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Une pionnière passe la main

10 décembre 2020

Emilienne Wagnière quitte le Conseil communal. Le Covid a eu raison de son engagement.

 

«J’aurais aimé finir la législature. Je m’en vais un peu à contrecœur. Mais le Covid me fait peur et le décès de mon frère m’a achevée.» Fidèle à elle-même, Emilienne Wagnière avoue sans détour sa crainte d’une pandémie qui a emporté son proche, auquel elle était très attachée. Car sous ses airs un peu rudes et un franc-parler parfois incisif, Emilienne est d’abord une femme de cœur, une Yverdonnoise qui aime sa ville, ses proches et son parti, l’UDC. On peut ne pas partager ses idées, mais personne ne peut mettre en doute la sincérité de cette femme du peuple, qui s’apprête à tirer un trait sur quinze années d’engagement politique actif.

Emilienne n’aime pas s’épancher. Mais c’est l’occasion de dire que cette femme issue d’un milieu modeste a eu un début de vie à la Zola. Elle s’est construite dans la défense de ses proches, à commencer par celle de sa maman. Au point que sa vie durant, elle a agi comme une féministe, au sens authentique du terme. Vaut mieux ne pas lui parler de la politisation de la cause.

Au terme de la scolarité obligatoire, Emilienne a entrepris un apprentissage de coiffeuse à Lausanne. Mais l’allergie à certains produits l’a contrainte à se réorienter. Sa formation de secrétaire achevée à l’école Duployé, elle est entrée au service de Verdure SA, une entreprise maraîchère de la région. Puis après avoir consacré tout son temps à ses deux enfants – elle s’est mariée en 1962 –, elle a repris une activité professionnelle au collège secondaire de la place d’Armes. «J’y suis restée cinq ans. Je m’entendais bien avec le directeur de l’époque, M. Schwaller. À sa demande, j’animais des après-midis sportifs le mercredi», se rappelle-t-elle.

Le directeur aurait voulu qu’elle consacre plus de temps au collège. Elle ne pouvait pas. Elle a alors accepté une proposition de l’administration communale et a travaillé durant quinze ans au Contrôle des habitants. Une institution qu’elle a quittée pour une activité indépendante dans les renseignements commerciaux.

Cette indépendance, et sa volonté d’être traitée en égale de l’homme, l’ancienne athlète de l’Union sportive yverdonnoise (USY) les a éprouvées au moment de reprendre du service dans la section basketball. Son époux s’y opposait. Elle a passé outre. «Je me suis acheté l’équipement, le sac, et des baskets, des Puma, c’étaient mes préférées», se souvient-elle avec un brin de nostalgie.

Quinze ans durant, elle a animé sur le parquet, et présidé, la section féminine de l’USY Basket. Ces activités sportives ont forgé une conviction: le sport, c’est bon pour la jeunesse et la santé. Elle a, entre autres, déposé un postulat qui a abouti à la construction du street workout au parc des Rives.

Mais son action la plus importante, et de longue durée, est moins visible. Elle a conquis le respect des jeunes de son quartier par le dialogue, à l’occasion de parties de football sur le terrain de la rue du Parc. «Ils m’ont toujours respectée. Le mercredi après-midi, je venais vers eux avec le thermos de thé et le goûter», révèle-t-elle en toute simplicité. Aujourd’hui encore, lorsqu’ils sont un peu bruyants, elle leur rappelle tout simplement les règles du bien-vivre ensemble. Elle plaide encore pour eux: «Il faut continuer à soutenir ces jeunes, à les occuper. Le sport est un bon moyen!»

En 2005, lorsqu’elle a été approchée par Samuel Gurtner et Jean-Louis Vial, Emilienne n’a pas hésité une seconde. Elle s’est engagée dans la nouvelle section yverdonnoise de l’UDC. Et l’année suivante, elle entrait au Conseil communal avec huit autres collègues.

Son parcours aurait pu tout aussi bien la conduire à gauche. Mais à l’évocation de ce choix, la retraitée n’éprouve aucun regret: «C’est un parti proche des gens, qui me convient bien.» Elle est fière d’avoir participé au référendum, victorieux, pour la vidéosurveillance à la gare, malgré les difficultés rencontrées dans la récolte des signatures. «À partir de ce moment-là, on a commencé à nous prendre au sérieux!» Et de poursuivre: «La première fois que je suis intervenue au Conseil, ça ricanait dans les rangs de la gauche. J’ai arrêté de parler tout en les regardant. Je me suis fait respecter. Après, ils ont été réglo.»

À l’heure de quitter l’organe délibérant – elle ne participera pas à la séance de ce soir –, Emilienne, qui a apporté thermos de thé à la cannelle et biscuits des années durant à la place Pestalozzi, reste une militante inconditionnelle de l’UDC: «Pascal Gafner a été le meilleur président du Conseil durant la période où j’ai siégé. Je vais soutenir sa candidature à la Municipalité. Il y a sa place!»

Et le parti? «La section n’a jamais été aussi soudée. Il n’y a pas de dissensions. Ces jeunes sont formidables et il y a un bon comité. Je suis avec eux. J’ai juste dit à Ruben (ndlr: Ramchurn) que parfois il brode un peu trop. Mais c’est un garçon intelligent et un bon président», conclut-elle.

Passionnée de mécanique et de voitures de sport («Je faisais les services moi-même!»), Emilienne a aussi une fibre écologiste: «Gamine, je montais aux arbres pour voir les nids. Les oiseaux, c’est une vraie passion. Je les reconnais par leur chant, car j’ai une mauvaise vue.» Ce n’est sans doute pas un hasard si elle est domiciliée à la rue des Mouettes, d’où elle entreprend de bonnes promenades avec sa chienne Lola dans ce beau quartier des Vernes.

Isidore Raposo