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Vivre une élection comme au XVIIIe siècle

15 novembre 2017 | Edition N°2124

Yverdon-les-Bains – L’association Les 18es d’Yverdon et région veut reconstituer une élection d’une ville vaudoise il y a 300 ans.

Catherine Guanzini, archiviste de la Ville d’Yverdon-les-Bains, se prête au jeu du vote avec ce scrutin. ©Michel Duperrex

Catherine Guanzini, archiviste de la Ville d’Yverdon-les-Bains, se prête au jeu du vote avec ce scrutin.

Un peu de tirage au sort, un peu de suffrage, pas de campagne électorale officielle, les élections au XVIIIe siècle ne ressemblaient pas vraiment à ce que l’on peut vivre aujourd’hui. «A l’époque, les conseillers siégeaient à vie. D’ailleurs, les élections avaient lieu après les enterrements», précise Catherine Guanzini, archiviste de la Ville d’Yverdon-les-Bains. Avec l’historienne Patricia Brand, toutes deux sont membres du comité de l’association Les 18es d’Yverdon et région. Elles ont décidé de mieux comprendre comment fonctionnait une élection d’une ville vaudoise il y a 300 ans en lançant un projet de reconstitution.

 

Un scrutin à fabriquer

 

L’association a lancé un financement participatif pour pouvoir fabriquer un scrutin d’époque. «Cela nécessitera l’emploi d’une ébéniste, d’un tourneur et d’un fondeur. C’est un travail délicat», relate Catherine Guanzini. Au total, l’association a besoin d’un montant d’environ 10 000 francs pour mener à bien la fabrication de cette urne et pour soutenir les recherches historiques.

Au XVIIIe siècle, le tirage au sort était aussi important que le suffrage lors des élections. C’est à Berne, en 1710, et à Yverdon-les-Bains, en 1713, que l’on trouve les premières traces de cette pratique. Dans la Cité thermale, il y avait deux conseils, un de 24 membres et un de 12. Pour y entrer, il fallait être un homme et faire partie du cercle fermé des bourgeois de la ville.

 

Très longue procédure

 

Lors de l’élection, après l’enterrement, les 35 conseillers restants devaient piocher dans un sac contenant le même nombre de petites balles. Les trois-quarts de ces billes étaient dorées et permettaient de voter, en insérant une sphère dans le trou du scrutin correspondant au conseiller choisi, et un quart argentées, qui forçaient les conseillers à quitter la salle de vote.

Ensuite, c’est le suffrage qui était appliqué. Ceux qui avaient un lien de parenté avec les candidats retenus au premier tour sortaient de la salle. Au final, une vingtaine de conseillers s’exprimaient pour le suffrage. «C’était une procédure très compliquée, pour eux aussi», sourit Catherine Guanzini.

Le financement participatif est ouvert jusqu’au 25 novembre. Si les fonds sont réunis, le scrutin sera fabriqué en 2018 et inauguré en 2019. Le Musée d’Yverdon et région présentera l’objet dans le cadre de ses activités.

Plus d’infos : www.wemakeit.com/projects/histoires-d-election-au-18e

 

Le tirage au sort, remis au goût du jour ?

 

Les balles dorées étaient glissées dans un de ces petits trous, en fonction du conseiller pour lequel on voulait voter. La partie du scrutin avec les tiroirs n’était accessible qu’avec une clé, pour que l’issue de l’élection reste secrète jusqu’au bout. ©Michel Duperrex

Les balles dorées étaient glissées dans un de ces petits trous, en fonction du conseiller pour lequel on voulait voter. La partie du scrutin avec les tiroirs n’était accessible qu’avec une clé, pour que l’issue de l’élection reste secrète jusqu’au bout.

Un colloque international sur le tirage au sort en politique en Suisse et en Europe a eu lieu à l’Université de Lausanne les 27 et 28 octobre, et avait pour ambition de rassembler les spécialistes suisses et européens de cette thématique. Catherine Guanzini et Patricia Brand, archivistes de la Ville d’Yverdon-les-Bains, étaient présentes à ce colloque. «Cela montre que la question du tirage au sort n’intéresse pas seulement les archivistes, mais que les politologues y réfléchissent aussi», affirme Catherine Guanzini.

A Bienne, un mouvement citoyen a récemment demandé que le Conseil de Ville soit pour moitié tiré au sort, relançant l’idée de cette pratique qui avait été perdue vers le milieu du XIXe siècle.

Même si la proposition, lancée dans un postulat, a été jugée inapplicable par le Conseil municipal, il reconnaît dans sa réponse que cette intervention contient «une approche originale et innovante» visant à renforcer la démocratie directe au vu du taux d’abstention constaté lors des scrutins.

Gianluca Agosta