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La Diagonale des fous à l’allure de la nature

6 novembre 2014

Ultra-trail – Hugues Jeanrenaud, de Cronay, a terminé le Grand Raid de La Réunion en 52 heures et des poussières. Récit d’une aventure sportive hors du commun.

Hugues Jeanrenaud a documenté son aventure en photos et vidéos. Son appareil compact a été son meilleur ami durant la course, lui permettant de penser à autre chose qu’à son effort. © Hugues Jeanrenaud

Hugues Jeanrenaud a documenté son aventure en photos et vidéos. Son appareil compact a été son meilleur ami durant la course, lui permettant de penser à autre chose qu’à son effort.

Le Grand Raid de La Réunion est probablement une des courses les plus difficiles du monde, même si la concurrence est rude (lire ci-dessous). Au menu des 2300 courageux qui y ont participé cette année, il y a deux semaines, la traversée de l’île française, située dans l’océan Indien, en 173 kilomètres et près de 10 000 mètres de dénivelé positif. Un truc de dingues? Ce n’est sans doute pas pour rien qu’on appelle cette épreuve la Diagonale des fous. «Ça tombe bien: pas mal de mes connaissances m’appellent le fou», rigole Hugues Jeanrenaud, de Cronay. A 37 ans, il est arrivé au bout du calvaire en 52h17’04, soit au 585e rang du général. Il raconte.

Avant la course

L’idée. «J’ai participé l’année dernière à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) et je me suis rendu compte que ce genre de course était vraiment mon truc. Je me suis alors demandé quelle épreuve pouvait m’attirer et celle qui me faisait rêver, la plus mythique, c’était celle-ci. La Diagonale des fous a la réputation de ne pas être un ultra comme un autre, davantage une aventure. Par ailleurs, la perspective de découvrir La Réunion me motivait aussi.»

La préparation. «Pour se lancer dans une épreuve comme celle-ci, je dirai qu’il faut compter trois ans d’expérience dans le trail. Sortant de l’UTMB, j’avais environ douze mois pour me mettre dans les meilleures conditions. En gros, cela représente quatre séances par semaine de course ou de rando-course, plus du renforcement musculaire, du vélo, de la natation. Durant l’année, j’ai aussi participé à quelques courses pour travailler la vitesse, dont le Grand Prix de la ville de Berne, et à trois trails de 56, 77 et 80 kilomètres.»

Le déplacement. «Je suis arrivé sur place une semaine et demi avant la course pour m’acclimater, me faire à l’air, au terrain, à la nourriture locale. Ce dernier point est très important. Certains arrivent à la dernière minute et ne supportent pas ce qu’on leur donne aux ravitaillements, car ils n’y sont pas habitués. J’ai aussi profité de mes entraînements pour visiter. L’engouement populaire est assez fou: l’île ne vit vraiment que pour la course, tout le monde en parle et, partout, les gens me demandaient: alors, t’es prêt pour jeudi?»

Pendant la course

Hugues Jeanrenaud a documenté son aventure en photos et vidéos. Son appareil compact a été son meilleur ami durant la course, lui permettant de penser à autre chose qu’à son effort. © Hugues Jeanrenaud

Hugues Jeanrenaud a documenté son aventure en photos et vidéos. Son appareil compact a été son meilleur ami durant la course, lui permettant de penser à autre chose qu’à son effort.

Le départ. «La veille de la course, il faut préparer ses affaires, ses différents sacs, tout contrôler deux fois. Le jour J, quand on arrive à Saint-Pierre, la foule est massive. Il y a un immense concert, on se croirait à Paléo. Puis, vers 22h30, c’est le «pan» et on y va. A ce moment-là, j’ai ma soeur au bout du fil, je lui raconte ce qui se passe. Un moment magique.»

Le déroulement. «Quand le jour commence à se lever, vers 5h30, on se dit que le temps va être clément. Puis, dans l’ascension du Piton Textor, la tempête se lève, avec une pluie forte et glacée. Les abandons se multiplient, on voit des concurrents greloter sous leur couverture de survie. Puis, cela se dégage. A chaque fois que l’on traverse un village, tout les habitants sont dehors pour nous encourager. C’est très stimulant. Petit à petit, on perd la notion du temps, la lucidité. Au dernier ravitaillement, à 13,5 kilomètres de l’arrivée, j’ai tout lâché émotionnellement, j’ai pleuré, mais je n’ai jamais pensé à abandonner. Et puis, je me disais que 13,5 kilomètres, c’est une heure. En fait, il m’en a fallu six. Je suis arrivé au Stade de Saint-Denis à 2h30 et il y avait plein de monde.»

Le parcours. «C’est très varié, on passe des galets au sable, du béton aux pierres volcaniques. On est très souvent dans la jungle, il faut utiliser des échelles, s’accrocher à des lianes. Dans de nombreuses circonstances, on ne peut tout simplement pas courir. Et puis, surtout, il n’y a pas de faux plat. Cela ne fait que monter, vraiment, et descendre.»

Les clés pour aller au bout. «Une bonne alimentation: il est très important de ne pas attendre d’avoir faim. Ensuite, il faut se laisser porter par l’ambiance. La gestion de l’effort est très importante aussi. Il ne faut pas partir trop vite. Et puis, cette année, j’ai beaucoup filmé et fait des photos. Des moments qui permettent de reprendre «du jus», car on n’est alors plus vraiment dans l’effort.»

Après la course

Le rang. «Le fait d’arriver au bout était suffisant pour que je sois satisfait, d’autant que des habitués disaient que l’édition de cette année, rallongées de 9 kilomètres à cause d’un éboulement, avait été la plus rude. Mon temps et mon rang me semblent raisonnables, mais ils sont vraiment secondaires.» La récupération. «On y est encore (rires). Le lendemain de la course, je devais prendre l’avion et j’appréhendais, car j’avais les jambes gonflées. Je me suis fait des bandes de contention et, durant tout le vol, je me suis levé toutes les demi-heures pour faire circuler le sang. Toute la semaine, au boulot, j’étais fatigué, mais sans stress, bien, comme sur une autre planète. Pas de sport pendant quinze jours: mes tendons d’Achille sont douloureux, c’est l’usure.»

La suite. «Des courses, des défis, il y en aura d’autres, c’est sûr, mais je ne sais pas encore lesquels. Pour l’instant, je vais monter un petit film avec toutes les images que j’ai prises, reprendre progressivement le vélo, la natation, il y a la saison de peaux de phoque… Je vais faire comme le suggèrent les Réunionnais, quand ils parlent de trail notamment: il faut faire les choses à l’allure de la nature.»

 

Trois courses qui font mal aux jambes

La 555+ (Niger). Initialement, cette course dans le désert se déroulait sur 555 kilomètres. Mais, afin d’arriver dans une ville, elle a été rallongée à 609 bornes. Les mordus qui s’y lancent n’étaient pas à ça près. Il faut six jours pour aller au bout.

Le Norseman (Norvège). Un ironman (3,8 km de natation, 180 de vélo et 42,175 à pied) «classique», à ceci près qu’on nage dans une eau à 12°C et qu’il ne fait pas bien chaud pour la suite du parcours -très sélectif- non plus. A réserver aux Vikings de l’endurance.

Le double déca ironman (Mexique). Un ironman… multiplié par vingt (76 km de natation, 3600 de vélo et 844 à pied). Organisée en 1998, l’épreuve a réuni six participants, dont cinq ont été au bout, en un peu plus de 18 jours pour le meilleur.

Lionel Pittet