Un peu de Mexique à Yverdon
30 mai 2025 | Texte: Robin Badoux | Photo: Michel DuperrexEdition N°3951
Depuis maintenant 30 ans, l’Association des Mexicains et amis du Mexique de Vaud et Neuchâtel œuvre pour créer des ponts entre la Suisse et le pays nord-américain. Rencontre avec sa présidente, Irma Teresa León Naescher, tlaxcaltèque d’origine, mais yverdonnoise de cœur.
Il se trouve à, au moins, 9500 kilomètres de la Suisse. Et pourtant, un peu de soleil mexicain brille jusqu’en terres helvétiques. Celle qui l’apporte, c’est Irma Teresa León Naescher (photo, à dr.) – que beaucoup appellent juste Tere Naescher. Cela fait de nombreuses années qu’elle s’efforce de créer des ponts entre son pays d’origine et sa terre d’accueil, en aidant les immigrés mexicains vivant en Suisse et en promouvant les cultures mexicaine et helvétique dans les deux nations. Son parcours et son œuvre ont d’ailleurs reçu par deux fois les louanges des autorités mexicaines, d’abord avec la prestigieuse distinction Othli, l’une des plus hautes et des plus rares accordées par le gouvernement mexicain à ses ressortissants à l’étranger, en 2016, puis par la reconnaissance de l’Etat de Tlaxcala, la région d’origine de Tere Naescher, récemment, en avril 2025.
Mais «l’ambassadrice de la culture tlaxcaltèque en Suisse», comme l’a nommée la gouverneure de cette région, est surtout devenue une Suissesse dans l’âme. «Je suis partie du Mexique à 18 ans pour aller en Angleterre. J’ai connu mon mari là-bas, puis nous nous sommes mariés dans mon pays d’origine. C’est par la suite que nous sommes venus en Suisse. D’abord à Zurich, en 1976, où j’ai appris l’allemand et où j’ai travaillé dans une compagnie d’aviation, puis dans le canton de Vaud», explique-t-elle. Un déplacement vers la Suisse romande justifié par une envie de rester proche, par le français, de ses origines latines. Cette facette va d’ailleurs marquer la majeure partie de sa vie: le corps à l’étranger, mais l’esprit tourné vers la patrie. «J’ai toujours fait en sorte de conserver mes racines. C’est pourquoi, par exemple, nous nous efforcions de parler espagnol à la maison avec nos enfants», explique celle qui, désormais et malgré tout, aime comparer les Etats mexicains des «cantons».
Yverdonnoise jusqu’au cou
En dépit d’un léger mal du pays, Teresa Naescher s’intègre durablement dans la vie yverdonnoise, en rejoignant les Samaritains ou en aidant le Magasin du Monde local. Elle devient conseillère communale en juin 2010, rejoint le conseil de fondation du Musée d’Yverdon et région, et a été la directrice et administratrice des magasins Cats and Dogs, après avoir travaillé longtemps dans l’animalerie Jarvi de la région. «Quand je suis arrivée à Yverdon, les gens me demandaient pourquoi aller vivre dans cette ville où il y a du brouillard tout le temps? Mais au final, j’ai été éblouie par l’accueil et le sourire des habitants», se souvient-elle.
Mais, toujours, cette envie de garder des liens avec le pays d’origine. Ainsi, déjà en 1995, elle cofonde l’Association des Mexicains et amis du Mexique de Vaud et Neuchâtel (Amex) qui, depuis cette date, multiplie les manifestations pour rapprocher la Suisse et le Mexique. L’association a son siège à Yverdon, et a été fondée au Grand Hôtel des Bains. Concerts de salterio – instrument typique de la région de Tlaxcala –, fêtes nationales ou fêtes des morts, au Comptoir de Lausanne, au Paléo Festival, au Théâtre Benno Besson ou à la Bibliothèque d’Yverdon permettent ainsi aux Suisses de découvrir la riche culture du Mexique, un pays que les Helvètes adorent: «Les gens d’ici sont toujours fascinés et nous posent plein de questions lorsqu’ils apprennent que nous sommes mexicaines», raconte Margarita Gieré, responsable d’Amex dans le canton de Neuchâtel (photo, à g.).
Les événements organisés en Suisse sous l’égide d’Amex permettent notamment de récolter des fonds pour venir en aide aux populations défavorisées du Mexique. Par exemple, après le tremblement de terre de 2017, Amex envoie des tentes, des couvertures, des couches, du riz ou du désinfectant pour des villages durement touchés. Autrement, l’association vient en aide au pays en fournissant des fours, machines à coudre, appareils auditifs, instruments de musique. Bref, du matériel pour aider les populations précarisées à regagner leur autonomie.
Parallèlement, Tere Naescher promeut la culture suisse au Mexique en aidant des artistes, comme Katharina von Arx de Romainmôtier, à y exposer leurs œuvres. Elle vient aussi en aide aux Mexicains vivant en Suisse. Ils – ou plutôt «elles», car il s’agit surtout de femmes – seraient entre 6500 et 7000 actuellement. «L’association fait en sorte de les soutenir, parfois simplement en leur disant où trouver des tortillas (rires)!»
Aujourd’hui à la retraite, mais toujours très active pour Amex, Teresa Naescher admet penser parfois à laisser la présidence à d’autres, mais ne parvient jamais à trouver le bon moment. «C’est beaucoup de travail, mais on aime transmettre nos valeurs et nos traditions. C’est une vraie passion. A chaque fois qu’il y a une fête, la joie de tout le monde me motive pour la suite.»
Amex fêtera ses 30 ans le 7 juin prochain à la Grande salle de Froideville, dès 18h. L’occasion d’aller tâter un peu de ce soleil chaleureux du Mexique.