Renens – Le procureur a requis, vendredi, seize ans de prison à l’encontre du père incestueux et 36 mois de réclusion pour sa femme, dont six ferme.
«Nous ne sommes pas dans un roman des Rougon-Macquart d’Emile Zola, mais bien au XXIe siècle», a déclaré le procureur Christian Maire, lors de l’ouverture de son réquisitoire, vendredi devant le Tribunal criminel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, qui siégeait à Renens. Depuis le début de la semaine dernière, une sordide affaire d’inceste défraie la chronique. Selon le procureur, un père et une mère de la région ont «gravement détruit» leurs trois filles et leurs cinq garçons. «Les mots me manquent pour décrire l’horreur que ces huit enfants ont vécue. C’est une catastrophe à la fois sociale, psychique, éducative et sexuelle.»
Même si l’accusé a subi des abus sexuels lorsqu’il était enfant – il a aussi abusé de ses propres sœurs –, cela n’excuse en rien «son comportement primitif et bestial», a insisté la voix du Ministère public, soulignant que le prévenu représente un «grand danger» pour toute sa famille. «Il nie tout et se moque de la justice. Son attitude est détestable», a poursuivi Christian Maire. Face à de tels actes, le Parquet vaudois a requis seize ans de peine privative de liberté ferme pour ce père incestueux, maintenant tous les chefs d’accusation. Et la liste est longue: actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol, pornographie, inceste, violation du devoir d’assistance ou d’éducation, etc.
Des enfants à protéger
Les trois avocats chargés de défendre la fratrie ont dénoncé, quant à eux, «l’horreur absolue» vécue par les victimes, qui logeaient dans un lieu «insalubre». Me Xavier Rubli, défenseur des enfants mineurs, s’est par ailleurs insurgé contre la «théorie du complot», dont l’accusé se dit victime. «Il met la faute sur les intervenants sociaux, les psychiatres, mais c’est lui le bourreau.» L’homme de loi a également plaidé pour que les juges protègent les enfants en empêchant le père de récidiver. «Ils ont peur de vivre de nouveau un tel calvaire». Il a enfin demandé une indemnité pécuniaire pour chacun d’entre eux.
Quant aux avocates des deux filles aînées, Me Maëlle Le Boudec et Me Lory Balsiger, elles ont exigé que le père verse 150 000 francs et la mère 20 000 francs à titre d’indemnité pour tort moral.
Un père «dépassé»
«Comment en est-on arrivé là?, s’est interrogé Me Loïc Parein, avocat du père, connu pour avoir défendu Claude D. Loin de moi l’idée de faire le procès de quelqu’un d’autre, mais mon client a toujours été limité dans ses facultés cognitives et financières. A cet égard et face à tant de misère, ne peut-on pas ressentir de la compassion?» Selon lui, l’alerte aurait été lancée à plusieurs reprises auprès des services concernés et son client aurait été «dépassé» par la situation et par le «magma relationnel indifférencié» dans lequel il évoluait. «On lui présente sa m… sous ses yeux, mais comment voulez-vous qu’il réponde, puisqu’il y a des interdits qui ne sont pas conscientisés?» Me Loïc Parein a par ailleurs mis en doute les accusations des enfants à l’encontre de leur père. C’est pourquoi, il a plaidé pour une diminution moyenne des responsabilités de son client.
C’est l’accusé qui a clos cette longue journée en s’adressant à sa fille aînée: «Même si tu as déposé plainte contre moi, je ne t’en veux pas et je t’aime.»
Mère accusée de complicité de viol et d’inceste
Même s’il reconnaît que la mère a subi un véritable calvaire aux côtés de son mari, qui l’a violée à plusieurs reprises, le procureur a maintenu les chefs d’accusation à son encontre, dont la complicité d’inceste, la complicité de viol et la complicité de contrainte sexuelle. «La prévenue était au courant de ce qui se passait chez elle. Lorsque sa fille lui a confié qu’elle avait été violée par son père, elle aurait dû dénoncer son mari aux autorités, a-t-il déclaré. Elle a voulu cacher ce qui se tramait au sein de sa famille et a failli à l’éducation de ses enfants.» Le représentant du Ministère public a requis une peine de prison de 36 mois, dont six ferme, ainsi qu’un traitement ambulatoire.
Son avocat, Me Laurent Gilliard, a reconnu qu’elle avait manqué à ses devoirs d’éducation. Toutefois, il conteste la complicité d’inceste. «Ma cliente n’avait pas connaissance que ses enfants s’adonnaient à des relations sexuelles.»