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Une Urbigène au chevet du Cambodge

5 juin 2015

Orbe – Rescapée de la guerre civile dans son pays d’origine et de ses terribles camps de travail, Roeun Virginie Capt se bat, aujourd’hui, pour venir en aide aux familles cambodgiennes. Retour sur un destin hors du commun.

Roeun Virginie Capt mène aujourd’hui une vie bien remplie, entre ses trois enfants, son travail d’aide-infirmière et la présidence de son association qui monte des projets humanitaires pour le Cambodge. © Nadine Jacquet

Roeun Virginie Capt mène aujourd’hui une vie bien remplie, entre ses trois enfants, son travail d’aide-infirmière et la présidence de son association qui monte des projets humanitaires pour le Cambodge.

A discuter avec Roeun Virginie Capt, tout sourire, sur une terrasse ensoleillée de la place Pestalozzi, il est difficile d’imaginer que cette pétillante femme a connu, durant son enfance, un véritable enfer. Celui de la guerre, dans son Cambodge natal. Des épreuves que l’Urbigène, aide-infirmière à l’hôpital d’Yverdon-les-Bains, n’a pas oubliées. Elle a fondé Rumdul, une association qui s’engage pour aider les familles cambodgiennes en difficulté, par le biais de la construction de dispensaires, de maisons et de puits.

Son incroyable histoire, Roeun Virginie Capt accepte de la raconter, malgré les douloureux souvenirs que cela fait ressurgir. Elle naît en 1961 au Cambodge. Elle sera élevée par son grand-père et son frère, à la suite de la mort de son père. Elle est alors âgée 4 ans. Surtout, en 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir et imposent au pays une dictature implacable et sanguinaire. La famille de Roeun Virginie Capt est séparée et répartie dans des camps de travaux forcés. Elle y vit l’enfer, connaît la famine. «Dans ces camps, on vivait comme des bêtes», se souvient avec émotion l’Urbigène.

Fuite dans la jungle

La guerre éclate entre le Cambodge et le Vietnam. Le camp où est enfermée Roeun Virginie Capt est attaqué, bombardé. Elle s’enfuit dans la jungle, sous les bombes, qui explosent tout près. Mais une seule idée l’obsède: sauver sa peau. Elle se retrouve finalement avec une quarantaine de rescapés, complètement perdus, à devoir survivre au coeur de la forêt. La peur est omniprésente, le danger partout. Lors d’une chute, la jambe de la jeune femme est perforée par un morceau de bambou: «J’ai perdu connaissance, j’ai bien cru que j’étais morte.»

Terre des Hommes

Après trente longs jours de marche, le groupe arrive en Thaïlande, où il sera dirigé vers un camp de réfugiés proche de la frontière. Las, les responsables du camp s’enrichissent en vendant les jeunes filles comme domestique à de riches Thaïlandais. Roeun Virginie Capt est ainsi livrée à une famille chez qui elle sera violée et battue. L’enfer continue donc pour la jeune femme qui sera ensuite réexpédiée dans un nouveau camp. Son salut viendra d’une «grande dame blanche», travaillant pour Terre des Hommes, venue secourir des enfants. L’ONG les emmène en France, aux Etats-Unis ou en Suisse. «Quand on m’a montré des photos du Cervin, j’ai dit que je voulais vivre en Suisse dans un chalet», plaisante-t-elle aujourd’hui.

En 1979, donc, elle monte à bord d’un bus en direction de l’aéroport et de l’avion qui va l’emmener à Zurich. Au fond de ce bus, Roeun Virginie Capt fait la connaissance d’une petite fille, toute recroquevillée, silencieuse. Elle lui promet alors qu’à partir d’aujourd’hui cet enfer est terminé. Cette enfant, Lem Cavassini, deviendra sa soeur de coeur. Elle est, aujourd’hui, la vice-présidente de l’Association Rumdul.

A son arrivée en Suisse, Roeun Virginie Capt est surprise par le froid. La Suisse est tellement différente. Tout est nouveau. Tout lui fait peur. «La première fois qu’on a voulu me mettre dans une baignoire, je suis partie en courant, dit-elle en rigolant. Je ne savais même pas ce que c’était.» Elle est accueillie par une première famille, à Yverdon-les-Bains, puis une seconde, à Sainte-Croix, la famille Capt, dont elle porte aujourd’hui le nom. Elle fera également la connaissance, à Fribourg, d’une famille d’origine cambodgienne, qui lui permettra de renouer avec ses racines et les traditions de son pays d’origine.

Il lui faudra près de trente ans, après avoir fondé sa propre famille en Suisse -elle est mère de trois enfants, pour qu’elle se sente enfin prête à retourner au Cambodge. Elle s’y rendra accompagnée de sa soeur de coeur. Un voyage très émouvant. Face au dénuement de nombreuses familles, elle décide de leur venir en aide.

Symbole de pureté

De retour dans le Nord vaudois, elle fonde, avec son frère André Capt, Rumdul, du nom la fleur nationale du Cambodge, dont la couleur blanche est un symbole de pureté. L’association vient en aide aux démunis, leur permettant d’avoir un toit et de quoi manger. Surtout, elle les aide à devenir indépendants. Des familles qui ressemblent tant à la sienne, celle que la guerre lui a enlevé.

 

Repas de soutien, samedi, dès 19h, à la Salle du Pétrole, à Treycovagnes. Inscription: 079 541 86 80. Informations: www.rumdul.org

Mélanie Auch