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La politique locale perd de sa superbe

12 novembre 2020

Paul-Arthur Treyvaud tourne la page après 42 ans d’engagement.

En ce début d’automne, le Conseil communal d’Yverdon-les-Bains prend des coups de vent. Non seulement en raison des effets de la pandémie, mais aussi par le départ de quelques anciens qui ont longtemps contribué à alimenter la flamme du consensus. Paul-Arthur Treyvaud fait incontestablement partie des éléments modérateurs de cette ville qu’il aime tant, et pour laquelle il s’est engagé à tous les niveaux: 42 ans, dont 22 au sein de l’Exécutif, et, en parallèle, 16 années au Grand Conseil, précédées d’un mandat de juge cantonal suppléant.

Au moment de tourner la page, l’avocat yverdonnois explique sans détour, mais aussi sans amertume, les raisons qui ont conduit à sa décision de quitter l’organe délibérant. L’une d’elles, simplement factuelle, est liée à la pandémie. Il estime que dans les circonstances actuelles, siéger à La Marive n’est pas raisonnable. Non pas que la salle ne permette pas de respecter la distanciation sociale. Mais des séances de quatre heures – une durée assez courante au Conseil communal –, sans aération, augmentent considérablement le danger. «Sans ce risque, je serais allé jusqu’au bout de la législature», explique-t-il.

L’autre motif, qui a sans doute pesé très lourd dans la balance, relève de l’action politique pure: «Durant la plus longue partie de ces années, il y avait un état d’esprit tel que les conflits politiques étaient rares. Tout le monde était tourné vers la recherche du bien public. On peut avoir des conflits de temps en temps, mais il y a la manière. On peut avoir des idées opposées, mais il faut essayer de ne pas nuire.»

Pour cet avocat cultivé, dont les rapports à l’autre sont empreints de respect dans toutes les circonstances – on peut en témoigner pour l’avoir vu à l’œuvre dans certaines audiences pénales –, assister à la dégradation des débats est juste insupportable: «Il y a une dégradation dans l’esprit d’appartenance à une Chambre dans laquelle chacun doit apporter ses idées dans le rapport à l’autre. Aujourd’hui, on est parfois dans le mépris de l’autre. Cela se traduit par de l’agressivité et une perte d’objectivité. Tout cela pour frapper le public qui suit la séance à la télévision.»

Et d’ajouter: «La télévision offre une tribune aux conseillers communaux qui s’adressent à des électeurs plutôt qu’à des collègues de l’organe délibérant. Du coup, la recherche de la victoire prend le pas sur celle du bien public.» Et dans ce domaine, ceux que l’ancien élu surnomme les «écolopopistes» excellent. Il ne donnera pas de noms, mais déplore qu’au final les relations sont «altérées».

Une nécessaire réserve

Le passage de Paul-Arthur Treyvaud au Conseil communal a été interrompu par 22 années de Municipalité, un record dans l’histoire récente d’une ville dont la population est passée de 20 000 à plus de 30 000 habitants. N’est-il pas difficile de revenir sur les bancs du Conseil après un si long bail dans les rangs de l’Exécutif? «C’est sûr que la connaissance de certains dossiers incite à une certaine réserve. Mais après un passage à la Municipalité, on connaît aussi parfaitement le rôle de chacun», remarque-t-il.

L’ancien municipal de l’Urbanisme et des bâtiments (URBAT) a eu la chance de collaborer avec une demi-douzaine de syndics. Tous l’ont, d’une manière ou d’une autre, marqué: «Pierre Duvoisin (PS) a apporté des idées novatrices. Il était profondément animé du désir de promouvoir cette région. André Perret (PS) est un ingénieur qui avait des idées claires et précises, et une approche pragmatique des dossiers. Raymond Guyaz (Rad) est un intellectuel qui a veillé aux bonnes relations entre la Municipalité et le Conseil. Olivier Kernen (PS) était sur les traces de Pierre Duvoisin: il a propulsé le Nord vaudois dans le canton. Daniel Von Siebenthal (PS) était soucieux de venir en aide aux deshérités. Rémy Jaquier (Rad) a œuvré pour préserver une atmosphère de respect entre les divers acteurs politiques.» Et Jean-Daniel Carrard (PLR)? «C’est une locomotive!», déclare sans hésitation l’ex-élu. Et d’énumérer les projets qui ont été menés à terme ces dernières années.

Paul-Arthur Treyvaud note que c’est sans doute dans la continuité de l’ouverture promue par Pierre Duvoisin, sous la syndicature de son successeur André Perret, que la ville d’Yverdon-les-Bains a réussi à s’imposer comme un carrefour incontournable au cœur de la Suisse romande. «C’est un avantage extraordinaire que d’avoir une position géographique comme la nôtre. Yverdon-les-Bains avait une sorte de statut en marge du canton. Aujourd’hui, c’est clairement un acteur important à tous point de vue, y compris touristique.»

Expo.02 suscite des regrets

à l’heure de tourner la page, Paul-Arthur Treyvaud ne manifeste pas de nostalgie, mais tout de même un regret: «Nous n’avons rien conservé d’Expo.02. C’était pourtant un événement formidable, une belle période. Les bâtiments ont été construits pour être éphémères. Le soufflé est retombé trop vite.»

Ce regret ne concerne pas le fameux Nuage: «C’était un gadget!», sourit l’ancien élu, qui reste persuadé qu’on a «raté le coche avec le plan de ski nautique, qui n’aurait causé aucun impact majeur à la nature».

Résolument positif, l’homme de compromis a les yeux qui brillent lorsqu’il admire le développement d’Y-Parc. Le Parc scientifique et technologique a mis du temps à prendre son envol, selon lui, mais aujourd’hui beaucoup de villes nous envient.