Une année dont ils se souviendront longtemps
16 juin 2025 | Texte: Maude Benoit | Photos: Philippe KeuschEdition N°3959
Une classe de 9VP de Grandson vient de vivre une expérience immersive de jeu de rôle durant trois jours. Une aventure qui a été préparée longtemps en amont et dont les bénéfices pédagogiques sont évidents.
Sur les hauteurs de Bullet, dans la forêt jurassienne, se trouvent deux villages, Riverest – les adorateurs de Flugan le dragon – et Elebor – les fidèles des esprits de la nature. Ennemis par habitude, sans que quiconque ne se souviennent de l’origine du conflit, ils ont dû unir leurs forces pour combattre la Mort. Pendant trois jours, chaque village a organisé pour l’autre des épreuves, des duels et des quêtes variées dans le but de réconcilier les villageois et de terrasser la Mort, leur ennemi commun. Et ils y sont parvenus! Alors, pour fêter cette victoire, ils ont organisé un festin vendredi passé. Œufs farcis, rissoles de Maître Chiquart, poulets farcis, tourtes aux espinaches, gargouillon, ou encore formentée au sucre confectionnés par les villageois ont pu être dégustés par leurs invités.
Voilà l’aventure épique que viennent de vivre les 21 élèves d’une classe 9VP de Grandson, grâce à leurs enseignantes Camille Leuenberger et Solène Le Chartier. Une aventure qui a démarré dès le début de l’année scolaire, en août 2024.
Une épopée grandeur nature
Le premier jour de la rentrée, les élèves sont arrivés en classe, découvrant les deux enseignantes autour d’un tapis de jeu et tenant dans les mains des dés. Le ton était donné. Toute l’année allait se dérouler sous la thématique du jeu de rôle, et ce à l’époque médiévale.
L’objectif : organiser trois jours de jeu de rôle grandeur nature au Chalet du Rocher à Bullet.
Mais pour cela il fallait d’abord tout apprendre sur le Moyen Âge. En français, ils ont appris quelques notions de vieux français, à écrire un récit et à construire un personnage qu’ils ont ensuite pu imager en cours de dessin. Forgeron, mercenaire, magicienne, chevalier, ermite, paysan, chasseuse, marchand ambulant… Tous avaient leur rôle. En science, ils sont allés chercher des roseaux pour réaliser des calames, sortes de plumes médiévales en roseau, et ils ont confectionné de l’encre ferro-gallique. En cuisine, ils ont appris les rudiments de la gastronomie médiévale. Et quoi de mieux que la couture pour se confectionner un costume? Évidemment, en histoire et en géographie, la thématique médiévale était aussi de la partie. Une interdisciplinarité qui a permis de donner du sens à chacun des savoirs enseignés.
Mais ce n’est pas tout: grâce au soutien financier de la fondation proEdu, Camille Leuenberger et Solène Le Chartier ont pu convoquer l’aide d’une metteuse en scène qui a donné des cours d’expression orale et théâtrale aux élèves. De nombreux élèves plutôt timides ont d’ailleurs pu se révéler grâce à cette activité. «L’avantage du faire semblant, c’est qu’on prend peu de risques, explique en souriant Camille Leuenberger. Ainsi, on peut expérimenter plein d’émotions.» Et Solène Le Chartier d’ajouter : «Ils sont maintenant à l’aise dans le monde et avec les autres.»
Aller dehors
Au cours de l’année, les élèves ont pu profiter de plusieurs sorties, toujours en lien avec les us et coutumes médiévaux: visite de la fromagerie à Villars-Burquin, visite de la sucrerie d’Aarberg en lien avec l’étude des betteraves, et même visite de Guédelon, le chantier de construction expérimental français où les élèves ont pu tester leurs connaissances avec succès. Des ventes de plantons, de caramels au beurre salé et de raclette ont été organisées pour aider à financer le tout.
Apprendre en s’amusant
Cet enseignement un peu particulier se base sur le jeu, l’outdoor education (l’école à l’extérieur) et l’interdisciplinarité. Si le plaisir et l’amusement était très présents, tous les objectifs du Plan d’études romand (PER) ont été remplis. Le directeur de l’établissement, Stéphane Michaud, est enchanté du résultat: «Quand les enseignantes sont venues présenter leur projet, je dois avouer que j’étais inquiet. Aujourd’hui, je vois des élèves qui jouent le jeu et c’est magnifique. Je suis content d’avoir autorisé le projet et je suis fier du résultat.»
Il faut dire que l’aventure s’est révélée être un petit casse-tête organisationnel en début d’année, surtout pour préparer les horaires de cours. Mais au vu des sourires des enfants, le résultat en valait la chandelle. Tous sont enchantés.
«On a vraiment pu nouer des liens entre nous, on est tous proches et on a une belle ambiance de classe», explique l’une d’entre eux. «L’année est passée super vite», ajoute un autre. Et une élève d’ajouter encore: «C’était super motivant d’avoir un projet comme celui-là.»
Un commentaire que les parents partagent: «Je n’ai jamais eu à me battre pour que mon enfant aille à l’école», explique une maman. Un commentaire approuvé par tous les autres parents. «C’est un sacré investissement de la part des enseignants», souligne également l’une d’entre eux.
Une expérience très positive donc, que les enseignantes comptent déjà reconduire sous d’autres formes.