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Une leçon de musique avec des pointures du jazz
Une vingtaine de personnes, dont la journaliste de La Région Nord vaudois Christelle Maillard, Plume Ducret et Annemarie Duperrex (de g. à dr.), ont pu découvrir la façon dont la chanteuse américaine Jen Shyu (à dr.) imagine ses mélodies si originales, samedi lors de sa masterclass. © Jorge Fernández

Une leçon de musique avec des pointures du jazz

4 février 2019 | Edition N°2428

Retour en images sur le Nova Jazz Festival, qui s’est déroulé de jeudi soir à hier aux quatre coins de la ville. La Région Nord vaudois en a profité pour s’immerger dans une masterclass de haut vol.

Il y a quelque temps, un chanteur de rock du cru m’assurait que «tout le monde peut faire de la musique». Une citation encourageante pour les néophytes, comme moi. Mais deux jours plus tard, un pianiste de la région avançait que «lorsque les professeurs de musique donnent un triangle à un écolier, c’est qu’ils ont tout essayé et que le jeune n’arrive à rien avec les autres instruments». De quoi me permettre de comprendre pourquoi j’avais toujours hérité du fameux triangle… Pour déterminer laquelle de ces hypothèses était la plus juste, la masterclass donnée par Jen Shyu dans le cadre du Nova Jazz Festival (voir photos ci-contre), samedi matin au Conservatoire de musique du Nord vaudois, arrivait à point nommé.

La musique devient des maths

Lors de cet atelier, la chanteuse et musicienne américaine a choisi d’aborder la notion d’intervalle, c’est-à-dire les tons et les demi-tons entre les notes. Un concept qui paraissait clair pour la vingtaine de participants, dont trois enfants et plusieurs novices.

Spécialiste de l’improvisation, Jen Shyu n’avait pas l’intention de donner un cours de solfège, mais de présenter la technique qu’elle a inventée pour composer des morceaux de façon originale.

C’est avec le sourire et beaucoup de bienveillance que la professeure a débuté en expliquant sa manière de jongler entre les notes, les tons et les demi-tons. Si l’Américaine s’amusait avec le solfège, l’opération s’est avérée plus difficile pour son auditoire. A la fin de ses explications en anglais, je me suis retrouvée devant son tableau à lire «C – C# = 1 = m2». Et là, je me suis crue de retour sur les bancs de l’école, en plein cours d’algèbre. J’étais complètement perdue devant cette équation aux multiples inconnues. Mais ce n’était pas ce qui allait me décourager. Bon an, mal an, j’ai continué de suivre le groupe qui chantait les tons et les demi-tons en anglais, tout en mimant des chiffres de un à dix avec les doigts, et en battant le rythme avec un pied.

Têtes d’affiche du festival, le trompettiste Ambroze Akinmusire (à g.) et son groupe ont fait honneur au jazz américain, tout en apportant des petites touches de hip-hop. Un savant mélange qui a comblé la salle du Théâtre Benno Besson, samedi.  @Jorge Fernández

Têtes d’affiche du festival, le trompettiste Ambroze Akinmusire (à g.) et son groupe ont fait honneur au jazz américain, tout en apportant des petites touches de hip-hop. Un savant mélange qui a comblé la salle du Théâtre Benno Besson, samedi.
@Jorge Fernández

Tout le monde copiait ce que Jen Shyu faisait dans la bonne humeur, jusqu’à ce qu’elle décide de corser l’expérience, en interrogeant ses élèves du jour pour vérifier qu’ils comprenaient bien sa méthode de travail. A cette annonce, plusieurs personnes ont affiché une mine déconfite. Le stress a commencé à monter parmi les participants. On voyait leur teint virer au rouge et leur yeux s’écarquiller peu à peu. Discrètement, il y a même un homme qui a quitté la salle, sans un bruit, sans un mot. «Ça paraît compliqué, mais le concept est assez simple. Le mettre en pratique, en revanche, c’est une autre paire de manches!», m’a assuré Plume Ducret, 18 ans, qui me décodait les exercices.

Si les trois premiers élèves désignés, dont Plume, ont réussi le test, le quatrième, un jeune garçon, était perdu et a fondu en larmes. Heureusement, il a été vite rassuré par l’artiste. Quant à moi, alors que j’étais sur le point de passer sur le gril, une personne a pris la parole: «Serait-il possible de dire les notes et c’est vous qui les chantez?», a-t-elle proposé à Jen Shyu. «C’est trop facile, ce n’est pas comme ça que ça marche!», s’est exclamée une dame en éclatant de rire. Une petite blague qui a fait redescendre la pression de tout le monde et qui m’a évité l’interro!

Le chant de sa naissance

Voyant l’assemblée mal à l’aise, Jen Shyu a changé de tactique et a improvisé quelques airs au piano, avant de lever le voile sur ses débuts dans la musique (lire encadré). Elle a avoué s’être entraînée quotidiennement durant des années avant de pouvoir se détacher de la technique et s’amuser. Son jeu à elle, c’est d’attribuer un chiffre à chaque ton et demi-ton. Ainsi, lorsqu’elle écrit une partition, cela ressemble plutôt à une équation. «Un ami m’a lancé le défi de créer une mélodie avec ma date de naissance et j’ai réussi à faire une chanson entière», a souri l’artiste. Avant de conclure: «Ce sera votre leçon pour la maison, imaginez votre musique d’anniversaire!»

Pour ma part, je me sais incapable de rendre un tel devoir, mais j’ai beaucoup appris durant ce cours, qui m’a fait rire et suer en même temps. Et au final, je confirme les deux hypothèses; car si j’ai réussi à faire de la musique, à mon avis, il y a des moments où il vaut mieux écouter les pros.

Christelle Maillard