui propose. Comme si une certaine pudeur lui dictait de camoufler son savoir encyclopédique, à l’image d’un magnifique cèpe dissimulé des regards par une souche.

Le penchant pour les champignons qui habite Raymond Gumy depuis sa jeunesse est le reflet d’un attrait, plus global, pour Dame Nature. «Je m’intéresse à tout sauf aux fleurs. Lorsque je suis en forêt, je siffle avec les oiseaux. J’ai été 20 ans garde-pêche auxiliaire et la mycologie est liée à la sylviculture à travers les symbioses entre les arbres et les champignons», relève-t-il.

L’Yverdonnois d’adoption aime ausculter les trésors de nos forêts dans les locaux de la Société mycologique du Nord vaudois où il reçoit. Les études, avec les autres férus de l’organisation, rythment ses semaines, au même titre que l’examen des paniers des champignoneurs. Suite au décès de Gilbert Brodard, Raymond Gumy s’occupe du contrôle dans la Cité thermale, en plus d’exercer sur le Balcon du Jura. «J’ai été sollicité soixante à septante fois depuis avril à Yverdon-les-Bains et à environ dix reprises à Sainte- Croix», relève le spécialiste.

Les sens en éveil

Certains de ses hôtes «amènent la forêt dans leur panier». D’autres ont procédé à une cueillette plus soignée, en prenant soin d’isoler les spécimens dont l’identification suscite des doutes. L’expérience de Raymond Gumy lui permet d’identifier visuellement la majorité des champignons soumis à son expertise. L’odorat et le goût sont aussi de très bons alliés. «Les paniers contenant des espèces mortelles, comme l’amanite phalloïde, sont automatiquement confisqués. On m’en apporte toutefois très rarement», commente- t-il, avant de présenter un tricholome à odeur de savon et un hypholome couleur de brique soustraits à une récolte de la veille en raison de son mauvais goût, pour l’un, et de sa toxicité, pour l’autre.

Le contrôle en milieu hospitalier faisant désormais l’objet d’une formation, dont les bénéficiaires sont recensés sur une liste d’appel, Raymond Gumy y est moins sollicité. Des privés le contactent cependant de temps à autres pour des intoxications soupçonnées ou avérées. L’expert évoque le cas, il y a quelques années, d’une petite fille dont la gourmandise n’a pas eu de conséquence, les champignons qu’elle avait ingérés n’étant pas dangereux. Plus récemment, une mère de famille a fait appel à lui car ses enfants vomissaient après avoir dégusté des agarics toxiques.

Diversité déconcertante

Si ses organes de la perception ne lui suffisent pas, Raymond Gumy a encore de nombreux guides et le microscope à sa disposition. La richesse de certaines familles comme les cortinaires et les russules le contraignent, dans certains cas, à s’avouer vaincu. Les plus de 1700 fiches techniques réunies dans la cartothèque de la société de mycologie témoignent de l’incroyable diversité de ces organismes à part. Deux espèces conservées dans le frigidaire de la rue des Casernes devraient encore étoffer cet impressionnant répertoire complété chaque année.

L’univers des champignons, qu’il a découvert jadis à L’Auberson avec ses copains, a fait germer en lui une passion cristallisée par son entrée, en 1976, dans la société mycologique locale. Raymond Gumy ne se destinait pas au contrôle des champignons. Il a pourtant décidé de s’y intéresser pour seconder Gilbert Brodard, victime de problèmes oculaires. «Lors de l’examen, que j’ai passé après une semaine de formation, nous avons dû reconnaître les espèces toxiques et mortelles, décrire toutes les parties d’un champignon et trier des paniers. Il y avait bien sûr quelques pièges», se souvient celui qui a obtenu son diplôme en 1996.

Pour rester à la page, l’expert participe chaque année à une semaine de «recyclage». Il prévoit d’aller aujourd’hui à la recherche de tricholomes prétentieux, un très bon comestible qu’il apprécie tout particulièrement (lire encadré). Il serait cependant peine perdue de lui demander où poussent ces délices des bois. «Ces champignons sont tellement bons que personne ne donne ses coins», explique-t-il.

Salade de champis

Le champignon qu’il aimerait être…

«Le squamanita odorata, pour sa rareté et sa beauté. Je suis tombé sur cette espèce en 1983 à la plage d’Yverdon.»

Sa recette fétiche…

«Les tricholomes prétentieux, que je fais bouillir et que j’accompagne de béchamel et d’oignons. Sinon, j’aime mettre toutes sortes de champignons au vinaigre.»

Le meilleur guide à ses yeux…

«Champignons de Suisse, de Breitenbach, car il contient beaucoup de microscopie.»

Ludovic Pillonel