Une dynastie qui s’est bien « postée »
4 octobre 2024 | Texte et photo: Jean-François ReymondEdition N°3802
La famille Duvoisin s’est établie au Café de la Poste depuis 1911, soit 113 ans avec la troisième génération.
C’est une véritable dynastie familiale qui tient le Café de la Poste. Depuis 1911, le grand-père Julien Duvoisin et sa femme Louisa en prennent la charge. Cet établissement, on ne le remarque même plus depuis tellement longtemps qu’il est là… Et pourtant, il accueille toujours ses clients réguliers et ceux de passage, depuis plus de cent ans. Et tout ça, c’est grâce à Gigi !
Gigi, c’est Gilberte Henriet. Un prénom prédestiné, rapport à la chanson très connue « La Petite Gilberte » , écrite en 1914, au début de la première guerre, en l’honneur de cette sommelière de Courgenay dont tous les soldats stationnés là tombaient amoureux. Et pour la « petite Gilberte » vallorbière, c’est la même chose ! Les clients l’adorent et reviennent fidèlement depuis 1976, date de la reprise de l’établissement par son mari Jean-Jacques Duvoisin qui succédait ainsi à son père Marcel et sa mère Augusta Beetschen, une Bernoise originaire de La Lenk.
Jean-Jacques a 85 ans aujourd’hui. Il a fait son apprentissage de cuisinier en 1955 au Lausanne Palace puis a travaillé à Villars et Saint- Moritz, station de luxe grisonne dans l’Engadine. Mais son père étant tombé malade en 1960, il n’a d’autre alternative que de revenir à Vallorbe pour seconder ses parents. Le café-restaurant marchait bien à l’époque avec des banquets de 50 personnes. Il y avait les spécialités de plats aux morilles renommés et les légendaires truites en trois sortes, bleu, marinière et… vallorbière, sans compter les filets de perche et, bien sûr, le menu du jour délicieux, abondant, et servi sur plat.
Un sacerdoce
De 1976 à 2024… Cela fait 48 ans que le couple règne sur le Café de la Poste avec une rénovation et une modernisation des lieux intervenue en 1973. Un sacerdoce quand on sait que les deux sont en mauvaise santé avec des traitements contre le cancer et des rechutes. Jean-Jacques a aussi des problèmes de mobilité et ne peut plus cuisiner. Il n’y a donc plus de restauration depuis quelques années déjà.
Mais pas question de prendre une retraite pourtant bien méritée. Gigi est maintenant seule aux commandes avec des fermetures le dimanche après-midi et les lundis et mardis. « Bien sûr, ce n’est qu’une occupation, mais j’aime tellement ça. J’ai besoin de voir du monde et papoter. Et servir des clients qui sont tous des amis avant tout. C’est mon plaisir ! Et ça me maintient ! »
La patronne se désole aussi que le monde a beaucoup changé… Et trop rapidement. Elle a la nostalgie de cette belle époque quand les gens touchaient leur salaire en espèces et s’arrêtaient au bistrot pour fêter ça. « On avait nos pensionnaires réguliers tous les jours, les voyageurs de commerce qui passaient, des actifs ou des retraités qui avaient encore le temps de prendre l’apéritif en traînant un peu, et nos joueurs de cartes qui squattaient les tables tout l’après-midi. C’était la convivialité et le partage dans la bonne humeur… Maintenant, cette clientèle est hélas au cimetière ! », commente-t-elle. Mais la vaillante Gilberte veut encore tenir le coup. «Tant que je le peux, je vais rester ouvert. Malgré les difficultés actuelles de tenir un bistrot, je tiens à être là, par respect pour mes clients et pour que mes très beaux souvenirs demeurent ! », conclut-elle.