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Une nuit à la rencontre de la faune sauvage

18 mars 2016 | Edition N°1705

Nord vaudois – Le surveillant de la faune, Alain Seletto, effectue, depuis dix ans, des comptages nocturnes dans un secteur situé entre Vallorbe et Mutrux. La Région Nord vaudois l’a accompagné mardi dernier. Reportage.

La pluie tombe à fines gouttes sur le véhicule d’Alain Seletto, au sortir de son bureau situé à La Poissine, mais la forte bise annoncée ne semble pas s’être levée. De bonne augure, explique le surveillant permanent de la faune de la circonscription 4 (Orbe, Vallorbe et Grandson), car les animaux devraient quitter leur abri forestier pour se nourrir.

Le collaborateur de l’Etat de Vaud participe, pour la dixième fois, au comptage IKA -pour indice kilométrique et d’abondance-. Jusqu’à récemment, cet exercice étalé sur cinq jours visait à répertorier les chevreuils pour établir le nombre d’individus que les chasseurs pourront prélever. Il permet, désormais, de recenser également les cerfs, dont le retour dans la région du Mont-Aubert a été constaté, depuis quelques années (lire ci-contre). Alain Seletto profite aussi de ses sorties pour comptabiliser les autres animaux sauvages rencontrés.

«Avant, j’effectuais le comptage tout seul dans ce secteur, qui s’étend de Vallorbe à Mutrux, mais je peux compter, depuis l’année dernière, sur l’appui de mon auxiliaire. Cette aide est très appréciable. Nous nous répartissons le territoire à couvrir, ce qui nous permet de passer partout avant minuit, l’heure approximative où la faune retourne dans la forêt», indique le spécialiste.

Orges comme point de départ

Notre itinéraire commence au Bois du Fey, sur la commune d’Orges. Alain Seletto s’arrête, à intervalles réguliers, pour sonder les champs bordant les chemins agricoles que nous empruntons au moyen du phare articulé situé sur le toit de son véhicule. Afin d’éviter tout malentendu, la Police cantonale vaudoise a été mise au courant de cette activité.

De la terre, répandue sur une route secondaire, trahit le passage de sangliers, qui demeureront invisibles. Alain Seletto connaît les lieux comme sa poche. Il fait part de sa surprise de ne pas voir la trentaine de chevreuils présents habituellement à un endroit précis et explique comment identifier les animaux en éclairant leurs yeux -ceux du lièvre ressemblent à de «petites billes rouges», tandis que les cerfs sont munis de «phares énormes».

Les premières bêtes sauvages que nous observons seront, et de loin, les mieux représentées sur la fiche de comptage. Les jumelles de vision nocturne, qu’Alain Seletto utilise lorsque le phare ne suffit pas, débusquent un groupe de six chevreuils. Le surveillant de la faune expliquera, plus tard, que le printemps est synonyme de période de rassemblement pour ce mammifère, avant que les naissances et le rut ne divisent à nouveau les troupes.

Cerfs et chevreuils côte à côte

Le vol d’une chouette hulotte précède, quelques instants plus tard, une scène plutôt cocasse. Trois cerfs -une biche, une bichette, c’est-à-dire un animal âgé d’environ un an, et un faon- côtoient de nouveaux chevreuils. Cette proximité donne tout le loisir de mesurer la différence de calibre entre les deux espèces. Tandis que la biche -la femelle du cerf- peut peser cent kilos, la chevrette, soit la femelle du chevreuil, atteint en moyenne les vingt kilos.

Le premier renard de la soirée -leur population reprend du poil de la bête après le lourd tribut payé à la gale ces dernières années- fait irruption dans notre champ de vision, alors que l’on poursuit notre route en direction de la place de tir de Vugelles, où les premiers flocons se mettent à tomber. «C’était la première place d’hivernage des cerfs, mais des gens sont venus les voir et ils ont été dérangés», précise Alain Seletto, peu après qu’il nous ait été donné d’admirer un énorme sanglier mâle -le seul de la soirée- aux abords d’une surface cultivée. Notre pérégrination nocturne révélera les dégâts à mettre à l’actif du suidé sur certaines parcelles, tandis que d’autres, protégées par des clôtures électrifiées, sont restées quasi indemnes.

Plus loin, un blaireau fait mine de prendre la fuite, puis s’arrête en lisière de forêt et regarde dans notre direction, avant de s’enfoncer sous le couvert végétal. Le surveillant de la faune tombe, ensuite, en admiration devant un grand brocard -le nom donné au chevreuil mâle-. «Le lynx, que j’ai croisé, jeudi dernier, dans ce secteur, lors de la première journée de comptage, ne l’a pas attrapé.»

Sur la base de la grande quantité de chevreuils rencontrés dans une zone où le prédateur est bien présent, Alain Seletto est perplexe au sujet de l’impact du félin sur la population de ces ongulés attribué par certains.

La bise fait son apparition

Notre incursion sur la Commune de Tévenon, où notre guide a eu l’occasion de voir, pour la première fois, des cerfs, il y a six ans de cela, ne nous permet pas d’en observer cette fois-ci. La bise, qui s’est réveillée, souffle la partie supérieure de la couche de neige encore présente à cette altitude. Les animaux semblent s’être réfugiés dans la forêt. Un dernier groupe de chevreuils, à l’abri d’une combe, ne bronche pas à l’arrivée du véhicule qu’il a appris à connaître. On ne pouvait rêver à un meilleur tableau pour prendre congé de ce magnifique condensé de nature nord-vaudoise. Au total, le comptage de mardi, a permis de recenser 267 chevreuils, 21 renards, cinq sangliers, autant de lièvres, quatre blaireaux et trois cerfs, sur l’ensemble du territoire attribué à Alain Seletto et à son auxiliaire.

Ludovic Pillonel