Renens – Entre demande de récusation de son avocat, refus de se présenter et déballage obscène sur la vie privée de sa victime, Marie, Claude D. a joué avec les nerfs du Tribunal, hier, lors du premier jour d’audience.
Le procès de Claude D. promettait d’être éprouvant. Il l’est. Et c’est un euphémisme. Dès l’ouverture de l’audience, hier matin, devant le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois (délocalisé pour l’occasion à la Salle d’audience cantonale, à Renens), le meurtrier présumé de Marie, en mai 2013, a crispé l’audience en tentant de faire reporter les débats.
Ainsi, se référant à une lettre de trois pages qu’il a écrite, jeudi dernier, Claude D. a demandé, à la surprise générale, la récusation de l’un de ses deux avocats, Loïc Parein, qui le défend depuis trois ans. Le lien de confiance est, selon lui, «rompu», suite à différents incidents. «Toutes les conditions ne sont alors pas remplies pour assurer un procès équitable », a plaidé sa seconde avocate, Yaël Hayat.
Une mascarade totale
Cette requête de dernière minute a occupé le Tribunal toute la matinée, provoquant de longs échanges déjà émotionnels, avec la prise de parole de la famille de Marie, et les premières passes d’armes entre les avocats. Des débats durant lesquels, surtout, Claude D., 39 ans, a surpris par son aplomb et sa suffisance, n’hésitant pas à reprendre le procureur général Eric Cottier, à tancer l’avocat de la partie adverse, Jacques Barillon, et à lancer des phrases chocs, telles que «je n’ai pas la réputation d’être un pantin qu’un avocat peut diriger ».
Une attitude qui a eu le don d’agacer justement Jacques Barillon: «Il joue, il jouit, il est aux manettes, il est le régisseur», a imagé l’avocat. «Les caprices du prévenu n’ont pas à entrer en ligne de compte», a abondé, de son côté, le procureur général Eric Cottier, rappelant que lors de son premier procès, en 2000 (Claude D. avait été condamné à vingt ans de réclusion pour avoir violé et assassiné une ex-petite amie), il avait changé à plusieurs reprises d’avocat.
Le Tribunal a finalement rejeté la requête de Claude D., qualifiant les motifs invoqués d’«inconsistants». «Loïc Parein, qui a correctement effectué son travail jusqu’ici, est confirmé », a donc décidé, en début d’après-midi, le président Sébastien Schmutz. Une annonce qui a provoqué un premier incident, Claude D. refusant alors de se représenter devant la Cour, avant de revenir finalement quelques minutes plus tard. «Une mascarade totale», a tonné Jacques Barillon.
Après ce début de journée pour le moins mouvementé, le Tribunal a pu entrer dans le vif de l’affaire, avec le rappel des faits. En résumé: le 13 mai 2013, Claude D., alors en arrêts domiciliaires, bracelet électronique à la cheville, kidnappe Marie (19 ans), avec qui il avait eu une courte relation qui s’est rapidement dégradée, au moment où elle sort de son travail de serveuse au restaurant du Golf de Payerne. L’homme roule en direction de Fribourg, jusqu’à une forêt de la commune de Châtonnaye, dans la Glâne. Il parque la voiture. Se joue alors un interminable huis clos, où Claude D. explique à Marie -«attachée et terrorisée», selon les termes de l’acte d’accusation- qu’il a déjà été condamné pour assassinat et qu’il va la tuer. Il l’embrasse de force et lui pelote la poitrine. Après plusieurs heures, Claude D. décide de l’étrangler avec une ceinture. Il n’y arrive pas, il change de position, la boucle de ceinture tombe, il la remet. La strangulation va durer près de dix minutes. Marie va mourir après une longue agonie. Le prévenu sera arrêté, le 14 mai, dans l’après-midi, près de Romont, après une course-poursuite avec la police fribourgeoise.
Inversion des rôles
La journée s’est terminée par le début de l’audition du prévenu. Etonnement détaché, sans aucune émotion, l’homme est revenu sur sa rencontre avec la jeune femme, alors que, habitué des prostituées, il cherchait une escorte- girl et qu’il est tombé sur la petite annonce de Marie. Il a tenu à lire, dans le détail, le contenu des messages échangés sur internet avec Marie, où ils évoquent pratiques sexuelles et tarifs, des propos parfois trash, jusqu’au premier rendez-vous réel dans un café, le dimanche 14 avril. Le prévenu n’a pas manqué de provoquer des réactions de réprobation dans l’assistance, accusant Marie de lui avoir menti sur son emploi du temps, de n’être pas fiable, de s’adonner à la prostitution pour assouvir «ses goûts de luxe». Un exercice, insoutenable pour la famille de Marie, durant lequel le prévenu a inversé les rôles et quasiment mené le procès de la jeune femme. Il a, ainsi, laissé entrevoir sa ligne de défense, celle d’un homme amoureux -il a insisté sur «son coup de foudre»- abusé par une jeune femme vénale et «qui n’a pas froid aux yeux».
L’audition du prévenu reprendra ce matin, dans une ambiance qui promet d’être lourde. Le procès devrait durer toute la semaine.