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La doyenne d’Yverdon a fermé ses yeux après 105 ans de vie

20 septembre 2020

Rosa Bolle s’en est allée dimanche dernier à l’aube. Entre son jardin qu’elle bichonnait et sa famille qu’elle chérissait, la doyenne des Yverdonnois a vécu des petits bonheurs du quotidien.

 

Existe-t-il un petit nom pour les plus de 100 ans? «La Mamie». Du moins, c’est ainsi que ses trois enfants, quatre petits-enfants et sept arrière-petits-enfants avaient baptisé Rosa Bolle, la doyenne de la ville depuis mars 2019. A 105 ans, l’Yverdonnoise a fini par se plonger dans un sommeil éternel dimanche dernier, à l’aube, entourée par ses proches. Elle laisse derrière elle une famille unie.

Résumer un siècle d’histoire s’avère difficile, même pour sa fille Evelyne Perrenoud, qui est restée à son chevet durant plusieurs années. Cette dernière a néanmoins trouvé une citation de Christophe Bobin qui résume l’esprit de sa maman: «Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles.» Fille de deux Urbigènes, elle a grandi à L’Abergement, dans une famille modeste. Avec un père qui est passé d’employé chez Nestlé à bûcheron, autant dire que la vie était bien différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Sa petite maison ne disposait ni d’électricité ni d’eau, et ses six frères et sœurs dormaient ensemble dans une même chambre. Il lui arrivait même de céder son lit à sa grand-maman pour passer la nuit sur un matelas de paille et de feuilles mortes.

La nature comme terrain de jeux

La vie au grand air a forgé son esprit, la poussant à accepter tous les coups du sort, y compris les décès de sa maman et ceux survenus dans la fratrie. «Elle a été élevée à la durd où quoiqu’il arrivait on se devait se taire et faire avec, témoigne Evelyne Perrenoud. C’est aussi ce qu’elle a essayé de nous transmettre.»

Malgré son envie de suivre une formation, Rosa Bolle a dû se résoudre à travailler dans la région lausannoise où elle a déménagé en 1926. Et dans les années 1920, son salaire avoisinait les 15 francs par mois, pour des journées de seize heures à la laiterie de Renens. Mais ce petit quelque chose aidait passablement la famille à tourner.

Arrivée à Yverdon-les-Bains en 1930, elle a enfilé un nouveau tablier en devenant aide de cuisine à l’Asile des vieillards. A nouveau, les journées étaient longues et les tâches difficiles, mais pour un revenu bien plus intéressant: 30 francs par mois, en plus d’être nourrie et logée. Après huit ans de bons et loyaux services, elle a vu son salaire doubler.

Après ce premier petit rayon de soleil, un autre est venu illuminer le ciel de Rosa Bolle: Etienne, avec qui elle s’est mariée à l’Asile des vieillards, entourée par sa famille et les pensionnaires.
La Nord-Vaudoise s’est alors installée à la rue du Buron 1, maison qu’elle n’a plus quittée. Entre la guerre mondiale, le travail, l’entretien de la maison et la naissance de son premier enfant, Pierre Henri, Rosa Bolle a été bien occupée. Puis, en 1945, Etienne est enfin revenu du front. Peu de temps après arrivent Irène, suivie d’Evelyne.

En toute simplicité

La cadette se rappelle de quelques instants privilégiés avec ses parents. «Je me souviens que le samedi matin, ils venaient nous voir à la récréation et après, ils allaient au marché, c’était leur rituel», évoque Evelyne Perrenoud. L’un des autres dadas de sa maman: les mots croisés. «Chaque matin, elle attendait son journal pour lire les articles et faire les jeux. Elle a continué jusqu’à ses 103 ans!»

Si la doyenne d’Yverdon-les-Bains n’a jamais vraiment voyagé, hormis une excursion à la mer Baltique, elle s’envolait d’un pays exotique à un autre grâce aux cartes postales. «On en a récupéré des cartons entiers, assure sa fille. Elle aimait aussi déchirer les articles de journaux, couper les images de gentianes sur les briques de lait et celles dans les magazines.» Et d’ajouter: «Elle avait aussi quatre ou cinq vieilles poussettes et des poupées, pas forcément des pièces chères mais avec du caractère.»

Peu importent les années qui passaient, on pouvait toujours trouver Rosa Bolle dans le coin. Soit elle partait faire des promenades ou elle s’activait au jardin ou à la cuisine. «Je me souviens aussi qu’on allait remplir des sacs de copeaux de bois pour la maison, on récupérait aussi les feuilles mortes et les pommes de pin», commente Evelyne Perrenoud. Et de sourire: «Et combien de fois, elle nous a emmenés à la fontaine des Bains! On allait chercher de l’eau et se tremper les pieds. C’est peut-être ça qui lui a d’ailleurs permis de vivre jusqu’à 105 ans!»

Christelle Maillard