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Une décision politique qui pourrait nuire à la région

14 octobre 2015

Nord vaudois – Le Canton de Vaud veut freiner les coûts de la santé en contrôlant l’acquisition des équipements médicaux lourds. Le décret sur la régulation, accepté par le Grand Conseil, aura-t-il un impact dans la région?

Caroline Conus et Chrystelle Duvoisin utilisant l’IRM d’YGare, l’une des trois installées à Yverdon-les-Bains. © Muriel Aubert

Caroline Conus et Chrystelle Duvoisin utilisant l’IRM d’YGare, l’une des trois installées à Yverdon-les-Bains.

Le coût de la santé ne cesse de croître et, une fois de plus, les primes d’assurance maladie vont augmenter l’an prochain. Mais le Gouvernement vaudois veut freiner cette croissance. Il aura donc, d’ici quelques semaines -pour autant qu’aucun recours ne soit déposé-, un droit de veto sur l’acquisition de nouveaux équipements de radiologie, de radiothérapie et de chirurgie ambulatoire. Le Grand Conseil a, en effet, adopté, lors de la dernière séance du mois de septembre, le projet de décret sur la régulation des équipements médico-techniques lourds. L’achat d’outils ne répondant pas à un besoin avéré pour la population, pourra dès lors, être empêché, pour éviter tout suréquipement.

«Il y a une densité très importante de ces équipements dans le canton de Vaud, ce qui a un impact réel sur les coûts de la santé», explique le député (Les Verts) yverdonnois Vassilis Venizelos, président de la commission qui était chargée d’examiner le projet de décret.

Alors que l’arc lémanique est particulièrement bien équipé en matière d’appareils irradiants (CT-Scan et PET-Scan) et d’IRM, il en est tout autrement dans le Nord vaudois. «Il y a trois IRM à Yverdon-les-Bains, ce qui est déjà pas mal, note Jean-François Cardis, directeur des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV), avant d’en compter quatorze au centre de Lausanne. «C’est beaucoup trop concentré, ce n’est pas responsable envers la population… Je pense que ce décret est un mal nécessaire», commente-t-il.

Demandes prêtes à partir

Cette régulation pourrait pourtant entraver les projets d’avenir de ses établissements. Les EHNV souhaitent ajouter une IRM à l’hôpital de Saint-Loup, pour pouvoir accueillir les patients venant de la région d’Echallens. Ils veulent également développer l’hôpital de proximité de la vallée de Joux, où il manque un scanner pour les diagnostics. «Le plan stratégique a été ratifié par le Département de la santé, mais c’était avant le décret», fait remarquer le directeur, qui devra donc effectuer une demande à la Commission cantonale d’évaluation, avant de pouvoir mener à bien ses projets.

«Le Nord vaudois compte, à court terme, suffisamment d’IRM, admet le docteur Benoit Richoz, administrateur du Centre d’imagerie du Nord vaudois (CINOV) et du centre YGare. En revanche, la région d’Yverdon ne compte que deux scanners, ce qui est insuffisant.» Son entreprise accueille d’ailleurs les patients de l’hôpital de Sainte-Croix, qui n’est pas équipé. «Plus de 700 personnes, par année, sont transférées en ambulance pour venir passer un scanner chez nous, constate le docteur. Les trajets sont chers et peu écologiques. D’après moi, le Balcon du Jura devrait s’équiper, mais il risque d’avoir de la peine avec ce décret.»

Le Nord serait prétérité

Outre les patients venant de Sainte-Croix, le centre privé d’Yverdon-les-Bains reçoit également de nombreux Neuchâtelois, dont le Canton a déjà introduit une clause du besoin. «Ils ont seulement trois appareils. Nous avons donc environ mille patients par année qui préfèrent venir chez nous, plutôt que d’attendre leur tour, assure Benoit Richoz. Si cette limitation se poursuivait sur dix ou quinze ans, notre région en souffrirait», commente le docteur, dont les machines tournent de 7h à 18h, du lundi au vendredi.

Selon Benoit Richoz, la demande envers les centres d’imagerie va continuer à augmenter et pour y répondre sans ajouter de matériel, il faudra jouer sur le débit de travail et les heures d’ouverture. «On aboutira à une situation comparable à la France ou au canton de Neuchâtel, avec un manque de moyens, un exode des patients et une démotivation des équipes médicales radiologiques, craint-il. La Côte est suffisamment équipée pour y faire face sans ajouter des équipements, mais notre région se retrouvera sous-équipée. Le Nord vaudois sera prétérité par ce décret.»

Etant donné que la régulation des députés vaudois est valable pour une durée de cinq ans, les craintes de Benoit Richoz pourraient ne pas devenir réalité. Un rapport sur l’évaluation du dispositif devra être établi une année avant son terme. Il permettra de tirer un bilan de cet outil qui devrait permettre de maîtriser les coûts de la santé. A plus court terme, la commission pourrait refuser les demandes des EHNV et mettre à mal la stratégie de la direction. «On ne sait jamais ce qui peut se passer, mais ça ne devrait pas poser trop de problèmes», espère le directeur Jean-François Cardis, en ayant hâte de connaître la procédure pour remettre sa demande d’acquisition de nouveaux équipements.

 

Liste des équipements lourds concernés

Les équipements qui seront soumis à régulation dans le Canton de Vaud sont les suivants:

– Imagerie à résonnance magnétique nucléaire (IRM)

– Scanner à rayon X (CT-scan)

– Positron Emission Tomography (PET, PET-scan et PET-IRM)

– Single Photon Emission Computed Tomography (SPECT)

– Lithotripteur (utilisé pour éliminer en fragments les calculs)

– Angiographie digitalisée (y compris salle de cathétérisme)

– Tout appareil de radiothérapie et de chirurgie robotique d’un coût égal ou supérieur à un million de francs (prix catalogue)

– Centre de chirurgie ambulatoire d’un coût égal ou supérieur à deux millions de francs (prix catalogue).

 

Quelques chiffres

Ce sont 7 024 examens qui ont été passés, en 2014, sur les trois IRM installées à Yverdon-les-Bains (entre les EHNV; 2 574, YGare; 1 632 et CINOV; 2 818). Contre 5 904 passés en 2013, entre les EHNV (2548) et le CINOV (3356), puisque le centre YGare a été ouvert le 1er juin 2014.

Muriel Aubert