Logo

Une loyauté gravée dans le plâtre

22 juin 2018 | Edition N°2273

Jérôme Ruch a pris la décision de quitter la première équipe du FC Thierrens après dix-sept années de fiers services. Le fidèle attaquant revient sur une carrière qui se poursuivra encore quelque temps à la «deux».

Son CV sur le célèbre site de recensement de joueurs transfermarkt est réduit au strict minimum: une ligne, une seule, qui symbolise le lien si particulier qu’entretiennent Jérôme Ruch et le FC Thierrens. Depuis 2001, l’homme n’a connu qu’une seule équipe. Et avant ça, en juniors? Pareil. Toutes ses classes, il les a faites sous le maillot thierranais. «Il a bien eu une exception, en fait, se souvient l’attaquant. A l’époque, au FCT, il n’y avait pas de juniors A. Le saut entre les B et les actifs me paraissait un peu trop grand, alors j’avais pris la décision d’aller à Echallens.»

Le choix était judicieux et lui offrait la perspective d’un avenir à bon niveau. «La première équipe évoluait en 1re ligue, la deux, dont l’entraîneur s’était montré très franc, en 2e ligue inter. Il m’avait fait comprendre qu’il y avait de la place pour moi dans l’effectif, mais que je risquais de ne pas jouer des masses.»

«Jérôme Ruch a signé au FCT»

La même année, l’équipe fanion de Thierrens venait de redescendre en 4e ligue. En apparence, rien de très attrayant pour un jeune attaquant prometteur. «Un soir, après ma saison à Echallens, j’avais croisé Thierry Frauche, l’entraîneur de Thierrens, dans un bal au village. Je portais un plâtre, puisque je venais de me casser un poignet. La soirée a avancé, on a bu quelques verres et, peu avant la fermeture, il est revenu vers moi, un stylo à la main. Auparavant, on avait discuté, pas très sérieusement, de mon avenir en tant que joueur. Et là, il a inscrit sur mon plâtre: Jérôme Ruch a signé au FC Thierrens.» Son contrat ne sera jamais brisé.

L’envie d’aller voir ailleurs, elle a existé. Celui qui habite désormais à Etagnières aurait pu signer à La Sarraz au début de la décennie, où il aurait été rémunéré, ce qui a toujours été inimaginable à Thierrens. Le Joratois avait fini par décliner l’offre du club sarrazin, qui militait alors en 2e ligue inter: «Cela faisait six ans que le FCT stagnait en 2e ligue. Chaque week-end, je voyais les mêmes têtes. On avait fini par se mettre d’accord pour viser la promotion. Et, douze mois plus tard, on battait Genolier-Begnins en finale et on montait en 2e inter.»

Le succès, voilà une caractéristique essentielle à la loyauté de Jérôme Ruch. «A Thierrens, on parle souvent de l’esprit d’équipe, de l’ambiance incomparable qui règne dans le vestiaire. Tout ça, c’est une réalité. Mais si j’ai enchaîné 17 saisons à la une, c’est surtout parce que j’adore gagner et que, au bout du compte, on a connu davantage de succès que de revers. Trois promotions, aucune relégation, des sauvetages lors du dernier match. Toutes ces émotions, ça fatigue, mais ça maintient la motivation intacte.»

Bevilacqua sur les nerfs

Et battre des équipes aux moyens financiers avérés, à Thierrens, où tout le monde paie ses cotisations, on adore ça. «Je me souviens de la venue de Locarno, en Coupe de Suisse. Les types avaient débarqué dans un immense car. En sortant, ils avaient leur casque vissé sur les oreilles, un sac aux couleurs de leur équipe à la main. En les voyant descendre, on était comme des dingues, ça a triplé notre motivation. A la mi-temps, on gagnait 2-1. Les murs des vestiaires se souviennent encore des hurlées de Vittorio Bevilacqua, leur entraîneur à l’époque. On avait fini par perdre 3-2. A la fois mon pire et l’un de mes meilleurs souvenirs.»

A 35 ans, le boulanger de profession a donc choisi de se retirer, après un dernier match face au Stade-Payerne rempli d’émotions. «Il n’y a jamais de bons moments pour partir. Je suis arrivé à un stade où l’enchaînement des entraînements devient davantage une corvée qu’un plaisir. J’aurais pu rester une saison de plus, mais si on la finissait sous la barre, il se passait quoi? Quitter l’équipe sur une descente, c’était impossible.»

Et puis, Jérôme Ruch ne le cache pas non plus: il ne se retrouve plus autant dans le groupe actuel qu’au sein de celui de ses débuts: «Qu’on soit clair: l’ambiance est excellente. Mais la réalité est que, aujourd’hui, j’ai plus de potes chez les seniors qu’avec les actifs. Et c’est normal.»

«J» a donc tranché. La prochaine saison, il l’a jouera avec la «deux», tout en s’entraînant de temps en temps avec la première. «Si Carlos Rangel (ndlr: le nouvel entraîneur de la une) fait appel à moi, alors j’irai donner un coup de main. Mais l’idée, c’est d’y aller le moins possible. J’ai eu droit à mes adieux, si je retourne y jouer tous les week-end, c’est ridicule.»

 

«Les cartes vont être redistribuées»

 

A son arrivée à Thierrens il y a quelques jours, Carlos Rangel a eu une longue discussion avec Jérôme Ruch: «Il s’est montré très à l’écoute de mon ressenti, explique le joueur. Carlos est un entraîneur qui en impose, qui possède un certain vécu. Ce nouveau souffle qu’il va apporter, c’est ce dont avait besoin l’équipe. Si le groupe va rester sensiblement le même, certains éléments importants pourraient ne plus être là à la reprise. Ce sera à lui de trouver les meilleures solutions pour les remplacer. On parle déjà de l’arrivée de Renato Provenzano, par exemple. Une chose est certaine: les cartes vont être complètement redistribuées.»

Florian Vaney