L’association Aquanota annonce une première mondiale en matière d’enseignement de la musique, et c’est à Sports 5 que la révolution est en marche.
Les phonariums ne disent rien à la majorité d’entre nous. Mais grâce à Aquanota, ils n’auront bientôt plus aucun secret pour nous. Associés au numérique, ils constituent l’ingrédient majeur d’une nouvelle méthode d’enseignement de la musique, annoncée comme une première mondiale, qu’instaure l’association nord-vaudoise. Un projet qui permet de transformer le cours en rendez-vous social. Entretien avec Jean-Christophe Ducret, un des initiateurs.
Alors que la musique et ses modes d’apprentissage, historiques, semblent figés dans le marbre, Aquanota annonce une innovation. En connaisseur, pouvez-vous nous dresser un inventaire?
Le principe le plus utilisé jusqu’ici est le cours individuel hebdomadaire d’instrument. Avec les élèves motivés, il peut être doublé, pour deux cours individuels hebdomadaires, mais ça devient onéreux. Pour le cours instrumental de base en groupe, différents systèmes existent, tels que la méthode Suzuki, Color Strings, ou plus récemment, venu d’Amérique latine, le principe «El Sistema». Le numérique fait désormais aussi partie du paysage, sous forme de tutoriels complétés parfois avec une interaction sous forme de cours à distance.
En quoi Aquanota va-t-il tout révolutionner?
Notre système emprunte des aspects avantageux à tous ceux énumérés, avec l’idée d’un développement individuel tout en conservant l’aspect social, l’appartenance à un groupe. De plus, il permet d’offrir deux cours par semaine sans surcharge financière pour les parents.
Pourriez-vous nous décortiquer ce procédé?
Aquanota n’est pas une méthode, mais un dispositif matériel et numérique. Il y a les phonariums et une application. Les phonariums, sortes de petits studios que j’ai imaginés, réalisés à Yverdon par l’Ébénisterie des Prés-du-Lac et fruits de nombreux partenariats, permettent d’utiliser un même espace pour jouer en groupe ou pour s’isoler phoniquement et jouer en individuel. En général, durant un cours, on alterne plusieurs fois entre ces deux modes. En mode ensemble, il est possible de faire des exercices techniques, de jouer des pièces de groupe ou d’imaginer plein d’interactions complémentaires. En individuel, le prof organise un tournus vers chaque élève. Il est alors en contact avec un seul à la fois, lui propose un objectif à atteindre, puis le laisse travailler un moment seul dans le phonarium. Et il passe vers les autres. C’est donc l’occasion pour le professeur de s’assurer que l’élève a tous les outils en main pour s’exercer avec indépendance lorsqu’il sera seul à la maison. L’aspect numérique est présent, chaque phonarium est équipé d’une tablette. La partition interactive invite à développer de nombreuses compétences, travailler son solfège, mêler l’aspect intuitif de l’écoute à la lecture, le tout avec un côté ludique. Les élèves plus âgés ont aussi le suivi de leur cours sur un serveur protégé, avec des liens vers des tutos en vidéos, par exemple.
Quel est l’objectif principal visé?
L’idée est de cumuler les temps de cours individuels à l’intérieur d’un groupe. La phase test utilise trois phonariums, il y a donc la place pour trois élèves simultanément. S’ils sont par exemple inscrits pour un cours de 45 minutes, le temps total hebdomadaire sera de trois fois 45, soit 135 minutes. Cela permet de le répartir entre deux cours, par exemple, un grand cours de 90 minutes et un petit de 45. Le grand avantage, c’est que l’élève n’est pas laissé seul sept jours à la maison. Globalement, les deux cours hebdomadaires, les possibilités pédagogiques démultipliées, le contexte social et le numérique créent une dynamique incroyable.
Aquanota… Quel lien avez-vous avec l’eau?
Pour nous, dans «aqua», il y a l’idée d’immersion sociale et d’immersion musicale. Dès le début, l’enfant est invité à pratiquer la musique en groupe afin de s’ouvrir à un apprentissage multicanal pouvant se comparer à l’apprentissage d’une langue. Cette immersion sonore est complétée par la possibilité d’avoir accès aux supports numériques à la maison. La conjonction de ces éléments va permettre d’activer un mécanisme d’imitation intuitive. Dans ce processus, se crée également la réceptivité émotionnelle du langage musical, étape en lien direct avec ce qui apparaît comme un but: la faculté d’expression. Dans le contexte de notre mode de vie occidental, une fracture existe parfois entre le cours de musique et le milieu socioculturel de l’apprenant. Avec Aquanota, la notion d’immersion appliquée au langage musical vise à recréer au mieux des conditions propices à une transmission directe et intuitive. Pour l’aspect social, rencontres, interactions, comparaisons, partages, l’appartenance à un groupe créent stimulations et attachements.
Ce projet a visiblement été longuement élaboré…
L’idée est apparue durant le Covid à la HEP de Lausanne. L’un des seuls cours autorisés en présentiel était mon cours de guitare, les autres étaient en visioconférence et le bâtiment était vide. Après discussion avec la directrice de l’UER – Musique, Sabine Chatelain, nous avons tenté l’expérience de prendre deux étudiants simultanément dans deux salles distinctes. Ceci permettait de doubler leur temps de cours et d’y passer 30 à 60 minutes. La réaction des étudiants a été très positive et après quelques semaines je pouvais gérer trois ou quatre étudiants simultanément. J’ai ensuite imaginé comment adapter cette forme de «coaching pédagogique» à la formation musicale de base dans les écoles de musique et conservatoires. Et nous avons constitué une association indépendante avec un groupe d’enseignants en musique ouverts à de nouvelles formes pédagogiques. Pour trouver sa forme actuelle, le principe a connu mille remaniements et transformations. En fait, c’est un processus et je pressens qu’il n’est pas terminé. La phase test sur presque un an a permis de le rendre opérationnel et la phase pilote que nous désirons concrétiser avec des institutions partenaires sur quatre cantons permettra d’affiner et d’enrichir le concept.
Connaissant les attentes du milieu, vous vous doutez certainement du succès qu’il va rencontrer…
Sous plusieurs aspects, une alternative aux propositions actuelles peut être profitable. Les statistiques montrent qu’il y a souvent une démotivation et des abandons à l’adolescence, ou à l’inverse que les élèves qui veulent vraiment s’investir trouvent difficilement des soutiens adaptés. Aquanota, de par le contexte social et un temps de cours augmenté, pourrait apporter de vraies solutions.
La friche industrielle de Sports 5 est une pépinière d’activités. Comment vous y sentez-vous ?
C’est très stimulant. Le comité de la faîtière Action Culture est composé de vraies personnalités avec des compétences précieuses et une capacité de travail et de concrétisation boostée par une énergie positive. Aquanota bénéficie ainsi des nombreuses interactions. Etant aussi codirecteur artistique des Classiques de Mathod, je vois une possibilité de désenclavement de la musique classique. Mon collègue André Hahne, qui préside Aquanota, a déjà tissé des liens entre Nova Jazz et les associations présentes.
Et que propose présentement Aquanota en ce lieu, avec qui et moyennant quel investissement?
Quatre professeurs y enseignent: en indépendantes, Julia Sallaberry pour la harpe, et Denitsa Kazakova pour le violon, ainsi qu’en tant que délégués du Conservatoire du Nord vaudois, André Hahne pour la basse et moi-même pour la guitare.
Les personnes intéressées peuvent prendre contact via le site https://aquanota.ch
Portes ouvertes ce week-end
En parallèle à celles du Conservatoire de musique, Aquanota propose des portes ouvertes ce samedi 1er avril à Sports 5:
10h-11h: Atelier changement de cordes de guitare classique avec la présence du luthier yverdonnois Frédéric Schwab. Les dix premiers jeux seront offerts!
11h-12h: Présentation de la guitare, classe de Jean-Christophe Ducret.
13h-14h: Présentation de la basse, classe de André Hahne.
