La production cessera progressivement. La plupart des collaborateurs achèvent demain une activité centenaire.
La grande majorité des employés de Leclanché Capacitors, la dernière branche historique de l’ancienne firme yverdonnoise, termineront leur mandat demain, conformément aux dispositions négociées dans le cadre du plan social. Cela dit, une telle activité ne peut être stoppée du jour au lendemain. D’autant plus qu’il reste des commandes à honorer. Elles seront assumées par quatre collaborateurs qui ont accepté de prolonger leur mandat de quelques semaines, et des personnes engagées à la fin de l’automne pour une mission temporaire.
«Tout est bien qui finit bien. La plupart des collaborateurs ont tourné la page. Pour certains, cela est plus facile que pour d’autres. L’un des anciens est parti il y a peu. Ses collègues ont décoré l’atelier. C’était assez festif», témoigne un proche de l’entreprise. Conformément au plan social, les employés pouvaient s’en aller s’ils trouvaient un emploi. Une opportunité dont certains ont déjà profité.
Après les tensions de l’automne, ponctuées par un mouvement social et une grève d’une dizaine de jours après l’annonce de la fermeture définitive de l’entreprise, le plan social, négocié avec le soutien du syndicat Unia, a permis un retour progressif à la normale.
«Il est difficile d’arrêter l’activité d’un jour à l’autre, même si le plan social a fixé la date au 31 janvier. En fait, pour achever les commandes et le transfert des activités en Allemagne, il y aura encore du travail jusqu’à la mi-mars», explique Christophe Habouzit, gérant en charge de la direction depuis la fin de l’année dernière. Laurent Dousselin, qui menait la barque au plus fort du conflit, a été libéré par le groupe Mersen, propriétaire de Leclanché Capacitors, pour assumer un autre mandat.
«Nous avons un flux de commandes à traiter. Les dates arrêtées par les partenaires sociaux ne correspondent pas forcément aux réalités. Il y a forcément un décalage. Une fois les activités terminées, il faudra encore achever le transfert en Allemagne», explique le responsable du site yverdonnois.
Si la fabrication des condensateurs, dernière activité historique de l’ancienne Leclanché – ce département a été créé il y a plus de cent ans –, va quitter la capitale du Nord vaudois, la marque, elle, perdurera encore quelques années, jusqu’à l’échéance du contrat passé avec les propriétaires de l’actuelle Leclanché.
Pour les nombreuses familles de la région, dont l’un ou l’autre des membres a travaillé sur le site historique de l’avenue de Grandson, cette fermeture va sans doute susciter quelque nostalgie. Et à l’heure où il est question de fermer les Ateliers CFF, à l’étroit sur leur site, la question est particulièrement sensible. D’autant plus que le tissu industriel vaudois tend à se réduire.
On rappellera que la décision de l’ancienne Leclanché de se séparer de son département condensateurs remonte à près de vingt ans, alors que la société était dirigée par Raoul Sautebin. Stephen Fugate a été alors chargé de trouver un repreneur. C’est dans ces circonstances qu’il a fait la connaissance de Peter Fischer, patron d’un groupe familial actif dans un domaine proche.
L’industriel de Hambourg a été séduit. Mais il s’est lancé dans l’opération à la condition expresse que Stephen Fugate l’accompagne. Ce dernier est ainsi devenu à la fois actionnaire minoritaire et directeur de Leclanché Capacitors Sàrl, la raison sociale de la nouvelle entreprise. Depuis, et ce jusqu’à un futur proche, celle-ci a continué à occuper les mêmes locaux. Contacté, Stephen Fugate s’est refusé à tout commentaire.
Même si les équipements, et les locaux, paraissaient désuets, la petite société est parvenue tout au long de son parcours indépendant à tirer son épingle du jeu, occupant jusqu’à 26 employés à une certaine époque. Quant au chiffre d’affaires, il a pratiquement doublé pour atteindre quatre millions de francs en 2018.
Leclanché Capacitors a aussi surmonté des moments difficiles, notamment la crise financière de 2009, et celle provoquée par l’abandon du soutien au franc suisse par la Banque nationale en janvier 2015.
Le rachat de FTCAP Fischer, et par conséquent de Leclanché Capacitors, par Mersen, qui avait, à ce moment-là, assuré les employés yverdonnois du maintien de l’activité dans notre ville, est malheureusement intervenu à un mauvais moment. En effet, la crise du Covid-19 a eu des effets désastreux sur le domaine de l’aviation et les transports en général. Leclanché Capacitors aurait peut-être surmonté cette crise comme les précédentes. Mais dans ce genre de situation, un grand groupe actif sur le plan mondial n’attend pas le soleil pour prendre des mesures de restructuration. C’est dans ces circonstances que Mersen a décidé de concentrer l’activité condensateurs en Allemagne.
Leclanché Capacitors travaille essentiellement pour l’exportation. On retrouve ses produits dans les avions, les systèmes de sécurité des chemins de fer et d’autres domaines spécifiques. Durant toute cette période, la société a créé de nouveaux produits ou les a adaptés à l’évolution du marché et des demandes particulières, démontrant une réactivité rare dans ce domaine.
Demain, la plupart des employés vont quitter l’avenue de Grandson avec des souvenirs aigres-doux. Le plan social leur assure, en fonction des années de service, cinq à quinze mois de salaire. Une consolation, et, pour ceux qui sont plongés dans l’incertitude, le temps de retrouver un travail. C’est ce qu’on peut leur souhaiter.