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Le Canton s’interroge sur la place de tir

8 février 2017 | Edition N°1930

Vugelles-La Mothe – L’avenir du site de l’Armée, théâtre d’un interminable bras de fer, est questionné par le Conseil d’Etat.

Conviée par l’Exécutif vaudois à réétudier son implantation à Vugelles-La Mothe, l’armée va-t-elle choisir de déserter les lieux ? ©Duperrex-a-

Conviée par l’Exécutif vaudois à réétudier son implantation à Vugelles-La Mothe, l’armée va-t-elle choisir de déserter les lieux ?

«Nous avons déjà obtenu des concessions et nous ne désespérons pas d’arriver à faire taire les armes lourdes et les explosifs.» Cet énoncé tiré du site Internet de la commune de Grandevent en dit long sur la détermination qui anime les détracteurs de la place de tir de Vugelles-La Mothe.

Difficile, pour quiconque s’intéresse un temps soit peu à l’actualité, d’être passé à côté du bras de fer homérique dont ce coin du pied du Jura, au demeurant paisible, est le théâtre depuis bien des années. La résistance toute gauloise de ses habitants face au colosse militaire fédéral a certes débouché sur certaines adaptations -limitation des jours de tir et des tirs de nuit, abandon des tirs à la mitrailleuse 12,7mm depuis la partie sud-, mais la requête de fermeture des riverains avait, jusqu’ici, été résolument écartée. La réponse d’Ueli Maurer, alors conseiller fédéral en charge de la défense, à l’interpellation de l’ancien conseiller aux Etats Luc Recordon, en mars 2014, en a été l’illustration. Pour rappel, l’élu zurichois avait alors motivé son refus par la trop grande importance de cette infrastructure d’instruction pour l’Armée.

La messe était donc provisoirement dite, au grand dam du camp adverse, mais l’entrée en scène d’un nouvel acteur pourrait redistribuer les cartes. Consulté dernièrement par le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) sur le plan sectoriel militaire 2017, le Conseil d’Etat est, en effet, sorti de sa réserve.

«Nous demandons des détails quant à l’exploitation de la place de tir de Vugelles-la-Mothe, respectivement nous nous interrogeons sur la nécessité de maintenir cette place au vu des futurs développements de l’Armée», déclare l’Exécutif vaudois.

Réflexion à avoir

«La situation a fondamentalement évolué, avec l’entrée en vigueur de la réforme programmée le 1er janvier 2018. Une importante réduction des effectifs et des infrastructures a été décidée», relève Denis Froidevaux, chef du Service de la sécurité civile et militaire.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat demande de réexaminer le cas de Vugelles, où la recherche du point d’équilibre entre les besoins d’une population grandissante et ceux de l’Armée s’avère compliquée. «Il serait opportun d’étudier si une possibilité de déplacer les activités sur une autre place de tir moins génératrice de nuisances existe», précise Denis Froidevaux. Si aucune alternative ne se profilait, une réévaluation des conditions d’utilisation est préconisée. «Nous reconnaissons toutefois les efforts consentis par l’Armée, notamment en matière d’assainissement et de limitation du calibre des armes utilisées», déclare encore le chef du Service de la sécurité civile et militaire.

Claude-Alain Briod, syndic de Grandevent, s’avoue «extrêmement satisfait d’être écouté par Lausanne. Nous nous battons depuis plus de vingt ans. On préférerait entendre le chant des oiseaux que celui des mitraillettes. Tout dernièrement, ça pétaradait alors que je me trouvais dans mon salon à 21h30. On a donné !», souligne ce fer du lance du mouvement contestataire. «Certains de mes concitoyens sont à deux doigts de péter les plombs. Des maisons n’ont pas été vendues à cause de la proximité de la place de tir», affirme-t-il par ailleurs.

Des mesures sur une année

L’élu ajoute que trois sonomètres ont été installés l’an passé, afin d’obtenir des mesures sur les quatre saisons à Novalles, Grandevent et Vugelles. «Les résultats tendent à prouver que les nuisances sont là, mais l’Armée répond qu’elle est en conformité avec l’Ordonnance sur la protection contre le bruit. De plus, nous attendons son rapport sur la pollution* », déclare Claude-Alain Briod. Selon l’élu, la commission de la place de tir nommée par le Conseil général de Grandevent prévoit, prochainement, de faire un point de la situation avec la Municipalité de Vugelles.

Du côté du DDPS, on accuse réception des doléances du Conseil d’Etat. «La prise de position est arrivée lundi. Dès lors, les remarques n’ont pas encore été analysées», indique la porte-parole Karin Suini. S’agissant, de la pollution constatée, «le DDPS a lancé des investigations techniques. Il est prévu d’en informer le Canton et les communes dans le courant du 2e trimestre 2017». Gageons que ce dossier bien chargé n’a pas encore tiré ses dernières cartouches.

*Ndlr : des prélèvements de terre avaient fait état de dépôts de cuivre et de plomb largement supérieurs aux normes. A lire dans La Région Nord vaudois du 23 décembre 2015.

Ludovic Pillonel