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«Non, je ne veux pas tout centraliser sur Lausanne»
(KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)

«Non, je ne veux pas tout centraliser sur Lausanne»

7 avril 2022

Durant le premier tour, la candidate centriste Valérie Dittli avait critiqué les emplacements périphériques des centres professionnels. Aujourd’hui, elle explique à La Région le fond de sa pensée.

Première des cinq priorités pour l’Alliance vaudoise: la formation. Sur ce point, Valérie Dittli (Le Centre) avait décontenancé les candidats nord-vaudois de l’Alliance de gauche en désavouant le choix du Conseil d’Etat de décentraliser les pôles de formations dans des régions. La juriste de 29 ans tempère aujourd’hui ses propos.

Valérie Dittli, avez-vous le sentiment que la gauche vous a sous-estimée durant cette campagne ?

(Rires). Non, je ne crois pas avoir été sous-estimée, mais comme j’étais moins connue et plus jeune que les autres candidats, mon résultat a créé la surprise.

Pensez-vous créer une nouvelle surprise dimanche en étant élue au Conseil dEtat?

Je ne sais pas. Après le premier tour, rien n’est gagné. J’ai été fortement sollicitée par les médias durant cet entre-deux tours, et je pense que les citoyens ont appris à mieux me connaître. Nous sommes restés très unis au sein de l’Alliance, nous avons continué à faire campagne ensemble et à présenter nos cinq priorités (formation, mobilité, fiscalité, durabilité et santé) pour ce canton – y compris avec Christelle Luisier Brodard qui a déjà été élue. Nous appelons à voter compact, car c’est la diversité de notre équipe qui fait sa force.

Croyez-vous au sondage publié par 24 heures indiquant que vous serez élue?

Je me méfie des sondages. J’attends vraiment de voir les résultats le 10 avril.

Durant cette campagne, on vous a vue dans le Nord vaudois, notamment au Carnaval de Sainte-Croix et au Comptoir. Comment trouvez-vous ce district?

Je l’adore! On pourrait d’ailleurs comparer Yverdon à Zoug; et j’adore Sainte-Croix, qui me rappelle Oberägeri, le village où j’ai grandi. J’ai beaucoup apprécié le Carnaval et, surtout, le yodel. Cela doit être mon côté suisse alémanique qui ressort, mais je trouve cette tradition magnifique!

Pourtant, dans un débat à la RTS, vous avez choqué les Nord-Vaudois lorsque vous avez demandé à la conseillère d’état yverdonnoise Cesla Amarelle (PS) si elle ne faisait pas «exprès de rendre les centres professionnels pas attractifs en les plaçant à l’autre bout du canton», comme à Sainte-Croix…

Je me souviens très bien de ce débat et de cette phrase, mais on ne m’a pas redonné la parole, donc je n’ai pas pu m’expliquer là-dessus. Au centre de ma réflexion, il y a toujours ce problème lié au manque d’apprentis. Ce que je voulais dire, c’est que dans un monde idéal, les gymnases et les écoles professionnelles devraient être accessibles facilement quels que soient les lieux où ils sont présents sur le Canton. De la même manière, il faut faire attention aux quartiers où sont installés les gymnases et les écoles professionnelles. Par exemple à Lausanne, l’école des métiers est dans la zone industrielle tandis que les gymnases sont dans des endroits plus centraux comme par exemple dans la cité. Cela engendre nécessairement une perception différente du type d’études, certaines étant vues comme plus prestigieuses.

Aujourd’hui, vous êtes en train de dire l’inverse?

Non, il est réducteur de ne prendre qu’un extrait du débat et de l’interpréter ainsi. J’ai toujours dit et je continuerai à dire la même chose: je ne veux pas tout centraliser sur Lausanne comme certains ont pu le croire. Le canton a tellement d’endroits et de facettes variées, mais aussi des tissus économiques différents qu’il faut les valoriser et distribuer nos centres de compétences. Mais il reste tout de même un problème non résolu, car idéalement, il faudrait que les habitants des «quatre régions» du canton puissent accéder facilement aux différentes offres.

Mais en créant des copies du Centre professionnel du Nord vaudois aux quatre coins du canton, vous allez justement tuer ce centre! A Sainte-Croix, l’école est un pôle d’attractivité pour toute la région.

Oui, il faut faire attention à préserver et développer de tels pôles d’excellence qui font vivre le tissu économique de la région. Aujourd’hui, nous avons des places inoccupées, la solution passe par l’augmentation du nombre d’apprentis.

Mais vous imaginez bien que si un Vallorbier, par exemple, a le choix entre prendre un train pour Lausanne ou un bus et un train pour aller à Sainte-Croix, il va partir sur Lausanne. Donc même les Nord-Vaudois risquent de fuir leur région.

C’est pour cela qu’il faudrait aussi améliorer les transports pour que les élèves puissent accéder à ces écoles facilement. Pour un Lausannois, il est sans doute plus aisé d’aller à Sainte-Croix que pour un Nyonnais ou pour une personne du Chablais, il faut aussi parler de ces régions.

Même en augmentant la cadence des transports, l’arc lémanique restera plus attractif…

C’est une réalité que le Centre professionnel de Sainte-Croix est excentré. Mais finalement, ce qui est vraiment important, c’est que la qualité de la formation reste excellente, car c’est de cela que dépend son attractivité. Et cela implique que le centre continue à innover tout en s’appuyant sur ses fondements tels que la mécanique ou l’informatique, qui font son succès. Par ailleurs, et je le redis, il ne faut pas toucher à ces écoles périphériques, mais j’estime qu’il est capital que les gymnases et les écoles professionnelles soient mieux desservies.

Vous avez parlé d’un taux de 21% d’apprentis, Cesla Amarelle de plus de 52%. Qui a raison?

Il faudrait que je regarde à quoi exactement correspond ce chiffre de 52%, mais moi je parlais des 21% d’étudiants qui, après l’école obligatoire, choisissent de s’orienter directement dans un apprentissage. Il faut augmenter ce chiffre en discutant avec les parents, en leur montrant les perspectives d’apprentissages, les passerelles possibles et peut-être en mettant en valeur les formations dans les métiers de demain (en lien avec le numérique et les changements climatiques).

N’est-ce pas déjà ce qui est fait ?

Il y a un bel effort de fait et il faut continuer dans ce sens, peut-être en offrant plus de stages à court terme, mais surtout en informant mieux les parents de ce qui est faisable, des options qui s’offrent aux apprentis.

Christelle Maillard