Nord vaudois – Sur les contreforts du Jura, un jeune lynx s’est attaqué à un chevreuil victime d’une collision avec une voiture. Le fascinant spectacle de la nature a été capturé par l’appareil photo d’une habitante.
Quelle surprise pour cette habitante d’un village du pied de la Côte, dimanche matin ! En jetant un œil par la baie vitrée de son salon, elle a aperçu un lynx, tapi dans les herbes, à quelques mètres d’un chevreuil inerte. Le tout à moins de cinquante mètres de la maison ; de quoi réaliser quelques clichés du félin, présent dans une grande partie du Jura vaudois, mais généralement particulièrement discret.
Trop jeune pour tuer
«Selon ce qu’on peut voir sur les photos, il s’agit d’un jeune lynx, détaille Laurent Cavallini, chef opérationnel pour les gardes au sein de la Direction générale cantonale de l’environnement. Notre première hypothèse voudrait que sa mère soit morte et qu’il se déplace ainsi seul, à la recherche de nourriture. Comme les lynx ont un odorat très développé, il a dû sentir le chevreuil de loin et s’est ensuite approché pour manger. Par ailleurs, l’absence de traces de morsure sur le cou du chevreuil atteste que ce n’est pas le lynx qui l’a chassé. Il a probablement été heurté par un véhicule.»
Le comportement du félin s’explique par le fait que les jeunes lynx restent en général dix mois auprès de leur mère et ne possèdent pas encore tous la faculté de tuer pour manger. Ainsi, ils peuvent se nourrir de dépouilles ou de petits animaux croisés par hasard. «Dans ce cas précis, il s’agit d’une opportunité que le jeune lynx a saisi», ajoute Laurent Cavallini.
Depuis dimanche matin, le félin est revenu sur le lieu de sa trouvaille le dimanche soir entre 17h et 18h, puis à nouveau aux alentours de 2h du matin, hier. Ces deux informations ont été collectées grâce à un piège photographique installé tout près de la carcasse du malheureux chevreuil. Le jeune lynx a ensuite effectué un troisième passage gastronomique aux environs de 7h, hier matin. «C’est un comportement logique, ajoute encore le spécialiste de la faune. D’habitude les lynx recouvrent le produit de leur chasse avec des feuilles mortes, et y reviennent tant qu’il reste quelque chose à manger.»
Espèce protégée
En milieu naturel, les lynx jouent un rôle prépondérant dans la régulation de la population d’ongulés (chevreuil et chamois, par exemple) dans nos forêts. En règle générale, chaque individu mâle prélève entre cinquante et soixante bêtes par année. Le lynx, qui avait disparu de nos contrées, a été réintroduit en Suisse depuis 1971. Il s’agit d’une espèce protégée.
Situation déjà rencontrée dans la région
Le fait de retrouver un jeune lynx privé de sa mère n’est pas anodin, mais cela se présente assez régulièrement. Deux épisodes récents en attestent. Dans l’est du canton, une femelle avait été braconnée, laissant deux jeunes femelles orphelines. Ces dernières avaient été capturées, puis placées à Juraparc, au Mont d’Orzeires, avant d’être relâchées dans la nature. Aux dernières nouvelles, elles se portent bien. Un autre incident de ce type avait vu une maman lynx se faire happer par une voiture sur la bretelle autoroutière entre Orbe et Vallorbe. Le jeune lynx qui l’accompagnait avait erré dans les alentours, probablement nourri par des habitants ou des passants. Ce qui s’avère être une erreur souvent commise. «Il faut à tout prix éviter de nourrir les animaux sauvages», explique Laurent Cavallini. «Que ce soit un lynx ou un renard. Par exemple, il faut éviter de laisser des gamelles pour chats ou chiens à l’extérieur. Vous risquez d’avoir quelques soucis, avec les renards notamment», conseille encore le professionnel de la faune.