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Evasion à la Kalachnikov à Bochuz

29 juillet 2013

Deux détenus dangereux, Adrian Albrecht, Haut-Valaisan de 52 ans, et Milan Poparic, Bosniaque de 34 ans, se sont évadés jeudi soir, avec l’aide de complices.

Denis Pieren, directeur des EPO, et Béatrice Métraux, conseillère d’Etat en charge du Service pénitentiaire.

Après dix-huit ans d’accalmie -la dernière évasion du pénitencier a eu lieu en 1995-, deux détenus sont parvenus à quitter jeudi soir le pénitencier de Bochuz, avec l’assistance de complices venus de l’extérieur, qui ont neutralisé l’agent de sécurité patrouillant à l’extérieur de l’enceinte avec un chien, et les deux surveillants se trouvant à l’intérieur de celle-ci, en tirant des rafales avec des Kalachnikov.

L’appartenance de Milan Poparic au gang des «Pink Panthers» -un fait ignoré par les responsables des Etablissements pénitentiaires de la plaine de l’Orbe (EPO)- laisse penser que les complices sont affiliés à cette bande criminelle (voir encadré).

Les deux complices sont venus de l’extérieur avec un véhicule utilitaire, volé dans le canton de Fribourg, et un autre véhicule de couleur grise, avec lequel ils se sont enfuis avec les deux évadés.

Les complices ont forcé le cadenas d’une barrière située sur un chemin agricole -le domaine des EPO est l’un des plus grands du canton avec 360 hectares-, puis, à travers champs, ils se sont approchés de l’enceinte, au sud-ouest du pénitencier.

Tir en rafales

Dès leur arrivée à proximité de l’enceinte, les complices de l’évasion ont tiré en rafale avec des armes de guerre. Dans un premier temps en direction de l’agent de sécurité qui patrouille à l’extérieur de l’enceinte, puis à l’intérieur, en direction des deux surveillants qui se trouvaient avec les détenus. Ceux-ci devaient regagner les cellules à 19h45. L’évasion, manifestement bien préparée, a eu lieu dix minutes avant le retour en cellule.

Avec le véhicule utilitaire, ils ont repoussé le champ de barbelés de type OTAN, posé devant le grillage de quelque six mètres de haut. A l’aide de deux échelles, ils ont permis aux deux détenus, qui se trouvaient avec plusieurs dizaines d’autres sur le terrain de football, de les rejoindre.

Après avoir mis le feu à la camionnette, les quatre individus ont pris la fuite à bord d’un véhicule de couleur grise qui, malgré les intenses recherches, n’avait toujours pas été retrouvé en fin de semaine.

«Une invasion!»

Dès le début de l’attaque – «Nous avons vécu une invasion et pas une évasion», a déclaré la conseillère d’Etat Béatrice Métraux, rentrée spécialement du Tessin pour répondre aux interrogations de la presse- l’alerte a été donnée par la centrale du pénitencier.

Selon Jean-Christophe Sauterel, porte-parole de la Police cantonale, une trentaine de gendarmes, puis des inspecteurs de la Police de Sûreté, avec des spécialistes de l’Identité judiciaire et de la Police scientifique, ont été mobilisés. Le Corps des Gardes-frontière et la Police française ont également été alertés, en raison de la proximité de la frontière. Les intenses recherches poursuivies tout au long de la nuit n’ont pas permis de localiser les fuyards, mais un certain nombre d’éléments ont été relevés. Ainsi, les douilles retrouvées sur les lieux témoignent que des armes automatiques de guerre, de type Kalachnikov -peut-être le modèle AK47- ont été utilisées.

 

Un gang aussi violent que dangereux

Les «Pink Panthers» se sont déjà signalés dans plusieurs pays d’Europe par leur violence. Ce gang est composé d’individus provenant de l’Est, ayant fait partie des forces spéciales avant la chute du mur de Berlin. Ils n’hésitent pas à monter des opérations armées, telle celle de jeudi, pour libérer des complices emprisonnés. Un membre des «Pink Panthers» s’était déjà évadé récemment du Bois-Mermet. Et Milan Poparic en faisait partie, un «détail» que les autorités d’exécution neuchâteloises n’avaient pas communiqué à la direction des EPO, et qui est apparu dans un échange d’informations entre les polices cantonales vaudoise et neuchâteloise. Directeur des EPO, Denis Pieren a précisé vendredi avoir soumis à réexamen tous les dossiers des détenus, afin de procéder à une réévaluation des risques.

 

La conseillère d’Etat en charge du Service pénitentiaire avait déjà commandé un audit

Béatrice Métraux veut sécuriser toutes les prisons

«Je ferai des propositions au Conseil d’Etat à la rentrée.» Après les évasions du Bois-Mermet et de La Croisée, à Orbe, la conseillère d’Etat Béatrice Métraux avait commandé un audit sur tous les centres de détention vaudois. Cette analyse aboutira à la proposition de mesures de type technique (vidéosurveillance), d’organisation -il faut tenir compte de la dangerosité des individus et affecter le personnel adéquat, ce qui nécessite une réorganisation, et enfin des mesures d’infrastructure. Une zone d’interdiction va être créée autour de La Croisée, il faut aussi envisager quelque chose pour les EPO, même s’il est inimaginable de construire un mur autour d’un domaine de 360 hectares.

La conseillère d’Etat et le directeur des EPO Denis Pieren ont rendu hommage au personnel: «Il n’y a aucune faute du personnel. L’agent de sécurité et les surveillants ont réagi de manière adéquate, sans prendre de risque inutile. L’ensemble du personnel est choqué.»

D’ailleurs, en quittant Lausanne, la cheffe du Département s’est rendue aux EPO et elle a fait une visite à l’agent hospitalisé en raison du choc psychologique subi.

 

Isidore Raposo