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Bouillon marque la Revue de son empreinte depuis 50 ans
Grandvaux, 14 février 2020. BOUILLON (Denis Meylan). © Michel Duperrex

Bouillon marque la Revue de son empreinte depuis 50 ans

20 février 2020 | Edition N°2688

A quelques jours de la première, nous sommes allés trouver Denis Meylan, qui marque de sa plume les spectacles du chœur du village depuis un demi siècle.

Vendredi 28 février, les trois coups annonceront la première du spectacle annuel du Chœur de Thierrens, Agri cool. Ce sera l’occasion, non seulement de présenter la nouvelle directrice Annie Dufresne, mais aussi de célébrer les cinquante ans de création de Denis Meylan, qui signe aussi dans nos colonnes sous le pseudonyme Bouillon la rubrique Coup de Joran sur les Hautes Crêtes. Il nous accueille dans un vieux chalet du Lavaux, face à un magnifique panorama sur les Alpes franco-valdo-valaisannes.

Personnage haut en couleur, Bouillon fait partie de ces artistes que l’on n’oublie pas. Combier né en 1947 à l’Orient, il est arrivé à Thierrens au hasard d’une nomination, en 1968. Il était alors jeune régent et venait d’effectuer ses premiers mois d’enseignement à Sainte-Croix. Outre son amour de la langue française, Denis Meylan est également passionné de sports, de musique, de théâtre… en fait de tout ce qui peut réunir les gens. «Dans les années soixante, il y avait à la Radio romande une émission nommée la Grande chance. C’était un peu la Star Ac’ de Suisse romande. J’y avais participé comme chanteur-humoriste, les autres candidats étaient des chanteurs à texte. Comme j’étais le seul humoriste, j’ai forcément été sélectionné pour la finale et j’ai obtenu le prix radiophonique.» A cette époque, Bouillon habitait au Château, à Sainte-Croix. Il avait parié que s’il était sélectionné en finale, il se rendrait à pied à Lausanne. Dont acte. Cela laissa l’inspecteur des écoles fort marri, puisque ce vendredi-là, la classe devait fermer définitivement ses portes. «Je n’aurais pas voulu être nommé à Vallorbe, car je jouais au foot et en tant que Combier, c’est la même chose qu’être Jordanien et jouer contre Israël!», lance-t-il. C’est alors que sa grande aventure avec Thierrens allait démarrer.

Tombé sous le charme de ce petit village, particulièrement de ses habitants, et fort d’une certaine renommée, il s’est rapidement fait des amis. Le Dr Bugnon, personnage lui aussi haut en couleur, avait créé les 24 Heures de Thierrens à vélomoteur. Ni une, ni deux, Bouillon avait mis en place une «écurie» de vélomoteurs. Il entraînait les garçons pendant que les filles suaient au cours de couture. «Je m’entendais très bien avec le président de la commission scolaire, aussi directeur du chœur mixte du village. Il m’a demandé de venir chanter. Je n’ai plus cessé depuis.»

Une aventure née en 1970

C’est à l’occasion des trente ans du chœur, en 1970, que le trublion a créé sa première pièce pour Thierrens: Mon curé chez les riches. En suivront bien d’autres: Quai de gare, puis HLM, La cabane aux illusions, Les brigands du Jorat… «J’ai adoré ces années passées dans ce petit bourg, au milieu des paysans du Jorat. Pendant 20 ans, j’ai mis en scène, créé, joué avec eux. Je me suis créé des amitiés très fortes. Puis, un nouveau président de la commission scolaire a été nommé et ça n’a plus été pareil.» Il passe son brevet de professeur de sport et part travailler au Club Med, ou comme gardien de cabanes, professeur de ski… «Mais je suis toujours resté fidèle à Thierrens. J’y ai connu ma femme et nous avons acheté une petite ferme à Poliez-le-Grand. J’ai fait du café-théâtre à Denezy pendant 20 ans. Sarclo, Lambiel, Bühler et bien d’autres sont venus jouer…»

Aujourd’hui, Bouillon est un brin désabusé. «Quand j’étais jeune, j’étais un peu engagé, on me traitait de communiste car j’étais allé jusqu’à Moscou et dans les pays de l’ex-bloc soviétique en deux-chevaux. Aujourd’hui, je suis un poil plus anarchiste. La vie est plus facile, des machines nous aident dans les travaux les plus durs. Mais nous n’avons plus de temps, tout le monde court, est stressé. Tout devient compliqué. J’ai un ami qui avait deux cochons; il leur donnait les lavures et basta. Aujourd’hui, c’est interdit. Un autre ami a dû se séparer de ses quelques vaches parce qu’il manquait 10 cm pour que son écurie soit aux normes. Il y a de plus en plus d’interdits et de paperasse. Je ne suis plus aussi scandalisé qu’avant, car avec l’âge on arrondit les coins.» Mais Bouillon reste fidèle à sa base première: égalité et antimilitarisme, sans oublier défense des petits contre l’injustice!

Pour se ressourcer, il rejoint dès que possible son coin de paradis en Sardaigne, qu’il loue volontiers à ceux qui le lui demandent. Mais ses sapins lui manquent vite!

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Une assiduité qui force l’admiration

L’année 2020 est à marquer d’une pierre blanche, puisqu’avec Agri cool, Bouillon fêtera cinquante ans de fidélité au chœur mixte. Trente-deux comédiens se succèdent dans cette fiction poético-satirique imbibée d’humour. «C’est l’histoire d’un paysan qui décide de vivre en autarcie, dévoile l’artiste. Mais il ne lui arrive que des ennuis avec les services de l’état, le vétérinaire, l’administration territoriale, les végans et les antispécistes. Mon petit fils Milow, 6 ans, joue l’enfant qui revient à la campagne et pousse son grand-père à vivre de ses propres ressources. Mon fils Lucien, 28 ans, joue un promoteur. Sur scène, il y aura 45 acteurs-chanteurs.»

Mais d’où lui vient cette énergie, cette imagination sans limite? «Il y a tellement de sujets extraordinaires. J’aime la vie, tout me fait rire. J’aime les gens. Et j’ai toujours beaucoup admiré les membres du chœur mixte pour la fidélité et l’assiduité qu’ils mettent à monter leur spectacle et à soutenir leur association. Car pour le spectacle, les répétitions, c’est trois fois par semaine pendant deux mois!»

Dominique Suter