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Un paradis bâti entre les fûts et les vignes
Concise, 15 juin 2021. Guy Cousin, vigneron. © Michel Duperrex

Un paradis bâti entre les fûts et les vignes

28 juin 2021 | Edition N°2981

Concise – Le vigneron Guy Cousin a inauguré le week-end dernier sa nouvelle cave érigée au milieu des champs, avec vue sur le lac. Le Nord-Vaudois a joué la carte du local sur tous les points, ce qui lui a valu de belles surprises.

Mars 2020, le monde s’arrête. Chaque région, chaque pays se referme sur lui-même. A Concise, le vigneron Guy Cousin voit ses commandes tomber les unes après les autres jusqu’à ce qu’il ne reste plus un client, plus un téléphone qui sonne. Mais au milieu de ce silence, les moteurs des machines de chantier grondent. «Quand on a donné les premiers coups de pelle, je ne rigolais pas. Je me demandais dans quelle aventure je m’embarquais alors que je n’avais plus de commandes et que le confinement venait d’être décrété», explique celui qui s’est lancé dans la construction d’une cave au cœur de la pampa concisoise. Malgré ses craintes, le Nord-Vaudois tient bon: «Je me suis rassuré en me disant que je pouvais au moins payer la dalle de fondation avec mes fonds propres et ensuite, s’il le fallait, j’arrêtais le chantier.»

Après quelques semaines de calme plat, les affaires reprennent gentiment et le vigneron se sent assez solide pour continuer les travaux. Et, étonnament, ce n’est pas le chantier d’un an et demi qui a été le plus compliqué à gérer… «On a mis deux fois plus de temps à obtenir le droit de construire que la construction elle-même! lance Guy Cousin. C’est frustrant parce que partout dans le monde on voit des caves au milieu des exploitations, mais ici ça ne se fait pas parce qu’on n’en a pas le droit. Pourtant, c’est juste idéal! C’est là, au milieu des vignes, que les gens veulent venir pour déguster et découvrir un vin.» Et d’ajouter: «Il faut une bonne dose d’abnégation pour mener à bout un tel projet.»

La nouvelle cave du vignoble Cousin. © Michel Duperrex

Après les barrières administratives, le Concisois s’est lui-même infligé des petits défis en chemin. «Ma philosophie: je refuse d’exporter mon vin à l’étranger, alors que j’ai des demandes. En Suisse, on boit trois fois plus que ce que l’on produit, donc je ne vois  pas pourquoi j’enverrais mes bouteilles à l’autre bout du monde alors qu’on a assez de demandes ici. Non, je vends mon vin dans un rayon de 40 km, explique celui qui produit en moyenne 60 000 bouteilles par année. Partant de cette règle, je me suis dit que je pourrais faire la même chose pour le bâtiment, c’est-à-dire dénicher des matériaux fabriqués à moins de 40 km.» Une idée qui lui est venue en cours de route, alors qu’il pensait investir dans une structure métallique, il a finalement opté pour une ossature en bois de la région. Les entreprises JPF Ducret, à Yverdon, et Favre SA Construction-Bois, à Pomy, ont réalisé son idée folle. Le vigneron a même coupé dans son domaine forestier familial, à Fontanezier, pour approvisionner les menuisiers. «Après, c’est devenu un jeu de trouver des matériaux locaux», admet-il. Ainsi, les meubles ont été fabriqués à Mathod et les stores à Estavayer-le-Lac, les briques viennent de Corcelles-près-Payerne (à 45 km, soit juste en dehors du périmètre fixé) et les lampes du bar du Pavé, à Concise, à proximité quasi immédiate.

Fier du résultat, Guy Cousin estime que le challenge n’a pas énormément alourdi sa facture, «peut-être un surcoût de 10 à 15%». Sur un total de combien? «Je n’ai pas très envie de le dire, mais on peut dire que c’est à peu près le même prix qu’un 4,5 pièces sur Lausanne», répond-t-il à demi-mot. Mais il faut préciser que le patron de la cave a mis la main à la pâte. «J’ai la chance d’avoir un employé, Michal, qui sait tout faire. On s’est occupés de la maçonnerie, de poser le carrelage, les canalisations, etc. Grâce à ses compétences et à mon énergie, on a pu baisser les coûts», confie-t-il.

Le seul reproche que l’on pourrait lui faire, au final, serait de ne pas avoir intégré le traditionnel carnotzet dans sa nouvelle structure. Et pourtant, il y avait pensé: «Si j’avais eu les moyens, j’aurais excavé le bâtiment pour intégrer le carnotzet, mais on ne peut pas tout avoir!»

 

 

93%

Comme la proportion de bois suisse utilisé pour la nouvelle cave de Guy Cousin. Ce qui lui a permis de décrocher le label Bois Suisse.

 

Photos: Michel Duperrex

Christelle Maillard