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Le Vallorbier qui rêvait de voler

9 novembre 2012

Saut à ski – A 20 ans, Guillaume Berney fait partie des meilleurs espoirs de la discipline en Suisse. Cet hiver, il sautera dans l’antichambre de la Coupe du monde, avec l’espoir d’y briller et s’ouvrir, peu à peu, les portes du paradis.

De passage «chez lui» à Vallorbe il y a quelques jours, Guillaume Berney prépare actuellement son début de saison, qu’il estime primordial.

Rares sont ceux qui osent s’élancer des tremplins les plus abrupts, les skis aux pieds, pour un envol de plus de cent mètres parcourus en quatre secondes dans les airs. Secondes de liberté qui peuvent paraître une éternité. Guillaume Berney, aux portes d’une carrière internationale, est de ces hommes-là.

Les prémices

C’est aux Charbonnières qu’il a fait ses premiers sauts. «On était une super équipe, se remémore le Vallorbier de 20 ans. On a toujours eu les meilleurs entraîneurs, avec Florian Cuendet et Arnaud Bousset, par exemple.» C’est là-bas, et ensuite à Chaux-Neuve, que son rêve de participer un jour aux Jeux olympiques s’est construit.

Le grand saut

Guillaume Berney a alors pris son envol. Pour bénéficier des mêmes conditions que les autres sauteurs du pays. Pour rendre possible son rêve d’enfant. Pour l’expérience. En 2010, au terme de ses études à la vallée de Joux, il est parti pour Einsiedeln. La Mecque du saut à ski en Suisse. Décidé, il y a trouvé un job de polymécanicien à 50%, lui offrant la flexibilité nécessaire à la pratique quotidienne de son sport. «J’ai fait une soixantaine de demandes d’emploi avant de trouver. Je suis vraiment content du chemin parcouru jusque-là, s’émeut-il. J’ai une liberté géniale pour m’entraîner.»

Entouré de ses camarades sauteurs venus des quatre coins du pays, le Nord-Vaudois est tombé sous le charme des Préalples schwytzoises, où il a rencontré des gens qui apprécient d’avoir affaire à un «Welsch» et auprès desquels il a appris à maîtriser le schwytzertütsch.

Le coup d’arrêt

Pourtant, rien n’a été facile lors de l’été 2011, lorsqu’il s’est blessé au ligament croisé antérieur du genou gauche, alors même qu’il était en super forme. Un couac qui l’a éloigné des tremplins durant près d’une année, jusqu’en juin dernier. «Le plus dur, c’est de tout arrêter, ne rien pouvoir faire.» Une blessure qu’il a su mettre à profit pour écouter son corps, pour apprendre la patience et prendre du recul. «Avant, je voulais tout, tout de suite, se souvient-il. Sylvain Freiholz m’avait dit que c’était une bonne expérience de se blesser. C’est vrai, ça m’a apporté plein de choses. Ce n’était pas une année de perdue.»

Le retour

Le travail réalisé durant sa convalescence lui a permis de revenir pour la saison d’été 2012, en même temps que tous les autres. «J’étais tellement content de resauter, ça a super bien commencé, puis l’euphorie s’est atténuée et j’ai connu un moment un peu plus difficile», résume-t-il. Le déclic est réapparu au bon moment, pour les Championnats suisses, auxquels il a terminé septième début octobre.

Du haut de son mètre 86, pour 69 kilos, Guillaume Berney fait parler sa puissance sur les skis. Longiligne, il l’est naturellement. «Je ne me rationne pas, au contraire», affirme-t-il. Avoir gardé le moral durant cette année d’arrêt, être revenu en parfaite forme physique, ont permis de le conforter dans ses choix, dans son esprit. «J’ai l’impression d’être plus prêt, je me connais mieux moi-même.»

L’ambition

Membre du cadre West, Guillaume Berney doit gagner sa place pour la Norvège, à la fin du mois, où la saison d’hiver commencera véritablement pour quatre Helvètes, en FIS Cup, en quelque sorte la troisième division. Ils sont une petite dizaine à se battre pour ces places, parmi lesquels deux sauteurs des clubs combiers, Killian Peier (actuellement blessé) et Olivier Anken.

«Bien commencer l’hiver est important pour ne pas se retrouver relégué», estime Guillaume Berney, qui fera tout pour être parmi les quatre heureux élus. Ensuite, selon les performances, il pourra également s’aligner en Coupe continentale, l’échelon supérieur, où il désire faire des points en entrant parmi les trente meilleurs. «Mais, souvent, il n’y a que quelques mètres entre le 20e et le 50e», relève-t-il.

De bons résultats lui permettraient d’entrevoir la Coupe du monde dans un avenir plus lointain, où sautent désormais Simon Ammann, Marco Grigoli et Gregor Deschwanden. Ces deux derniers y font leur place petit à petit. «De voir qu’ils y sont arrivés, ça fait envie. Mais tout ne va jamais aussi vite que l’on croit, souligne-t-il. Cela prend du temps pour améliorer les petites choses.»

L’état des lieux

Le saut national a peiné à trouver de la relève durant plusieurs années. La Suisse ne comptera probablement jamais un grand réservoir, «mais j’ai l’impression que ça fait longtemps qu’il n’y a pas eu autant de monde du même âge qui arrive», se réjouit le sauteur de Vallorbe, en plein dans la génération de ceux qui frappent à la porte. Il faudra toutefois être patient. «Les gens pensent souvent qu’on doit être au sommet à 18 ans, mais la plupart des sauteurs percent après leurs 20 ans, nuance le jeune sauteur. Il n’y a pas que des Schlierenzauer et des Morgenstern.»

L’exemple

S’entraîner à Einsiedeln, c’est avoir le privilège de côtoyer parfois Simon Ammann, le quadruple champion olympique. Le Saint-Gallois prend le temps d’observer ses successeurs, de les corriger, de les aider. «Il peut nous expliquer les choses comme aucun autre», résume Guillaume Berney. C’est aussi simple que cela.

Manuel Gremion