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Un voyage à 100 km/h dans le passé

19 avril 2017 | Edition N°1978

Vallorbe – L’association 141.R.568 loue, à prix symbolique, une locomotive à vapeur de 1945. En échange, elle s’est engagée à la retaper. Après dix mois de travail acharné, celle-ci effectuera sa première course avec des voyageurs au mois de juin

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L’association 141.R.568 organisera une course estivale pour découvrir la magie des trains à vapeur à bord d’une locomotive unique au monde. ©DR

L’association 141.R.568 organisera une course estivale pour découvrir la magie des trains à vapeur à bord d’une locomotive unique au monde.

«Si vous nous trouvez cinglés, c’est normal, c’est presque le critère de sélection pour faire partie de l’association ! », lance avec humour Eric Chevalley, président de l’association 141.R.568, basée à Vallorbe. Et ce grand passionné sait de quoi il parle, puisqu’il a investi, avec deux de ses collègues, plus de 1200 heures de travail en dix mois pour remettre en état une locomotive à vapeur française datant de 1945. Ce monstre de fer de 188 tonnes, réparties sur 25 mètres de long, sera remis sur les rails le 24 juin prochain pour sa première sortie officielle.

Pour permettre à 330 personnes de monter à bord de cette machine impressionnante, les bénévoles ont notamment dû remplacer certaines parties du moteur, changer de nombreuses pièces, dont certaines fabriquées sur-mesure, inviter des experts anglais pour procéder à des réglages d’une extrême précision et passer des heures à nettoyer, graisser et apprêter la bête. «On a les deux mains dans le cambouis durant des heures ; quand on rentre, on est noir jusqu’au caleçon et le pire, c’est qu’on adore ça !, témoigne Guillaume Troutet, chauffeur français expérimenté de 20 ans. C’est ce qui fait de nous des tarés.»

 

Premier test fort en émotion

 

Guillaume Troutet (à dr.), qui a aussi travaillé sur la plus grosse locomotive à vapeur d’Europe, a formé Eric Chevalley, professeur d’économie à la HEIG-VD. ©Charles Baron

Guillaume Troutet (à dr.), qui a aussi travaillé sur la plus grosse locomotive à vapeur d’Europe, a formé Eric Chevalley, professeur d’économie à la HEIG-VD.

Le 22 octobre dernier, la locomotive était prête pour effectuer sa première course sur les rails romands. «C’est l’apothéose de notre travail», confie Guillaume Troutet. Et même si l’équipe a dû attendre dix mois avant de pouvoir mettre en route la machine, aucune frustration : «La vapeur, c’est un tout et nous prenons autant de plaisir à faire de la mécanique qu’à rouler», poursuit-il.

Mais ces passionnés se réjouissent quand même de pouvoir entendre le fameux «tchut-tchut»: «Le premier coup de sifflet était une sacrée décharge au cœur, confie Eric Chevalley. J’en ai eu des frissons.»

 

Un parcours technique

 

Après ce tour de chauffe, la locomotive accomplira son premier circuit en partant depuis Vallorbe pour rejoindre Lausanne, Fribourg, Payerne, la Broye et Palézieux. Un parcours d’environ 240 km qui promet d’être un vrai défi technique pour les chauffeurs et les mécaniciens : «Conduire un train à vapeur, ce n’est pas juste mettre du charbon dans un foyer, explique Guillaume Troutet. On n’a même pas une seconde pour regarder le paysage, parce qu’il faut être attentif à tout, à la couleur de la fumée, à la pression, au niveau d’eau, etc. Il n’y a aucun automatisme, l’homme c’est la carte mère du train.»

Par ailleurs, la bête consomme 150 litres d’eau par kilomètre et 2,5 tonnes de charbon aux 100 kilomètres. Alors, pour assurer la sécurité et la réussite du trajet, Eric Chevalley a prévu quatre chauffeurs et cinq mécaniciens, soit sept personnes de plus qu’à l’époque.

 

Prix de la course : 35 000 francs

 

Si le président de l’association prévoit autant de monde, c’est aussi pour éviter des dépenses : «Les CFF taxent 700 francs la minute pour chaque train mis en retard et, après un certain délai, c’est 30 000 francs de frais pour nous sortir du réseau.» Des sommes dont il se passerait bien, puisque le coût de la sortie s’élève déjà à 35 000 francs.

Heureusement pour les voyageurs, le ticket se chiffre entre 124 et 268 francs «seulement», en fonction de la classe choisie et de l’option avec ou sans restauration. Soutenu par le propriétaire de la locomotive et la Commune de Vallorbe, l’association espère organiser entre trois et cinq voyages par année.

Première course pour le public, le 24 juin. Renseignements et réservations sur www.trainvapeur.ch.

 

Locomotive rescapée

 

La locomotive 141.R.568 fait partie des quelque 1340 modèles produits. Sur ce nombre, seuls 700 étaient à vapeur. Aujourd’hui, il n’en reste plus que deux dans le monde. Ce qui rend celle de Vallorbe unique, c’est sa puissance. Car le chef de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a amélioré le rendement de la machine avec 500 chevaux supplémentaires. Ainsi, avec un total de 2900 chevaux, la locomotive peut atteindre les 100km/h.

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Christelle Maillard